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TÉTRAPODES

Les premiers restes squelettiques de tétrapodes et les premiers pas sur la terre

Les plus anciens restes fossilisés de tétrapodes datent de la fin du Dévonien (il y a environ 365 millions d’années). Il s’agit principalement de fragments, comprenant souvent des mâchoires et des crânes incomplets. Plus d’une douzaine de genres de tétrapodes dévoniens sont connus, mais seulement quelques spécimens ont conservé leur trait le plus distinctif : les doigts. En effet, même si des doigts ont été identifiés chez Elpistostege, ses membres pairs étaient encore recouverts de rayons osseux formant une nageoire. En revanche, chez les tétrapodes, les doigts sont individualisés et articulés, les rayons des nageoires ayant définitivement disparus des membres antérieurs et postérieurs. Les premiers tétrapodes chez qui les pattes ont été fossilisées appartiennent aux genres Ichthyostega et Acanthostega, du Groenland, et Tulerpeton, de Russie. Cependant, ces spécimens étaient polydactyles, c’est-à-dire qu’ils possédaient plus de cinq doigts à chaque membre (huit pour Acanthostega, sept pour Ichthyostega et six pour Tulerpeton), la pentadactylie (cinq doigts ou moins) des tétrapodes n’apparaissant qu’au Carbonifère, environ 20 millions d'années plus tard. C’est aussi parmi ces anciens tétrapodes dévoniens que l’on voit apparaître une articulation au coude et que l’on retrouve un sacrum (bassin osseux) permettant l’insertion du fémur du membre postérieur, deux caractères essentiels pour la locomotion terrestre. Néanmoins, bien que possédant des pattes avec des doigts, ces premiers tétrapodes retiennent encore de nombreux caractères de « poisson », comme des branchies et une nageoire caudale effilée soutenue par des rayons, hérités de leurs ancêtres aquatiques.

Les premiers tétrapodes présentent donc un mélange surprenant de caractères à la fois terrestres et aquatiques qui rendent difficile d’expliquer l’apparition des pattes. Quelles ont été les pressions de sélection à l’origine des membres munis de doigts des tétrapodes ? Quelles informations peut-on tirer de l’anatomie et de l’écologie de ces animaux et de leurs proches parents pour expliquer le passage des nageoires aux pattes ? On sait qu’à la différence de la plupart des autres tétrapodomorphes, les elpistostégaliens et les premiers tétrapodes étaient des animaux relativement grands, dépassant le mètre de longueur. Les deux groupes étaient principalement piscivores, même si l’on pense qu’ils étaient capables de réaliser de courtes sorties hors de l’eau pour se nourrir d’arthropodes terrestres. Une plus grande robustesse des nageoires et la capacité de supporter leur corps hors de l’eau auraient donc été des caractéristiques avantageuses à leur survie. Les elpistostégaliens ont retenu des caractères associés à la vie aquatique et à la nage dans des fonds peu profonds, tandis que les premiers tétrapodes développèrent de nouveaux attributs – comme un poignet et une cheville ou une musculature porteuse – pour se déplacer plus efficacement sur la terre ferme. Néanmoins, les elpistostégaliens et les tétrapodes dévoniens étaient encore dépendants de l’eau, aussi bien pour la respiration que pour la reproduction, entre autres facteurs. C’est la raison pour laquelle on pensait que les membres des premiers tétrapodes n’étaient pas des pattes porteuses pour une locomotion uniquement terrestre, mais plutôt des palettes natatoires adaptées à la vie dans des cours d’eau peu profonds et encombrés de débris végétaux, caractéristiques de la fin du Dévonien.

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne) - crédits : M. Hodbod/ Polish Geological Institute

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne)

Toutefois, la découverte en 2002 et 2003 (publication en 2010) sur le site de Zachełmie, dans le sud-est de la Pologne, d’empreintes de pas fossiles attribuées à d’anciens tétrapodes dans des sédiments datés de 395 millions d'années (Dévonien moyen) a bouleversé notre vision de[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS
  • : docteur en paléontologie (Muséum national d'histoire naturelle, Paris), postdoctorant au Musée Senckenberg, Francfort (Allemagne)

Classification

Pour citer cet article

Philippe JANVIER et Jorge MONDÉJAR FERNÀNDEZ. TÉTRAPODES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Place des tétrapodes au sein des sarcoptérygiens - crédits : Encyclopædia Universalis France

Place des tétrapodes au sein des sarcoptérygiens

Origine des membres des tétrapodes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Origine des membres des tétrapodes

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne) - crédits : M. Hodbod/ Polish Geological Institute

Traces de pas de tétrapodes (site de Zalchelmie, Pologne)

Autres références

  • AMPHIBIENS ou BATRACIENS

    • Écrit par Pierre CLAIRAMBAULT, Philippe JANVIER, Jean-Claude RAGE
    • 6 177 mots
    • 19 médias
    Le passage de la vie aquatique à la vie terrestre est anatomiquement associé à la réalisation du membre chiridien (ou chiridium).Ce membre (antérieur ou postérieur), construit sur le même plan chez tous les Tétrapodes, se compose de deux unités principales : l'archépodium proximal (stylopode + zeugopode),...
  • CARBONIFÈRE

    • Écrit par Alain BLIECK
    • 1 170 mots

    C'est dès le xviiie siècle que Richard Kirwan a introduit le terme carbonifère pour désigner des roches productrices de charbon et le mot a désigné les dépôts houillers de Grande-Bretagne et d'Europe occidentale à partir du xixe siècle. Aujourd'hui, le Carbonifère représente...

  • CIRCULATOIRES (SYSTÈMES) - Les systèmes circulatoires des animaux

    • Écrit par Jean-Paul TRUCHOT
    • 4 530 mots
    • 7 médias
    Avec l'apparition de la vie aérienne chez les vertébréstétrapodes, une double circulation s'instaure, et les deux circulations, systémique et pulmonaire, se séparent entièrement chez les homéothermes, oiseaux et mammifères (fig. 4d). De ce fait, les résistances vasculaires systémique...
  • CRÂNE

    • Écrit par Yves FRANÇOIS, Didier LAVERGNE, Pierre-Antoine SAINT-ANDRÉ
    • 5 245 mots
    • 5 médias
    Il se développe comme celui du crâne d'un sélacien. Un chondrocrâne s'édifie avec les mêmes éléments de base (trabécules, paracordaux, capsules...). Puis interviennent des phénomènes d'ossification de deux types.
  • Afficher les 17 références

Voir aussi