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WILLIAMS WILLIAM CARLOS (1883-1963)

« Paterson » : l'épopée du réel et l'extase matérielle

Paterson (1946-1958) se veut « réponse au grec et au latin les mains nues ». Long poème épique inachevé, Paterson célèbre la fierté locale, rappelle qu'au xixe siècle, les chutes du Passaic éblouissaient le visiteur, l'enchantaient. Le thème écologique greffe une vigoureuse méditation sur le déroulement du poème, et s'impose la question qui préoccupait déjà Freud dans le Malaise dans la civilisation : comment l'homme a-t-il pu dégrader la beauté naturelle et comment peut-il tolérer tant de laideur et de tristesse ?

Consacré à la terre, à la femme, mélange de sol et de chair, Paterson choisit de réconcilier le poète avec son univers car c'est « la seule vérité ». Les cinq livres de Paterson présentent un caractère d'universalité en ce qu'ils suivent fidèlement le cours de toute vie humaine, depuis l'adolescence insouciante de l'après-midi d'un faune, dans le parc de la ville, jusqu'à la vieillesse grave et dépouillée, riche cependant de la certitude que jamais ne lui sera arrachée la beauté. Dès le livre III s'inscrit l'évocation de la licorne, que suggère la Licorne des célèbres tapisseries qui font l'orgueil des cloîtres de New York. Alors, au monde déchiré, divisé des premiers livres succèdent l'unité, l'harmonie, la clarté, l'ordre, et Williams peut enfin proclamer le triomphe de l'art : le musée s'est intégré à la vie, « le musée est devenu réel ».

Sommet de l'œuvre, Paterson affectionne le discontinu, le fragmentaire, la dissonance et préfère les mots du hasard, le jet spontané qui permet d'« écrire au fil de la plume pour que rien ne subsiste qui ne soit vert ».

C'est en homme de science que Williams aborde le poème, c'est à la discipline scientifique qu'il demande ses références et ses points d'appui : pour lui, le langage est vierge encore, il faut le découvrir. Au carrefour de la culture et de la contre-culture, Paterson innove, invente, avec des mots pleins et des rythmes vibrants d'intensité. Charles Olson, Allen Ginsberg, Robert Creeley, Denise Levertov et Gary Snyder en particulier reconnaissent largement ce qu'ils doivent à l'honnêteté, à la rigueur de ce grand poète.

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Pour citer cet article

Laurette VÊZA. WILLIAMS WILLIAM CARLOS (1883-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEAT GENERATION

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 2 982 mots
    • 2 médias
    ...nouvelle perception des rapports de l'homme et du continent. C'est encore la beat generation, et déjà autre chose où se retrouve le legs de l'ancêtre William Carlos Williams, médecin à Paterson où Ginsberg était allé le voir, et auteur de ce traité beat avant la lettre, In the American Grain (1933),...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    Pour William Carlos Williams, en revanche, si proche de Pound par l'amitié et un dégoût commun de l'usure qui permet autant que le collage de rapprocher Patersondes Cantos, c'est avec les vieux chiffons laissés pour compte dans un paysage culturel déserté qu'il convient de refaire une toile....
  • LE VOYAGE VERTICAL et BARTLEBY ET COMPAGNIE (E. Vila-Matas) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Pierre RESSOT
    • 989 mots

    À la crise qui semble frapper depuis longtemps la création romanesque espagnole, Enrique Vila-Matas, né à Barcelone en 1948, répond en se situant hors normes, en pratiquant dès ses premiers livres une recherche ludique de l'originalité, dans un mélange de fiction et d'essai pimenté d'humour....

  • PATERSON, William Carlos Williams - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 793 mots

    Ayant écrit pendant vingt ans dans l'ombre de son ami et compatriote Ezra Pound, William Carlos Williams (1883-1963) révéla tout son talent avec la publication du premier livre de Paterson en 1946. Douze ans plus tard, en 1958, le cinquième et dernier livre de cette épopée poétique parut, confirmant...

Voir aussi