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XÉNOPHANE DE COLOPHON (VIe-Ve s. av. J.-C.)

Fondateur de l'école d'Élée et maître de Parménide, bien que d'autres sources doxographiques, par exemple Platon (Sophiste), fassent remonter l'origine de l'école plus loin encore. Les principales indications biographiques sont fournies par Xénophane lui-même, dans certains des quelque quarante fragments qu'on a conservés de lui : « Soixante-sept années ont ballotté ma pensée à travers la terre d'Hellade, et depuis ma naissance, vingt-cinq de plus s'étaient alors écoulées... » (fragment 8, Diels et Krank) ; né en ~ 520 environ, il aurait quitté l'Ionie au moment de l'invasion des Mèdes, puis, de Sicile à l'Italie, mené la vie du rhapsode errant, avant de s'éteindre, à Élée peut-être, à plus de quatre-vingt-douze ans.

Sans doute récitait-il ses propres vers dans les banquets : Élégies en vers iambiques et Parodies en vers épiques — dont les Silles seraient, plutôt qu'un ouvrage distinct, l'autre nom qui fut donné à celles-ci après Timon le Sceptique. Enfin, Xénophane a pu écrire, comme presque tous les présocratiques, un poèmeSur la nature, dont nous seraient parvenus une quinzaine de courts fragments. Les thèmes en sont très divers : banquet, force et sagesse, satire de mœurs, allusion à Pythagore et à la transmigration des âmes, dans les Élégies ; critique des dieux d'Homère et d'Hésiode, critique de l'anthropomorphisme, dans les Silles qui devaient évoquer, dans une ambiance intimiste souvent charmante, le culte à rendre aux dieux, qui ne doit rien aux « inventions des hommes de jadis ». Il faut rejeter les Titans, Géants et autres Centaures, les aventures graveleuses que prêtent aux dieux Homère et Hésiode : anthropomorphisme que tout cela. Chaque ethnie, estime Xénophane, se fait ses dieux à son image, couleur comprise : « Les Éthiopiens font leurs dieux noirs, avec le nez camus ; les Thraces disent que les leurs ont les yeux bleus et les cheveux rouges. » Au reste, des animaux qui sauraient peindre se feraient des dieux chacun selon son espèce. Du divin personne n'a de connaissance certaine ; nous n'avons pas même de science sûre du terrestre, en raison de la relativité inhérente à nos moyens d'investigation : « Si Dieu n'avait point créé le brun miel, les hommes trouveraient bien plus douces les figues... » On ne se hâtera pas de tenir pour le premier monothéiste, au sens moderne, celui qui a posé « un seul dieu, le plus grand parmi les dieux et les hommes, et qui n'est pareil aux hommes ni par la forme ni par la pensée... Il voit tout entier, pense tout entier et tout entier entend. » On se souviendra, avec Meyer et Burnet, qu'en ces temps et en ces lieux la question de savoir s'il y a un dieu ou davantage ne joue pour ainsi dire aucun rôle. Avec Clémence Ramnoux, mieux vaut tenir que le dieu de Xénophane n'est pas pur esprit mais « spatialité pensante », et que ce « monothéisme », somme toute cathartique, pourrait être — comme l'estimait Aristote — sur le chemin de la philosophie de l'Être-Un.

Après Héraclite, on a stigmatisé Xénophane comme « polymathe » ou, au contraire, on l'a apprécié comme un poète éclectique mordant et quasi voltairien. Mais l'unité philosophique de sa pensée est pourtant déjà affirmée par les Anciens : Aristote, même s'il l'accuse de « rusticité », le présente comme celui qui, « regardant le tout du ciel, dit que l'un est le dieu », jugement dont l'accentuation fait de Xénophane, au détour des discussions traditionnelles, tantôt un monothéiste, tantôt un panthéiste à la Spinoza. Simplicius le montre rompant avec la doctrine des éléments physiques pour s'occuper de « l'étant véritablement étant » (Physique, 22). Le traité pseudo-aristotélicien Sur Mélissus,[...]

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Pour citer cet article

Barbara CASSIN. XÉNOPHANE DE COLOPHON (VIe-Ve s. av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTHROPOMORPHISME

    • Écrit par Françoise ARMENGAUD
    • 7 544 mots
    • 1 média
    Xénophane de Colophon, poète gnomique ionien du vie siècle, nous donne tôt le plus simple exemple de refus de l'anthropomorphisme au nom des exigences réelles de la divinité. Platon en fait dans Le Sophiste un précurseur des Éléates ; peut-être cela suffit-il à rendre compte du caractère...
  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    Xénophane représente la transition aussi bien géographique que spirituelle entre les philosophes ioniens et la philosophie dite « italique », qui a pour cadre le Sud hellénisé de l'Italie. Né en Ionie vers 570, il a en effet émigré en Sicile. De la cosmologie d'Anaximandre, il tire la première ...
  • ÉLÉATES (VIe-Ve s. av. J.-C.)

    • Écrit par Universalis, Henri Dominique SAFFREY
    • 1 041 mots
    Depuis Platon, on a coutume d'attribuer à Xénophane de Colophon la fondation de l'école éléate. Mais Xénophane (né vers 565 av. J.-C.) fut en réalité un rhapsode très estimé qui voyagea à travers le monde grec de l'Asie Mineure à l'Italie du Sud. Il récitait les poèmes d'Homère et d'Hésiode. C'est...
  • MYTHE - Épistémologie des mythes

    • Écrit par Marcel DETIENNE
    • 8 613 mots
    • 1 média
    En désignant comme précurseur de leur discours un philosophe tel que Xénophane de Colophon, les initiateurs de la science des mythes nous renvoient à ce monde grec d'où viennent, en effet, et le mot mythe et la chose déjà appelée mythologie, sinon même le sentiment de scandale dont semble...
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Voir aussi