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UPANIṢAD

Les upaniṣad sont les premiers textes sanskrits dont l'Occident ait eu connaissance : Anquetil-Duperron en publia en 1801, sous le titre d'Oupnekat, une traduction latine fondée sur une version persane. Parmi les textes de la Śruti ( Révélation), elles étaient ceux que, lors d'une récitation védique, l'on disait en dernier : on les nomme, pour cela, vedānta, « fin du Veda », au sens étymologique de l'expression. Aux spéculations sur le sacrifice et l'ordre cosmique rencontrées dans les brāhmaṇa et même dès les hymnes les plus tardifs du Ṛgveda, les upaniṣad joignent un ésotérisme hérité des āraṇyaka et d'autres considérations d'ordre psychologique : elles ajoutent aux deux notions de sacrifice et de macrocosme une troisième notion, celle de microcosme. Le centre de leurs préoccupations sera le rapport du soi intérieur au Soi universel, de l'ātman au brahman. Quant à la forme littéraire, bien que coupées de vers gnomiques et parfois de stances lyriques, les upaniṣad, à l'origine, sont essentiellement des textes en prose, prose assez proche de celle des brāhmaṇa, où le dialogue tient une grande place.

Sens du terme et originalité du contenu

Le terme upaniṣad a donné lieu à de nombreux commentaires. Comme il est issu de la racine SAD, s'asseoir, précédée de deux préverbes, upa et ni, on a voulu lui faire désigner simplement le fait de s'asseoir auprès d'un maître pour recueillir de lui l'enseignement. Mais, faisant état de la synonymie des racines SAD et AS, L. Renou a mis en lumière la parenté d'upaniṣad avec l'expression upa-ĀS, qui signifie, d'une part, « être en contact » (particulièrement au sens mystique) et, d'autre part, « poser en équivalence ». Cette seconde acception traduit très exactement le procédé d'exposition caractéristique de ces textes, qui mettent en relation des objets ou des faits relevant de trois domaines distincts : le sacrifice, le cosmos et le psychisme humain. C'est un trait essentiel pour les upaniṣad qu'un terme n'est jamais à prendre avec une seule signification ; il est chargé de tous ses sens possibles. C'est pourquoi, en plus de leur richesse spéculative, les upaniṣad présentent une extraordinaire densité poétique.

Les brāhmaṇa avaient pour objet majeur d'obtenir, grâce au sacrifice correctement exécuté, un certain nombre de biens matériels : une longue vie, une descendance mâle et de nombreux troupeaux. Le but des upaniṣad sera, par contre, l'obtention d'un bien spirituel : la libération (mukti ou mokṣa) hors du courant transmigratoire, du saṃsāra. Cet effort vers la délivrance par la voie du savoir ( jñāna) s'oppose – ou plutôt se superpose – à la voie des actes rituels (karman) qu'avaient prônée les textes antérieurs.

Les deux plus anciennes upaniṣad appartiennent, à peu près, à l'époque de la prédication du Buddha. Leur démarche est conditionnée par les mêmes faits. Sans qu'il y ait de traces précédemment, on découvre alors toute formée – et vraisemblablement depuis longtemps, mais dans un contexte différent de celui du sacrifice védique – la doctrine de la transmigration et du poids des actes. Ceux-ci, en effet, par-delà des morts successives, entraînent l'être vivant vers des existences innombrables. Selon la qualité des actes, cette existence sera heureuse ou malheureuse, mais, de toute façon, on ne peut sortir du cercle : même les œuvres pies et les sacrifices, parce qu'ils sont des actes, lient leur auteur au jeu des transmigrations. Bouddhisme comme upaniṣad vont s'ingénier à trouver le biais par lequel éviter cette causalité sans fin. La connaissance (jñāna), appartenant à un autre domaine, leur servira d'échappatoire. Pour les upaniṣad, la connaissance requise[...]

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Écrit par

  • : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)

Classification

Pour citer cet article

Anne-Marie ESNOUL. UPANIṢAD [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ADVAITA

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 1 551 mots
    La doctrine de l'unicité de l'Être universel et de l'identité de soi-même avec cet Être est évoquée par les Upaniṣad, textes fondamentaux de la philosophie brahmanique. Elle est condensée dans une suite d'aphorismes, les Brahmasūtra de Bādarāyaṇa (iiie siècle après J.-C.). Elle est...
  • ANQUETIL-DUPERRON ABRAHAM HYACINTHE (1731-1805)

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 865 mots

    Orientaliste français qui révéla à l'Europe les livres sacrés du zoroastrisme et de l'hindouisme. La curiosité des Européens pour les civilisations anciennes d'Orient (Perse, Inde...) date des premières découvertes de Marco Polo et de Vasco de Gama ; accrue au cours des siècles,...

  • ĀRAṆYAKA

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 452 mots

    Mot sanskrit qui veut dire « forestier » et qui, au pluriel, désigne une classe de textes védiques, en prose ou en vers, destinés à l'enseignement de rites secrets et à l'herméneutique de cette liturgie marginale. Souvent d'ailleurs, le rituel est supposé connu, et les spéculations théologiques y...

  • ĀTMAN

    • Écrit par Michel HULIN
    • 879 mots

    Le terme ātman est présent dès le Ṛg-Veda, où il désigne une sorte de principe de vie supérieur aux autres éléments constitutifs de la personne – sens, organes spécialisés, membres – et coordonnant leur activité. Dans les couches plus récentes de la littérature védique – les ...

  • Afficher les 16 références

Voir aussi