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TYPOLOGIE, sociologie

Le mot « typologie » apparaît au xixe siècle pour désigner les types ou les classifications des sciences de la nature, et différencier leur mode d'élaboration « scientifique » des classifications communes ou des types des philosophes et des exégètes bibliques. Il implique, comme en philosophie, une explicitation raisonnée des principes « essentiels » des êtres et des choses mais aussi des méthodes expérimentales validant des hypothèses.

La sociologie adapte ce mode d'élaboration pour expliquer et comprendre les sociétés humaines. Auguste Comte la place au premier rang de sa typologie des sciences : toute pensée et toute organisation sont une construction historique et sociale. L'ambition est grande : elle soutient d'abord la mise en œuvre de macrotypologies de l'évolution des sociétés qui différencient la sociologie d'autres sciences sociales. Les typologies limiteront ensuite leurs objets tout en approfondissant leurs méthodes et en prenant distance avec le modèle « positiviste » des sciences de la nature.

Les macrotypologies des pères fondateurs posent des principes durables. Émile Durkheim en énonce dans les Règles de la méthode sociologique : expliquer le social par le social ; chercher les causes et les fonctions dans l'histoire ; les classer en privilégiant leurs manifestations les plus visibles et durables ; les relier logiquement entre elles (Max Weber dira « comprendre », on parlera de causalité structurale). Pour Durkheim, « la sociologie est comparative » : elle compare des hypothèses et leurs effets attendus aux faits sociaux observables, compare les variations des types sociaux ainsi définis. Karl Marx et Max Weber posent des principes analogues avec d'autres accentuations. La « domination » du mode de production est fortement affirmée par Marx ; pour Weber la méthode est « idéaltypique » et implique de privilégier des points de vue et des concepts dont « on ne peut savoir s'ils sont pur jeu de la pensée ou féconds pour la science » avant de « leur comparer la réalité ».

Ils retiennent des déterminants communs (démographie, économie, droit, etc.) mais ceux qu'ils privilégient les opposent. Marx classe les sociétés en fonction de leur mode de production. Selon Durkheim, la différenciation croissante des sociétés est une augmentation de « densité morale » qui induit une division sociale du travail, un autre type de solidarité (plus fonctionnelle, moins communautaire) et une rationalisation et individualisation croissantes ; trop rapide, l'évolution entraîne une anomiemorale et juridique dans les sociétés capitalistes. Weber quant à lui analyse ce que l'esprit du capitalisme doit à un type d'éthique protestante.

Tandis que l'héritage de Marx a été clivé par la guerre froide puis disqualifié par le néolibéralisme, les analyses durkheimiennes perdurent pendant près d'un demi-siècle, aux États-Unis notamment. En référence aussi à Ferdinand Tönnies, une opposition binaire entre communautés (traditionnelles) et sociétés (modernes) se décline sous des intitulés divers : sociétés closes et ouvertes (Karl Popper), sacrées et profanes (Ernest Becker), etc. La rationalité, l'autonomisation de la culture et des individus y sont souvent valorisées. Dans les typologies, on emprunte aussi à Weber les notions de différenciation du monde de l'action et de la pensée, du savant et du politique, des types de morale, de gestion du sacré, de rationalité et de légitimité. Weber n'a cessé de retravailler ces notions. Ses macrotypologies (économie, droit, religion...) sont, en ce sens, inabouties. Leurs exigences préfigurent une évolution vers des objets plus limités, des déterminations plus complexes de typologies plus ouvertes. Essais de synthèse des macrotypologies, celles de Talcott Parsons et[...]

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Pour citer cet article

Jean-Claude COMBESSIE. TYPOLOGIE, sociologie [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • FOLKLORE

    • Écrit par Nicole BELMONT
    • 12 229 mots
    • 1 média
    ...finnois Antti Aarne, partant d'un double fait – la variabilité infinie des textes recueillis et leurs ressemblances indéniables –, proposa la notion de conte type, c'est-à-dire une organisation particulière de motifs qui se retrouve dans un certain nombre de contes, les variantes, dont les modifications...
  • LIBIDO

    • Écrit par Pierre KAUFMANN
    • 11 337 mots
    • 1 média
    ... dans la lecture que propose Lacan de la pensée freudienne –, l'appétit sexuel ou libido est alors appelé à s'orienter à la manière de l'aiguille aimantée dans un champ magnétique ; et le spectre des orientations ainsi ouvertes se spécifie en une classification destypes libidinaux.
  • PSYCHOMOTRICITÉ

    • Écrit par Michel BERNARD
    • 3 270 mots
    ...individu a une complexion motrice personnelle qui dépend des réglages variables de ses différentes activités musculaires. C'est ce que Wallon appelle un « type psychomoteur ». Or il y a, selon lui, autant de types qu'il y a de possibilités de défaillance ou d'insuffisance de l'un ou l'autre de ces réglages...
  • SOCIÉTÉ

    • Écrit par André AKOUN
    • 9 306 mots
    ...sociétés dans lesquelles il voit des réalités. Il ne peut y parvenir qu'à la condition de faire des regroupements à partir de critères jugés pertinents, c'est-à-dire de forger des types. «  Il semblait, observe Durkheim dans les Règles de la méthode sociologique, que la réalité sociale ne pouvait...

Voir aussi