Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SNYDER GARY (1930- )

Pour Jack Kerouac et Allen Ginsberg, arrivant de la côte est à San Francisco (où le mouvement beat a pris naissance), Gary Snyder, natif du Nord-Ouest (Oregon), était « le type le plus fou et le plus intelligent que nous ayons jamais rencontré ». Si Kerouac a tendance à se perdre dans une religiosité vague et naïvement enthousiaste, si Ginsberg, lui, tend à se transformer parfois en moulin à paroles, Snyder (il est Japhy Ryder, le personnage central du roman de Kerouac, Les Clochards célestes, The Dharma Bums, 1963) donne l'impression d'une personnalité beaucoup plus homogène, à l'esprit plus clair, à la parole plus économe, aux gestes plus précis. Il se situe au centre de ce mouvement américain (et non américain) actuel qui tend vers une « conscience écologique » : nouveaux rapports entre l'homme et la nature, liés à une nouvelle compréhension de la nature de l'homme lui-même ; mouvement qui comporte pêle-mêle des éléments de primitivisme, d'orientalisme et d'utopisme. On pense aussi, bien sûr, à la leçon de ces deux grands ancêtres que sont Thoreau et Whitman. Ayant, sur un fond d'idées anarchistes et socialistes, fait des études d'anthropologie (tribus indiennes de la côte nord-ouest), des études de chinois et de japonais, Snyder, après avoir fait un séjour de plusieurs années au Japon et trouvé une unité en lui-même (A Range of Poems, 1966 ; Regarding Wave, 1970 ; Turtle Island, 1974), se tourne de plus en plus vers la société : « Le mouvement en Occident s'appelle révolution sociale ; le mouvement en Orient s'appelle pénétration individuelle dans le vide fondamental du soi. Nous avons besoin des deux. » Dans son petit livre de notes et d'essais, Le Retour des tribus (Earth House Hold, 1969), Snyder trace son itinéraire physique et spirituel qui l'a mené des solitudes boisées du Nord-Ouest, par un tour du monde comme matelot sur divers bateaux, jusqu'à un séjour dans un monastère zen au Japon, pour finalement revenir s'installer aux États-Unis avec l'idée d'y trouver, d'y créer, ne serait-ce que microsocialement, une unité autre qu'étatique, unité dont il voit les germes et les prototypes chez les taoïstes, les ṣūfīs, les bouddhistes zen et tantriques, les gnostiques et, dans le monde chrétien, les frères du Libre-Esprit. Il s'agit, pour citer le titre d'un de ses poèmes, d'une « révolution dans la révolution dans la révolution ». Gary Snyder a développé son point de vue dans un recueil d'essais, The Practice of the Wild (1990, La Pratique sauvage). Un choix de ses poèmes a été rassemblé dans une anthologie, Look out : a Selection of Writing (2002).

— Kenneth WHITE

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Kenneth WHITE. SNYDER GARY (1930- ) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BEAT GENERATION

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 2 982 mots
    • 2 médias
    ...Gregory Corso : né en 1930 à New York, une enfance ballottée de famille adoptive en famille adoptive, puis la prison, puis la rencontre avec Ginsberg. Gary Snyder est né à San Francisco, il participa en 1955 à l'historique soirée avant de partir pour le Japon. Michael McClure était le plus jeune poète...
  • NATURE WRITING, littérature

    • Écrit par Yves-Charles GRANDJEAT
    • 3 665 mots
    • 3 médias
    ...arrêter par tous les moyens la construction d’un barrage, font la jonction entre l’écriture de la nature et la tradition du western. Le poète et essayiste Gary Snyder orchestre une rencontre entre sagesse amérindienne, écologie et bouddhisme zen, et l’écrivain Barry Lopez écoute les voix de la nature sauvage,...

Voir aussi