Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France

Le retrait des architectes

Une autre tendance apparaît dans l'architecture religieuse française de l'après-guerre, dont les maîtres d'œuvre feront, pendant quelques années, leur véritable credo : l'ascèse. Vécue comme une démission des architectes et du clergé, cette attitude a, il est vrai, été portée par certains jusqu'à son paroxysme, soit la disparition totale de l'édifice, l'acte de prier n'étant plus désormais que le seul critère pris en compte. C'est pourtant à des fins moins minimalistes qu'André Le Donné ou Pierre Pinsard ont conçu leurs églises et couvents. À Paris (Sainte-Claire, à la porte de Pantin), Mulhouse ou Strasbourg-Meinau, Le Donné ambitionne de bâtir, avec des moyens réduits et selon un plan des plus simples (rectangle ou carré), des « maisons de prière », proches des églises-maisons des premiers siècles du christianisme. Assurant que « nos églises ne seront pas des machines à prier », Pinsard s'inscrit quant à lui dans la lignée de l'Allemand Rudolf Schwarz : il s'impose une humilité et une économie formelle qui, loin de prendre la forme d'un renoncement, sont le fruit d'un savant travail sur la dimension spirituelle de l'espace et des matériaux de construction, utilisés dans leur nudité. Le couvent dominicain de Lille (1952-1966), conçu avec l'architecte Neil Hutchison, l'ingénieur Bernard Laffaille et le maître verrier Gérard Lardeur, est l'expression la plus aboutie de cette recherche. Figure centrale de l'architecture religieuse de l'après-guerre, Pinsard est néanmoins l'un des artisans d'un sensible retrait des architectes dans la construction des églises à partir des années 1960 : ses églises polyvalentes (à Nantes ou à Périgueux) se veulent en effet le reflet « de nouvelles conceptions de l'existence qui s'élaborent en dehors de toute conception religieuse ».

Outre les nombreux lieux de culte aménagés dans des locaux existants, la période de la croissance est enfin marquée par l'émergence des églises mobiles, concept qui, par excellence, dit combien l'église a perdu alors son statut de monument, de repère urbain. C'est bien cette nouvelle approche liturgique que la Constitution conciliaire issue du IIe concile du Vatican, entend officialiser : les édifices sacrés doivent désormais favoriser la « participation active des fidèles » ; aussi l'autel occupera-t-il une place centrale dans l'église, le plus souvent surélevé et s'avançant fréquemment jusqu'à la croisée du transept. En dépit des recommandations concernant la conservation du patrimoine religieux, la transformation des églises françaises sera l'occasion d'un pillage artistique sans précédent (décors masqués, mobilier volé).

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur, université de Picardie Jules-Verne

Classification

Pour citer cet article

Simon TEXIER. ARCHITECTURE RELIGIEUSE AU XXe SIÈCLE, France [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Sacré-Cœur de Montmartre, Paris, les coupoles - crédits : Doug Armand/ Getty Images

Sacré-Cœur de Montmartre, Paris, les coupoles

Notre-Dame-du-Haut, Ronchamp : représentation schématique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Notre-Dame-du-Haut, Ronchamp : représentation schématique

Autres références

  • ART SACRÉ

    • Écrit par Françoise PERROT
    • 5 359 mots
    ...populations une évangélisation dans la tradition du catholicisme social, une situation à laquelle avait répondu l'organisation de nouvelles paroisses. La loi de séparation de 1905 mettait en quelque sorte l'Église face à elle-même : elle devait assurer son œuvre édificatrice sans l'intermédiaire des services...
  • ART SACRÉ L', revue

    • Écrit par Françoise CAUSSÉ
    • 2 012 mots
    ...beauté. Foisonnante, elle fut traversée par les grands débats de la scène artistique (figuration/abstraction ; socialité de l'art ; options de restauration). Mais on l'associa surtout aux édifices dont elle avait appelé la construction de ses vœux et dont l'achèvement presque simultané (bénédictions d'Assy...
  • MONASTIQUE ARCHITECTURE

    • Écrit par Carol HEITZ
    • 8 277 mots
    • 9 médias
    Depuis, y a-t-il eu une architecture monastique moderne ? À vrai dire non, car dans la plupart des cas les communautés monastiques rétablies se contentent des anciens cadres. Il y a cependant une brillante exception : le couvent de La Tourette, au sud de Lyon, réalisé en béton par Le Corbusier. Lors...
  • NOVARINA MAURICE (1907-2002)

    • Écrit par Claude MASSU
    • 826 mots

    Né en 1907 à Thonon-les-Bains en Haute-Savoie, Maurice Novarina a reçu d'abord une formation d'ingénieur à l'École spéciale des travaux publics de Paris (1930), puis d'architecte à l'École nationale supérieure des beaux-arts dont il sort diplômé en 1932. Cette double formation...

Voir aussi