Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

THUCYDIDE (env. 460-env. 400 av. J.-C.)

La rigueur scientifique

La vérité, Thucydide pense bien être le premier historien à en avoir apprécié le prix. Pour ses prédécesseurs, il est sévère. Et bien qu'il ait, sans aucun doute, une dette très grande envers Hérodote, il attend, lui, de l'historien une attitude plus critique et plus scientifique.

Il rapporte des faits récents, qu'il a vus ou sur lesquels il a pu interroger des témoins directs. Or, il se méfie. Il dit le mal que l'on peut avoir à discerner le vrai du faux. Il pourrait dire aussi le mal que l'on peut avoir à distinguer l'importance relative des faits.

Ce souci de l'observation rigoureuse est peut-être dû à l'influence des médecins. Thucydide est contemporain d'Hippocrate ; et l'on sait, par le récit qu'il fait de la peste d'Athènes, au livre II, qu'il pouvait montrer un esprit averti en matière de symptômes et de diagnostics. Or, il traite le récit des faits un peu en clinicien. D'abord, il s'enchante d'objectivité. Et le fait est qu'il réussit cette prouesse de n'intervenir à peu près jamais dans son œuvre. On ignore ses opinions personnelles – ou bien on les reconstitue comme on peut, à travers ses silences ; en tout cas, il ne les fait pas entrer en ligne de compte, pas plus qu'il ne fait intervenir de considérations morales, ou religieuses. Il se veut, dirait-on aujourd'hui, positiviste. Exigeant jusqu'à la limite, il invente même une méthode de présentation qui consiste à laisser les faits parler d'eux-mêmes, en les rangeant dans un ordre rigoureusement chronologique. Pour cela, il les répartit par étés et par hivers, interrompant un épisode avec la fin de la saison, pour enchaîner avec ce qui se passait ailleurs à la même époque. Les faits, dans l'ordre, sans commentaires : telle est la règle difficile qu'il s'impose et qu'il respecte.

Mais ce n'est là, si l'on peut dire, qu'une exigence préliminaire. Car le médecin n'observe que pour établir un diagnostic. Et c'est à quoi Thucydide, lui aussi, entend faire servir la rigueur des faits : son histoire établit, pour chaque fait en particulier et pour la guerre en général, un diagnostic d'ordre politique.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure, membre de l'Institut, professeur au Collège de France

Classification

Pour citer cet article

Jacqueline de ROMILLY. THUCYDIDE (env. 460-env. 400 av. J.-C.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Thucydide - Athènes - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

Thucydide - Athènes

Autres références

  • CULTURE - Culture et civilisation

    • Écrit par Pierre KAUFMANN
    • 14 361 mots
    • 2 médias
    ...manifestation dans la figure d'une civilisation. L'exemple le plus fameux de cette genèse sera donné par l'éloge que fait Périclès, au second livre de Thucydide, de la constitution d'Athènes ; équivalent très imparfait, soulignons-le d'emblée, de la πολιτεία et qui risque de nous masquer le mouvement...
  • ANTIQUITÉ

    • Écrit par Pierre JUDET DE LA COMBE
    • 1 983 mots
    ...Histoire de la guerre du Péloponnèse (livre que, depuis l'Antiquité, il est convenu d'appeler « archéologie », « science des origines »), Thucydide remarque que les Grecs anciens étaient aussi peu civilisés que les barbares de son temps. Un progrès a donc eu lieu. Comment concilier les deux...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - La cité grecque

    • Écrit par François CHÂTELET, Pierre VIDAL-NAQUET
    • 7 734 mots
    • 3 médias
    Cette radicalité, qui met au centre de la réflexion la cité et les citoyens, Thucydide la prend pleinement en charge. L'Histoire de la guerre du Péloponnèse élève le récit historique à l'intégrale transparence : elle révèle les causes réelles de l'affrontement qui déchire l'Hellade pendant...
  • GRÈCE ANTIQUE (Civilisation) - Langue et littérature

    • Écrit par Joseph MOGENET, Jacqueline de ROMILLY
    • 8 259 mots
    • 2 médias
    ...issu des glorieuses guerres médiques, s'achève par l'interminable et funeste guerre du Péloponnèse (431-404). Dès le début des hostilités, l'historien Thucydide a entrepris, tâche audacieuse et nouvelle, de raconter la succession des événements. Ce conflit qui, à ses yeux, devait être le plus important...
  • Afficher les 13 références

Voir aussi