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ABORIGÈNES AUSTRALIENS

Société et parenté

Chez tous les Aborigènes, des interdits s'appliquent à la sexualité, à l'espace, à la parole, à la nourriture ou à l'utilisation de certains objets. Ces interdits concernent quatre domaines principaux : les relations de parenté et d'alliance, le deuil, les rites totémiques et les rites qui ponctuent le cycle de vie. Le tabou le plus important, commun à tous les Aborigènes, interdit à un garçon et à une fille d'approcher l'un de l'autre et de se parler s'ils sont en relation de gendre à belle-mère réelle ou potentielle. Cette relation est déterminée d'office dans certains groupes par les catégories classificatoires qui regroupent la moitié, le quart ou un huitième des femmes comme épousables et les autres comme interdites. Dans d'autres groupes, la relation est définie au moment de l'initiation d'un garçon, lorsqu'on lui choisit un futur beau-père et une future belle-mère dont il devra épouser la ou les filles. Toutes les sœurs, cousines parallèles ou femmes classées comme sœurs de la mère de sa future épouse, deviennent aussi ses belles-mères potentielles. Dès lors qu'il est initié, un garçon ne peut plus parler ou s'approcher de toutes ces « belles-mères ». Freud a expliqué le tabou de la belle-mère par le tabou de l'inceste mère-fils, or il s'agit plutôt d'un dispositif de prévention de l'inceste père-fille : en effet, si le garçon promis comme gendre à toute une catégorie de femmes venait à avoir une relation intime avec sa belle-mère promise ou ses belles-mères potentielles, il pourrait être amené à épouser plus tard sa propre fille.

Les systèmes de parenté australiens ont mobilisé ethnologues, linguistes et mathématiciens. Radcliffe-Brown en a distingué une cinquantaine de variantes à travers l'Australie, certains dits à moitiés, d'autres à quatre sections, et d'autres encore à huit sous-sections, comme celui des Warlpiri. Ce dernier système comprend huit noms, dédoublés en masculins et féminins, qui sont dans des relations soit réciproques (sœur et frère ont le même nom, un homme appelle du même nom son père et ses enfants) soit unilatérales (une mère n'appelle pas du même nom sa mère et ses enfants, mais elle a le même nom que son arrière-grand-mère). Les relations illustrées par ce système correspondent à une structure mathématique dont les propriétés peuvent s'inscrire sur un cube. Chacun devrait épouser quelqu'un dont le nom est associé au sien dans une relation de conjoint. L'enfant du couple reçoit un troisième nom défini comme enfant des deux autres. Quand les gens ne suivent pas la règle, l'enfant reçoit soit le nom « enfant » de son père soit celui de sa mère, situation qui ennuie beaucoup les Aborigènes.

En effet, les catégories de parenté classificatoire sont surtout importantes au niveau rituel. Elles opèrent comme un jeu de rôle. Par exemple, dans les cérémonies qui rassemblent les gardiens de Dreamings (itinéraires totémiques) différents, tous les hommes et femmes qui portent le même nom de sous-section – les Aborigènes disent skin name – que les gardiens du Dreaming célébré vont jouer le même rôle rituel que les gardiens, alors que ceux qui portent le nom des enfants des femmes gardiennes deviennent leurs régisseurs ou assistants. La relation gardien-régisseur (owner-manager, kirda-kurdungurlu dans les langues du désert) s'inverse selon le rêve célébré. Chez les Warlpiri et leurs voisins du désert, ainsi que dans les groupes de terre d'Arnhem au nord, chacun est gardien du rêve de son père et régisseur du rêve de sa mère.

Mais, dans le désert de l'Ouest, la division classificatoire rituelle la plus importante se fonde non pas sur la filiation (du côté du père ou de la mère) mais sur l'opposition[...]

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Écrit par

  • : docteur d'État ès lettres et sciences humaines, directrice de recherche au C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Barbara GLOWCZEWSKI. ABORIGÈNES AUSTRALIENS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

Sociétés aborigènes d'Australie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Sociétés aborigènes d'Australie

Colons et aborigènes - crédits : Henry Guttmann/ Getty Images

Colons et aborigènes

Ayers Rock - crédits : Doug Armand/ The Image Bank/ Getty Images

Ayers Rock

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

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    ...économie transnationale, le « monde de l’art », jusque-là exploré essentiellement par les sociologues (Becker), devient un sujet d’étude anthropologique. Sur la base d’une ethnographie de plusieurs décennies chez les Pintupi d’Australie, Fred Myers (2002) relate l’histoire – locale, régionale, nationale,...
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    ...répartition des restes chez les Esquimaux Nunamiut. En revanche, après avoir examiné les lieux, la durée de séjour, la saison, la densité du gibier chez les Aborigènes australiens du Western Desert, Gould comprit que la technique de découpe des kangourous en neuf morceaux se référait au système de parenté...
  • FREEMAN CATHY (1973- )

    • Écrit par
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    Le 25 septembre 2000 à Sydney, l'athlète aborigène australienne Cathy Freeman, victorieuse du 400 mètres olympique, effectue son tour d'honneur avec le drapeau australien et le drapeau aborigène, sous les acclamations des 112 000 spectateurs : symbole fort et annoncé de la réconciliation de l'...

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