Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953)

Le « Petit Père des peuples »

Jdanov, alter ego politique de Staline - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Jdanov, alter ego politique de Staline

Dans les années d'après guerre, Staline, au faîte de son prestige, cumule les fonctions de secrétaire général du parti, de président du Conseil des ministres, de maréchal, généralissime et commandant en chef des forces armées. C'est durant ces années que le « culte de la personnalité » atteint son apogée. Le soixante-dixième anniversaire du « Petit Père des peuples », en décembre 1949, fut l'occasion de ce qui fut peut-être la plus extraordinaire manifestation d'adoration publique qu'un être humain ait suscitée au xxe siècle. « Car la vie et les hommes ont élu Staline/ Pour figurer sur terre leur espoir sans bornes », écrivait alors le poète français Paul Eluard. Malgré les innombrables manifestations d'idôlatrie et les concerts de louanges à la gloire du « Père des peuples », le dictateur se retranche de plus en plus dans un isolement soupçonneux, fuyant cérémonies et réceptions, ne connaissant de la vie du pays que les images embellies des rapports officiels. Les dernières années de Staline sont marquées par un net durcissement idéologique, après la relative libéralisation et le relâchement des contrôles sur la société durant la guerre. À partir de 1946 se développe une vaste offensive contre toute création de l'esprit dénotant de prétendues influences étrangères, contre l'« individualisme petit-bourgeois », le « formalisme » et le « cosmopolitisme ». Bientôt, la condamnation de celui-ci prend une tournure de plus en plus ouvertement antisémite : des milliers de Juifs sont arrêtés ou chassés de leur travail, surtout s'ils exercent dans les milieux de la presse, à l'université ou dans la médecine. Si l'un des plus proches collaborateurs de Staline, promu à la fin des années 1930 dans le « premier cercle » stalinien, Andreï Jdanov, apparaît comme le principal artisan de ce durcissement idéologique, appelé couramment « Jdanovschina », c'est en fait Staline qui dirige cette campagne. Il impose aussi, contre l'avis des généticiens, les « théories » d'un charlatan, Lyssenko, qui pousse jusqu'à la caricature les conceptions déterministes, en affirmant l'imposture des lois de Mendel et en proclamant l'hérédité des caractères acquis.

Derrière l'unanimité de façade, masquée par le culte de Staline, le dictateur vieillissant manœuvre habilement, réaffirmant sans relâche son pouvoir, arbitrant et instrumentalisant les conflits latents qui se développent entre les héritiers à sa succession. Dès la fin de la guerre, Staline écarte de toute vie publique et de tout rôle politique les principaux chefs militaires, auréolés du prestige de la victoire, et notamment le maréchal Joukov, le « vainqueur de Berlin », dont il craint qu'il ne lui porte ombrage. En 1948-1949, Staline dirige une vaste opération de purge contre la direction du Gosplan et l'appareil du Parti communiste de Leningrad. L'« affaire de Leningrad » coûte la vie à des centaines de cadres du parti accusés de « comploter avec les titistes dans le but de renverser le pouvoir soviétique ».

De plus en plus méfiant, Staline accuse publiquement, lors du XIXe congrès du parti convoqué en octobre 1952 (treize ans et demi après le XVIIIe), ses plus proches collaborateurs, Molotov, Mikoyan et Vorochilov, de « déviationnisme droitier » et de « soumission servile à l'Amérique ». C'est dans ce climat délétère de fin de règne qu'éclate, en janvier 1953, l'affaire du « complot des blouses blanches ». Un groupe de médecins juifs du Kremlin aurait tenté d'empoisonner des dirigeants soviétiques. Comme au moment de la « Grande Terreur » de 1936-1938, des milliers de meetings sont organisés pour exiger le châtiment des coupables et le retour à une véritable « vigilance bolchevique ». Le « complot des blouses[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Nicolas WERTH. STALINE JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI dit (1879-1953) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Staline fiché - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Staline fiché

Lénine et Staline - crédits : Laski Diffusion/ East News/ Hulton Archive/ Getty Images

Lénine et Staline

Churchill et Staline à la conférence de Yalta, 1945 - crédits : Keystone/ Getty Images

Churchill et Staline à la conférence de Yalta, 1945

Autres références

  • LE JEUNE STALINE (S. Sebag Montefiore)

    • Écrit par Nicolas WERTH
    • 1 090 mots

    Après le succès mondial de Staline : la cour du Tsar rouge, le journaliste britannique, romancier et présentateur de télévision Simon Sebag Montefiore s'est attaqué à la jeunesse du futur dictateur dans Le Jeune Staline (Calmann-Lévy, Paris, 2008). Dès l'introduction, l'auteur annonce son...

  • ANTISÉMITISME

    • Écrit par Esther BENBASSA
    • 12 229 mots
    • 9 médias
    ...polonais et quelques communistes (42 victimes), révèle la persistance des mêmes mécanismes de haine en dépit du génocide commis pour ainsi dire la veille. De son côté, Staline exploite dès 1946 cet antisémitisme populaire, en ordonnant l'élimination des membres du Comité antifasciste juif, qui débute avec...
  • ANTONOV-OVSEÏENKO VLADIMIR ALEXANDROVITCH (1884-1938)

    • Écrit par Claudie WEILL
    • 421 mots

    Fils d'officier, Antonov-Ovseïenko entre à l'école des cadets de Voroneje. Il quitte l'armée, adhère dès 1901 au mouvement révolutionnaire et se rapproche des mencheviks en 1903. Lors de la révolution de 1905, il est l'un des experts militaires de la social-démocratie russe. Il essaye de soulever...

  • BERIA LAVRENTI PAVLOVITCH (1899-1953)

    • Écrit par Georges HAUPT
    • 276 mots

    Tout-puissant chef de la police soviétique, Lavrenti Pavlovitch Beria a été pendant de longues années le bras droit de Staline. Né en Géorgie dans une famille de paysans, Beria adhère au Parti communiste en 1917 à Bakou, où il obtient son diplôme d'architecte en 1919. En 1921, il entre dans...

  • BLÜCHER VASSILI KONSTANTINOVITCH (1890-1938)

    • Écrit par Michel HOANG
    • 788 mots

    Issu d'un milieu de paysans, Blücher, qui exerce de multiples petits métiers, est emprisonné de 1910 à 1913, vraisemblablement pour incitation à la grève.

    La Grande Guerre en fait un officier mobilisé dans l'armée du front sud-ouest. Hospitalisé entre 1915 et 1916, il reprend bientôt...

  • Afficher les 82 références

Voir aussi