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CARPACCIO VITTORE (1460 env.-1526)

Les composantes d'un style

Luca Paccioli

<it>Saint Augustin dans son cabinet de travail</it>, V. Carpaccio - crédits :  Bridgeman Images

Saint Augustin dans son cabinet de travail, V. Carpaccio

Par sa maîtrise dans l'organisation de la perspective, Carpaccio assouplit et précise à la fois la leçon d'Antonello. Les fuites d'architectures, les vues obliques adoptées comme pour permettre des jeux plus savants d'arcatures, des rythmes plus inattendus de marbres colorés et de trous d'ombre, dénotent une science si ferme, alliée à un sentiment si vif de la clarté spatiale qu'on a supposé (G. Perocco) des rapports directs entre Carpaccio et Luca Paccioli, le célèbre mathématicien, disciple de Piero Della Francesca, et peut-être des contacts personnels avec le milieu artistique d'Urbin où l'un et l'autre jouèrent un rôle de premier plan. La connaissance de la peinture ferraraise enfin n'est certainement pas étrangère à cette acuité de vision qui permet à Carpaccio d'évoquer, à partir de la réalité formelle et des valeurs colorées, un univers irréel et magique.

Pérugin et Pinturicchio

Mais Carpaccio a connu d'autres expériences. Les problèmes de construction dans l'espace abordés d'abord par les peintres florentins sont devenus une préoccupation commune dans le dernier quart du Quattrocento et ont donné lieu à des réactions diverses. Celle de Carpaccio s'explique mieux si l'on tient compte, selon la suggestion de P. Zampetti, d'œuvres comme La Remise des clefs à saint Pierre, peinte en 1481 par Pérugin à la chapelle Sixtine, ou Les Funérailles de saint Bernardin, de Pinturicchio, à l'église d'Aracoeli. Les deux scènes se déroulent selon des compositions en perspective qui s'équilibrent à l'arrière-plan, de part et d'autre d'un édifice à plan central. Les monuments de ce type – temples circulaires, constructions polygonales à pans coupés – sont alors l'objet d'un intérêt tout particulier pour les architectes et pour les peintres curieux d'architecture (les fameuses « vues urbaines » de Baltimore, d'Urbin et de Berlin en sont des témoignages significatifs). Le fait qu'ils reviennent fréquemment dans les toiles de Carpaccio (L'Arrivée des ambassadeurs, Le Triomphe de saint Georges) atteste cet intérêt et cette curiosité mais ne suffirait pas à autoriser un rapprochement avec les deux fresques romaines. Ce qui permet de les évoquer à propos des peintures de Carpaccio, c'est la présence d'une même conception détendue de la perspective, d'un même accord entre le cadre et les personnages, dans une atmosphère empreinte de sérénité. Ce climat d'harmonie paisible, où l'émotion reste contenue et qui transporte le drame dans un registre excluant le paroxysme et la démesure, est celui que Carpaccio a choisi pour peindre Le Martyre de sainte Ursule. Le massacre des pèlerins à gauche s'estompe dans la confusion, à l'ombre des grands arbres qui isolent la scène. L'épisode crucial, la mort de la sainte, est un temps de silence au centre de la composition. Le guerrier qui rengaine son épée a l'attitude détachée et rêveuse des héros de Pérugin. Sainte Ursule agenouillée attend la flèche qu'un archer vêtu de brocart vient de tirer d'un superbe carquois damasquiné. Plutôt qu'un bourreau implacable, « n'est-ce pas, comme l'a écrit d'Annunzio, Éros déguisé et sans ailes, qui demain déposera son arc pour s'abandonner à l'enchantement de la musique et faire un rêve d'une volupté infinie ? »

La peinture véronaise

Les Courtisanes (ou Deux Vénitiennes), V. Carpaccio - crédits : A. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

Les Courtisanes (ou Deux Vénitiennes), V. Carpaccio

C'est sans doute peu de temps après avoir achevé le cycle de sainte Ursule que Carpaccio peignit, d'après Boccace, L'Ambassade des amazones près de Thésée. Le ton du récit « courtois » et précieux adopté ici pour décrire la chevauchée des blondes cavalières aux casques fantastiques évoque à nouveau Pinturicchio, le Pinturicchio des appartements[...]

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Pour citer cet article

Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. CARPACCIO VITTORE (1460 env.-1526) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<it>Rencontre à la porte Dorée</it>, V. Carpaccio - crédits :  Bridgeman Images

Rencontre à la porte Dorée, V. Carpaccio

<it>Le patriarche de Grado guérit un possédé</it>, V. Carpaccio - crédits : Cameraphoto/ AKG-images

Le patriarche de Grado guérit un possédé, V. Carpaccio

Légende de sainte Ursule : l'arrivée à Rome, V. Carpaccio - crédits : G. Dagli orti/ De Agostini/ Getty Images

Légende de sainte Ursule : l'arrivée à Rome, V. Carpaccio

Autres références

  • VENISE LES SCUOLE DE

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 1 126 mots
    • 2 médias

    Institutions typiquement vénitiennes, les scuole sont des confréries d'entraide et de bienfaisance, parmi lesquelles on distinguait les scuole grandi, les plus importantes, les plus actives et les plus riches. Elles apparaissent dès le xiiie siècle : la plus ancienne, Sainte-Marie-de-la-Charité,...

Voir aussi