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WILLIAMS WILLIAM CARLOS (1883-1963)

Une sensualité lucide

La sensualité franche et directe de Williams absorbe les êtres et les choses dans leur totalité. Le poète glorifie « le redoutable symbole du sexe carnivore », célèbre les « feuilles phalliques du sassafras » et confie dans son Autobiographie : « Le sexe est au fond de tout art. » La femme le fascine, il veut connaître le secret de sa force, percer le mystère de ses réticences et de ses abandons.

La tête passe par le cœur et cette navigation permet au corps d'assurer son équilibre et de combler la béance, de panser la blessure dont nous souffrons tous. Car le vertige ne naît que de la division, du divorce, de la séparation. Pour Williams, toute discontinuité, tout fractionnement ne sont que l'aveu d'une distraction fatale. Il saura parler du refus et de la confiance parce qu'il a pressenti, à fureter, à épier sans relâche, toute la comédie humaine. Entre l'appel des sens, l'urgence du contact immédiat, parfois brutal, et la communication, il n'est pas de partage : la beauté, la plénitude du moment apportent les seules révélations pures de tout mensonge, de tout leurre.

On pourrait presque parler d'une ascèse sensuelle tant est exigeant le besoin de percevoir tout l'édifice poétique reposant sur la perception. Par ce trait, Williams se trouve très proche de D. H. Lawrence à qui il consacre l'un de ses plus beaux poèmes. Il s'agit d'appréhender l'univers par les sens, de l'explorer, de l'implorer aussi dans l'éveil, la veille, en sentinelle vigilante sans omettre la vérité, à savoir que cette fête sensuelle s'émousse avec le temps, que le carnaval, avec les années, devient moins carnivore et peut-être plus voyeur. Autant de subtiles notations que le poète fournit au passage, mi-amusé, mi-désabusé : au fil des jours, la jouissance se fait moins aiguë, moins tranchante et le désir s'épuise à la renouveler moins souvent ; le bel élan vital retombe comme toute ferveur. Alors le poète revit, par la mémoire, l'extase et la passion, une mutation s'opère des sens à la sensibilité.

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Classification

Pour citer cet article

Laurette VÊZA. WILLIAMS WILLIAM CARLOS (1883-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEAT GENERATION

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 2 982 mots
    • 2 médias
    ...nouvelle perception des rapports de l'homme et du continent. C'est encore la beat generation, et déjà autre chose où se retrouve le legs de l'ancêtre William Carlos Williams, médecin à Paterson où Ginsberg était allé le voir, et auteur de ce traité beat avant la lettre, In the American Grain (1933),...
  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    Pour William Carlos Williams, en revanche, si proche de Pound par l'amitié et un dégoût commun de l'usure qui permet autant que le collage de rapprocher Patersondes Cantos, c'est avec les vieux chiffons laissés pour compte dans un paysage culturel déserté qu'il convient de refaire une toile....
  • LE VOYAGE VERTICAL et BARTLEBY ET COMPAGNIE (E. Vila-Matas) - Fiche de lecture

    • Écrit par Jean-Pierre RESSOT
    • 989 mots

    À la crise qui semble frapper depuis longtemps la création romanesque espagnole, Enrique Vila-Matas, né à Barcelone en 1948, répond en se situant hors normes, en pratiquant dès ses premiers livres une recherche ludique de l'originalité, dans un mélange de fiction et d'essai pimenté d'humour....

  • PATERSON, William Carlos Williams - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 793 mots

    Ayant écrit pendant vingt ans dans l'ombre de son ami et compatriote Ezra Pound, William Carlos Williams (1883-1963) révéla tout son talent avec la publication du premier livre de Paterson en 1946. Douze ans plus tard, en 1958, le cinquième et dernier livre de cette épopée poétique parut, confirmant...

Voir aussi