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VENINS

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Les effets des venins

L'analyse individuelle des divers composants toxiques des venins ne donne qu'une idée imparfaite de leurs effets. Elle laisse entrevoir la gravité des effets lorsque ces composants agissent ensemble, d'autant que certains venins contiennent des molécules qui additionnent leurs effets (synergie). On peut ainsi facilement concevoir une réaction inflammatoire locale puis diffuse associée à des troubles circulatoires et nerveux, suivie d'une nécrose tissulaire au point d'inoculation. Les tableaux cliniques peuvent ainsi devenir dramatiques par cumul d'effets, d'autant que l'action conjointe de certaines molécules amplifie les effets de l'une ou plusieurs d'entre elles (potentialisation). Ces deux phénomènes de synergie et de potentialisation ont été observés avec les venins de serpents. Les mambas (genre Dendroaspis) possèdent un venin dont certaines toxines (les dendrotoxines) entraînent, au niveau des jonctions neuromusculaires, la libération d'acétylcholine alors que d'autres (les fasciculines) inhibent la cholinestérase qui détruit l'acétylcholine par hydrolyse. Il en résulte, au niveau de la jonction neuromusculaire, une augmentation d'acétylcholine dont l'action est artificiellement prolongée, ce qui induit un syndrome dit muscarinique (stimulation des activités sécrétoires). D'autres venins déclenchent un phénomène toxique initial qui lui-même entraîne des perturbations fonctionnelles indépendantes de la neurotoxicité. Par exemple, les neurotoxines des venins de scorpions, actives sur le système nerveux périphérique et particulièrement sur le système végétatif, déclenchent la libération de médiateurs de l'inflammation (cytokines) et, par là même, des effets viscéraux, pulmonaires et cardio-vasculaires. Enfin, la sensibilité aux venins des espèces animales présente elle-même une grande diversité, constatée mais rarement expliquée.

L'objectif premier d'une morsure ou d'une piqûre venimeuse semble bien être l'immobilisation de la victime, qu'il s'agisse d'une proie à capturer puis à consommer ou d'un prédateur à neutraliser ou à faire fuir. Dans ce dernier cas, l'effet dissuasif de la douleur provoquée lors de l'injection de venin est un élément important. L'immobilisation par paralysie peut constituer la première étape d'une fonction de nutrition indirecte : ainsi, certains hyménoptères (pompiles) paralysent un autre arthropode (araignée) à seule fin d'y déposer un œuf dont la larve trouvera, dès son éclosion, une proie immobilisée mais vivante pour se nourrir. Dans cet exemple, il s'agit d'une prédation très spécialisée, au point que la présence du prédateur implique nécessairement celle, dans le même biotope, d'une espèce bien définie d'« hôte proie ».

Chez les animaux venimeux passifs, l'effet dissuasif global du venin est l'élément principal des effets apparents du venin. La sécrétion est soit véritablement toxique (cas des amphibiens), soit répulsive par son odeur ou son goût (sécrétions irritantes des myriapodes diplopodes ou de certains coléoptères). Cette fonction de défense vis-à-vis des prédateurs paraît largement prédominante chez ce type d'animaux.

Ptérois zèbre, poisson marin - crédits : P. Laboute/ IRD

Ptérois zèbre, poisson marin

Chez les espèces venimeuses actives, la fonction venimeuse peut aussi apparaître comme une fonction de protection. Par exemple, les poissons épineux et les échinodermes n'utilisent pas leur appareil venimeux pour capturer leurs proies. De plus, l'envenimation apparaît souvent comme la conséquence d'un contact involontaire entre la victime et l'animal venimeux. Même lorsque l'animal venimeux passe à l'attaque, il peut arriver que la fonction de défense soit essentielle et que la victime ne constitue pas une proie : ainsi, les abeilles enveniment collectivement tout[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche à l'Institut de recherche pour le développement
  • : attaché honoraire au Muséum national d'histoire naturelle, Paris

Classification

Pour citer cet article

Jean-Philippe CHIPPAUX et Max GOYFFON. VENINS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le

Médias

Scorpion - crédits : Tim Flach/ Getty Images

Scorpion

Vipère aspic - crédits : G. Roli/ De Agostini/ Getty Images

Vipère aspic

Serpent à sonnette - crédits : Paul Chesley/ Stone/ Getty Images

Serpent à sonnette

Autres références

  • AMPHIBIENS ou BATRACIENS

    • Écrit par , et
    • 6 177 mots
    • 19 médias
    ...le mucus la maintient humide en permanence : il joue un rôle lors du rapprochement des sexes ou pendant la locomotion (cas des rainettes arboricoles). Des glandes séreuses (glandes parotoïdes des Salamandridés ou des Bufonidés) produisent un venin, liquide laiteux contenant des alcaloïdes toxiques ;...
  • ARACHNIDES

    • Écrit par
    • 3 671 mots
    • 12 médias
    Trois groupes d’arachnides sont venimeux, le venin intervenant prioritairement dans la fonction de nutrition. Les glandes sécrétrices du venin occupent des positions différentes suivant les groupes concernés : elles sont localisées dans le post-abdomen chez les scorpions, dans les chélicères et le céphalothorax...
  • ARAIGNÉES ou ARANÉIDES

    • Écrit par
    • 5 386 mots
    • 7 médias
    À l'exception de deux familles sur les 110 répertoriées dans le monde, toutes les araignées possèdent du venin. Ce sont donc par définition des animaux venimeux. Le venin leur permet de paralyser ou tuer leurs proies et de pratiquer leur exo-digestion. Il est associé principalement à la fonction...
  • CNIDAIRES

    • Écrit par
    • 1 282 mots
    • 5 médias
    ...crochets dont les pointes sont dirigées en dedans. La hampe se prolonge par un tube mince qui devient filiforme et qui s'enroule autour d'elle. Selon les espèces, capsule et filament présentent de légères modifications structurales. La capsule renferme un liquide urticant ayant des propriétés venimeuses.
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