CARBONIFÈRE
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C'est dès le xviiie siècle que Richard Kirwan a introduit le terme carbonifère pour désigner des roches productrices de charbon et le mot a désigné les dépôts houillers de Grande-Bretagne et d'Europe occidentale à partir du xixe siècle. Aujourd'hui, le Carbonifère représente un système de l'ère paléozoïque (ère primaire) qui succède au Dévonien (système précédent). Il s'étale de — 359,2 millions d'années (+/— 2,5 Ma) à — 299 Ma (+/— 0,8 Ma), soit une durée de quelque 60 Ma. D'après la sous-commission internationale de stratigraphie du Carbonifère (S.C.C.S., Subcommission on Carboniferous Stratigraphy), la base du Carbonifère est fondée sur l'apparition du conodonte Siphonodella sulcata dans la lignée S. praesulcata- S. sulcata, dans la coupe de La Serre, une colline près des villages de Cabrières et de Neffiès, dans l'Hérault (France).
Du fait de son importance économique, le Carbonifère a été très étudié. Chaque région productrice de charbon a dès lors développé sa propre terminologie stratigraphique fondée sur les caractéristiques des bassins exploités. C'est le cas de l'Europe occidentale (Grande-Bretagne, France, Belgique, Allemagne, Espagne), de l'Amérique du Nord (dont la Pennsylvanie), de la plate-forme d'Europe orientale (Pologne, Russie, Ukraine), de la Chine et de l'Inde. Cependant, toutes ces séries étant majoritairement non marines, elles renferment très peu de marqueurs biostratigraphiques à valeur internationale, d'où des difficultés innombrables pour les corréler. Ce n'est que dans les années 1990 qu'un consensus a été trouvé pour établir une échelle internationale du Carbonifère. Elle combine désormais des noms de sous-systèmes et d'étages issus de trois des régions historiques, les États-Unis, la Belgique et la Russie – respectivement, Mississippien et Pennsylvanien (correspondant aux deux sous-systèmes du Carbonifère) ; Tournaisien (étage du Mississipien inférieur) et Viséen (étage du Mississipien moyen) ; Serpukhovien (étage du Mississipien supérieur), Bashkirien, Moscovien, Kasimovien et Gzhélien (étages du Pennsylvanien) –, établis pour des séries stratigraphiques marines. Néanmoins, seuls deux points stratotypiques mondiaux (P.S.M., en anglais G.S.S.P., Global Stratotype Standard-section and Point) ont été ratifiés : ceux de la base du Carbonifère et de la limite médiocarbonifère entre le Mississippien et le Pennsylvanien (celui du sommet du Carbonifère relevant en fait de la base du Permien). Si la tendance actuelle est de fonder l'essentiel de l'échelle biostratigraphique standard sur les conodontes, les foraminifères et les ammonoïdes continuent d'être très utilisés en faciès marins, et les miospores tant en faciès continentaux que marins. En faciès continentaux, les paléoflores, les tétrapodes et les insectes fournissent des marqueurs à valeur au moins régionale, voire continentale.
Si les premières forêts sont apparues au Dévonien supérieur, c'est au Carbonifère qu'elles se sont beaucoup développées. Au Carbonifère inférieur (Mississippien), les aires océaniques situées entre le Continent des Vieux Grès Rouges et le Gondwana continuèrent de se fermer, en relation avec la formation des Appalaches et des chaînes varisques (hercyniennes) (orogenèse des Alleghany et orogenèse varisque), ce qui aboutit à la formation de la Pangée, immense et unique supercontinent centré sur l'équateur et séparant la Paléotéthys à l'est de la Panthalassa à l'ouest. La vaste ceinture montagneuse du centre de la Pangée, en position équatoriale, fut le siège de productions importantes de charbons au Carbonifère supérieur (Pennsylvanien ; à peu près équivalent à notre ancien « Houiller » ou Silésien) à partir des dépôts des forêts pluviales (« flore euraméricaine » des États-Unis à la Russie en passant par l'Europe occidentale et centrale ; « flore à Gigantopteris » ou cathaysienne en Chine). Les tétrapodes sont devenus vraiment terrestres dans les zones marécageuses de ces forêts. Parmi eux, les reptiles, totalement émancipés du milieu aquatique pour leur reproduction grâce à l'œuf amniotique, se sont développés dans cet environnement. En ce qui concerne les insectes, c'est au Carbonifère inférieur que fut réalisée l'« invention » de l'aile et du vol, ce qui leur a permis d'échapper aux prédateurs terrestres et de coloniser de nouveaux milieux.
Une calotte glaciaire s'est mise en place sur le pôle Sud au Carbonifère supérieur – Permien inférieur. Il semble que cet épisode majeur d'englaciation soit à mettre en relation avec un pôle Sud situé près des côtes. Au même moment, les niveaux marins étaient plutôt bas, l'expansion des fonds océaniques faible, le taux de CO2 également, en contexte de convergence de l'ensemble des continents « en route vers la Pangée ». On parle parfois de « superglaciation gondwane ».
Après les crises finidévoniennes, la « faune paléozoïque » définie par Sepkoski – constituée surtout d'invertébrés et des premiers vertébrés ossifiés (ostracodermes, placodermes, premiers poissons osseux) – a survécu et la « faune moderne » – comprenant des invertébrés et des vertébrés (poissons osseux et cartilagineux) – s'est développée. Le passage du Dévonien au Carbonifère fut un tournant majeur dans l'histoire des vertébrés aquatiques : extinction des derniers placodermes et radiation adaptative des chondrichthyens ; modification du milieu de vie des dipneustes (un groupe de sarcoptérygiens), passant du milieu marin au milieu continental (fluviatile, lacustre). Certains chondrichthyens auraient occupé les niches écologiques marines laissées vacantes par la disparition des placodermes (par extinction) et des dipneustes (par déplacement écologique), ou auraient concurrencé ces organismes en étant plus efficaces dans l'occupation des niches benthiques. Chondrichthyens, actinoptérygiens et sarcoptérygiens (notamment les cœlacanthes) se diversifient tout au long du Carbonifère. C'est également pendant le Carbonifère que les tétrapodes deviennent véritablement terrestres et réalisent leur première radiation adaptative après un hiatus dans l'enregistrement fossile de près de 15 Ma au début de cette époque, le Romer's Gap, très vraisemblablement lié à un manque de prospection des faciès adéquats dans les régions adéquates. C'est de la prospection de faciès continentaux d'âge éocarbonifère que viendront les découvertes et elles auront vraisemblablement lieu en dehors des aires traditionnelles de prospection.
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Écrit par
- Alain BLIECK : docteur ès sciences (doctorat d'État), agrégé de l'Université, directeur de recherche au C.N.R.S.
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