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DE L'ÂME, Aristote Fiche de lecture

Qu'est-ce que l'âme ? La question peut nous paraître incongrue, mais pour l'Antiquité elle était essentielle à la constitution d'une science du vivant (l'âme se définit comme ce qui « anime » un corps, au principe donc de ce qui distingue l'animal du végétal), et partant d'un savoir sur l'homme. Aussi le traité De l'âme (en grec Perì psukhès, en latin De Anima) a-t-il été considéré comme l'une des œuvres majeures d'Aristote. Le Moyen Âge en a livré de nombreux commentaires, qui introduisent au cœur de la métaphysique. Quant à la philosophie contemporaine, notamment anglo-saxonne, dès lors qu'elle ne se satisfait pas de la façon dont les scientifiques lui semblent poser le mind-body problem (le problème de la relation entre le corps et l'esprit), elle retrouve les thèmes du Stagirite, dont la philosophie morale en particulier (l'Éthique à Nicomaque) bénéficie d'un regain d'intérêt.

Entre physique et métaphysique, une pensée du vivant

Aristote - crédits : Photos.com/ Jupiterimages

Aristote

Né à Stagire vers 385 avant J.-C., Aristote, venu à Athènes à l'âge de dix-sept ans, devint l'élève et l'assistant de Platon, avant de fonder sa propre école, le Lycée. Il mourut en 322. En 1923, le philologue allemand Werner Jaeger a profondément renouvelé les études aristotéliciennes en considérant l'ensemble des œuvres, qui pour la plupart nous sont parvenues dans un état lacunaire et problématique, en fonction d'un affranchissement progressif d'Aristote par rapport à Platon. Il a ainsi accusé l'écart entre une thèse « intellectualiste », qui serait essentiellement exposée dans le troisième livre du traité De l'âme, et une thèse « empiriste », plus proprement aristotélicienne, et donc postérieure dans sa conception, qui ferait l'objet des deux premiers livres. De fait, la question de l'âme se trouve au point d'articulation d'une « physique » et d'une « métaphysique » – ce dernier terme désigne seulement à l'origine ce qui vient dans le corpus aristotélicien « après » la Physique ; mais en l'occurrence il y a bien lieu de distinguer une réalité proprement intelligible, qui appelle une connaissance spécifique, celle donc de l'intellect (ou « esprit »), noûs, par opposition à la psukhè (ou « âme »).

La thèse de Jaeger est jugée aujourd'hui trop radicale par la critique. On insiste en particulier sur les liens de la « noétique » – exposée dans le livre III – avec l'ensemble des développements antérieurs. Ainsi, l'exposé des théories en présence, dans le livre I, à la manière encyclopédique dont procède habituellement son auteur, annonce la suite : la distinction entre noûs et psukhè est en germe dans les définitions possibles de la spécificité du vivant. Pour les uns, c'est le mouvement. Pour les autres, c'est la connaissance. Contre les premiers, Aristote va soutenir que l'âme meut le corps par la médiation de l'intellect et du désir ; mais contre les seconds, qu'elle n'en est pas moins « quelque chose du corps ». La postérité de l'œuvre réside donc, pour une bonne part, dans les analyses faites de la sensation et de l'imagination, elle-même partie de « l'intellect pratique » ; bref, dans le souci de ne pas réduire l'âme à l'intelligence théorique (ce qu'Aristote reproche à Platon), donc de ne pas dissocier une science de l'âme d'une science « physique » complète, qui considère l'être vivant comme une unité. « L'âme sensitive » est le propre de l'animal, par opposition à l'âme « végétative » de la plante – capable seulement de se nourrir et de se reproduire – et à l'âme « intellective » de l'homme, capable de connaître. Ici, chaque degré supérieur suppose les précédents, puisque l'étude de l'être le plus complexe comprend celle de toutes les « fonctions » de l'âme.[...]

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