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GINSBERG ALLEN (1926-1997)

Allen Ginsberg - crédits : Anthony Barboza/ Getty Images

Allen Ginsberg

« Ce qu'il faut à ce pays », disait Henry Miller, parlant des États-Unis, « c'est un fou inspiré. » Quand le volume Howl and Other Poems parut chez Lawrence Ferlinghetti, qui a édité presque tous les livres de Ginsberg, à San Francisco (City Lights Press), en 1956, Miller devait au moins lui tirer un coup de chapeau. Toujours est-il qu'avec la parution de ce livre, qui fit d'ailleurs l'objet d'un procès pour obscénité, Ginsberg se trouvait tout d'un coup, avec Kerouac, à la tête d'un nouveau mouvement, jusque-là souterrain et sans voix, dans la littérature et dans l'existence américaines. La vague beatnik déferlait, et avec beaucoup de bruit — trop pour Kerouac ; mais Ginsberg se trouvait plutôt dans son élément : le rôle de prophète ne lui déplaisait pas.

On ne comprendrait pas Ginsberg sans tenir compte de ses origines juives et, du côté de sa mère, dont le personnage l'obsède, russes. S'il y a chez lui un prophète biblique, il y a aussi un être torturé, tout droit sorti d'un roman de Dostoïevski. Il avait tout ce qu'il fallait pour se sentir aliéné dans la société américaine de bon ton. L'histoire de sa poésie, c'est l'histoire de son aliénation et de ses tentatives pour trouver une voie de sortie. La première voie qui s'offrait était celle de la drogue (la seconde partie de Howl a été écrite sous l'influence du peyotl). Ginsberg utilise les drogues, comme Michaux, pour explorer certains modes de conscience. Pour lui, « la marihuana est un outil politique », un antidote contre « la merde officielle » (official dope) et ce qu'Artaud appelait « les grands trusts psychiques ». Mais, de plus en plus, c'est la voix de l'Inde que Ginsberg entend, et ce sont les voies de l'Inde qu'il suit. Il étudie les textes, il va en Inde à la recherche de gurus, qui lui disent « Ton propre cœur est le guru », et « La poésie aussi est un yoga ». Confirmé et fortifié dans son activité par l'Inde, il lui emprunte certaines techniques, telles que le mantra, qu'il utilise dans ses lectures publiques à travers le monde entier. Il publiera en 1970 ses Journaux indiens.

Depuis les grandes litanies à inspiration hébraïque de Howl et Kaddish (1961), sa matière poétique consiste en tranches de vie notées entre deux trains, dans un avion, le long d'une autoroute (Planet News, 1968 ; Reality Sandwiches, 1963), extraits d'un carnet en perpétuelle gestation, où l'accent n'est pas mis sur la perfection de la forme, mais sur l'immédiateté et sur le « flash » éventuel. Mais, avec The Fall of America (1972), dédié à Whitman, il retrouve son grand souffle pour le déclin et la chute des États politiques actuels et le développement potentiel de nouveaux états de la conscience. On trouve l'aboutissement de tous ces thèmes dans Plutonium Ode and Other Selected Poems (1977-1980).

— Kenneth WHITE

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Écrit par

  • : maître de conférences à l'université de Paris-VII

Classification

Pour citer cet article

Kenneth WHITE. GINSBERG ALLEN (1926-1997) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Allen Ginsberg - crédits : Anthony Barboza/ Getty Images

Allen Ginsberg

Autres références

  • HOWL, Allen Ginsberg - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel FABRE
    • 874 mots

    Howl, ce long poème d'Allen Ginsberg (1926-1997), composé sous l'influence de Jack Kerouac et de William Burroughs, fut lu en public en octobre 1955, lors d'une séance organisée par Kenneth Rexroth dans la Galerie Six à San Francisco, avant d'être publié en 1956. Il devint du jour au lendemain...

  • BEAT GENERATION

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 2 982 mots
    • 2 médias

    Le 24 octobre 1969, on enterrait au cimetière catholique de Lowell, morne petite ville industrielle du Massachusetts, le corps de Jack Kerouac, mort d'une hémorragie abdominale à l'âge de quarante-sept ans. Depuis quelque temps, il n'était plus que l'ombre de lui-même, revenu, auprès de sa « Mémère...

  • BURROUGHS WILLIAM (1914-1997)

    • Écrit par Gérard-Georges LEMAIRE
    • 1 918 mots
    • 1 média
    ...dont celui d'employé dans une société de dératisation qu'il évoque plus tard dans Exterminator ! (1973). En 1944, Burroughs fait la connaissance d' Allen Ginsberg et de Jack Kerouac. C'est l'époque où se constitue le cercle d'écrivains qui va devenir célèbre sous le nom de Beat...
  • CORSO GREGORY (1930-2001)

    • Écrit par Pierre-Yves PÉTILLON
    • 716 mots

    Tignasse noire en bataille au-dessus d'une bouille de gavroche, Gregory Corso fut le plus jeune membre du premier cercle de la génération beat. Il était aussi le seul à être né dans le haut lieu beat, à Greenwich Village, le 26 mars 1930, de parents tous deux italiens. Et jeunes : son père a dix-sept...

  • ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE (Arts et culture) - La littérature

    • Écrit par Marc CHÉNETIER, Rachel ERTEL, Yves-Charles GRANDJEAT, Jean-Pierre MARTIN, Pierre-Yves PÉTILLON, Bernard POLI, Claudine RAYNAUD, Jacques ROUBAUD
    • 40 118 mots
    • 25 médias
    ...à la fin de cette année-là, une lecture publique (un reading) à laquelle participèrent sept poètes, notamment Kenneth Rexroth (qui le raconte) et Allen Ginsberg, qui lut son célèbre poème, Howl, sorte de manifeste de la beat generation. Le point de départ de la vague des readings, qui sont un...

Voir aussi