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SOANE sir JOHN (1753-1837)

L'architecte anglais Soane appartient à la catégorie des artistes qui découragent toute tentative de classification. Par sa longue carrière, la diversité de ses sources et la coexistence de tendances divergentes dans l'ensemble de son œuvre, il a déconcerté l'analyse formelle, celle d'Emil Kaufmann par exemple. Ce dernier, tout en stigmatisant les contradictions entre la théorie et la pratique de Soane, distingue chez lui : des survivances baroques, des tentations « révolutionnaires » et une certaine prémonition des formules de l'Art nouveau ; il admet enfin que, « sans être un grand réformateur, il fut certainement une des personnalités les plus intéressantes de l'histoire de l'architecture ». Le jugement de Kaufmann est moins étrange qu'il n'y paraît, si on le replace dans l'attitude globale de la critique historique vis-à-vis de l'éclectisme, attitude tour à tour dépréciative et fascinée. Or il est incontestable que Soane fut en son temps le « champion de l'éclectisme ». En effet, s'il fut bien, aux côtés de Nash, l'un des maîtres de la dernière phase du classicisme en Angleterre, il élabora concurremment un style profondément original où il intégra les nombreuses tendances esthétiques du début du xixe siècle. Il illustra ce syncrétisme dans sa propre maison qu'il érigea à la fois comme un manifeste et un testament, puisqu'il la légua à l'État avec ses dessins et l'ensemble de ses collections pour en faire un musée.

Issu d'un milieu modeste, Soane fut conscient très tôt de sa vocation pour l'architecture. À l'âge de quinze ans, il vint à Londres où il entra d'abord au service de George Dance, puis de Henry Holland, auprès duquel il acquit une parfaite connaissance de la pratique architecturale. Parallèlement à cette formation « sur le tas », il suivit les cours de Sandby à la Royal Academy et remporta une médaille d'or en 1776 ; peu de temps après, une bourse d'étude lui fut accordée pour séjourner trois années en Italie. À l'instar de son maître Dance, Soane s'attacha autant à l'observation des monuments du Cinquecento que des vestiges antiques. Ses dessins de jeunesse prouvent une bonne assimilation de l'idéal classique néo-antiquisant ; ainsi son projet de pont triomphal (qui lui valut la médaille de 1776) s'inscrit-il dans la descendance de ceux de Palladio et de Piranèse. Ses vastes projets italiens pour un Sénat et un Palais-Royal associent une certaine connaissance des schémas de l'architecte français Peyre au goût de l'accumulation des motifs décoratifs dans une veine encore baroquisante.

Banque centrale d'Angleterre - crédits : AKG-images

Banque centrale d'Angleterre

Il dut se consacrer à la construction de petites maisons de campagne que nous connaissons par diverses publications : Plans ... of Buildings in Several Counties (1788) et Sketches in Architecture (1793). S'appuyant sur le schéma palladien de la Villa et sur une pratique héritée de Holland, il organisa des distributions complexes et des agencements originaux, presque étranges à force de raffinement, entre autres : Tendring (Suffolk, 1784), Letton (Norfolk) et Tyringham (1793-1798). En 1788, à la mort de Robert Taylor, il obtint le poste d'architecte de la Banque d'Angleterre grâce à l'appui de Pitt. À partir de 1792, il fut amené à reconstruire le Bank Stock Office dans un style qui, tout en étant redevable à Dance, se définit comme l'un des plus originaux du temps. Inspiré par les théories développées par le père Laugier dans l'Essai sur l'architecture, il veut que la fonction du bâtiment, avec ses contraintes techniques (éclairage, sécurité), dictent la conception d'ensemble. Si les formes extérieures restent traditionnelles, à l'intérieur il illustre magnifiquement son goût pour la « lumière mystérieuse », trait constant dans toute[...]

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Écrit par

  • : ingénieur au C.N.R.S., enseignante à l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles

Classification

Pour citer cet article

Monique MOSSER. SOANE sir JOHN (1753-1837) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Banque centrale d'Angleterre - crédits : AKG-images

Banque centrale d'Angleterre

Autres références

  • JOHN SOANE, LE RÊVE DE L'ARCHITECTE (exposition)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 993 mots

    Architecte parmi les plus réputés de son époque en Grande-Bretagne, John Soane (1753-1837) est un des créateurs de formes les plus originaux du néo-classicisme. Ses archives, ses dessins et ses maquettes sont conservés à Londres, par le musée qu'il créa dans sa propre maison (qui abritait...

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Architecture

    • Écrit par Monique MOSSER
    • 7 827 mots
    • 30 médias
    ...d'un projet pour les prisons de Newgate (1768), imagina un monument remarquable par sa massivité et ses singularités décoratives, quasi expressionnistes. Quant à John Soane (1753-1837), il est de ces génies inclassables tant par la profusion de son imagination que par son incontestable intuition de la modernité....
  • ROMANTISME

    • Écrit par Henri PEYRE, Henri ZERNER
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    ...L'emploi brutal de formes géométriques pures dans ' l'œuvre de Ledoux trouve son équivalent en Angleterre dans certaines expériences néo-primitives de John Soane (1752-1837). Ces expressions s'apparentent au pittoresque presque au même titre que les chaumières et les châteaux pseudo-médiévaux de ...
  • HISTORICISME, art

    • Écrit par Hubert DAMISCH
    • 4 661 mots
    • 8 médias
    ...coupole et colonnade intérieure se dissimule derrière un portique ionique de dimensions colossales. Simultanément, l'Angleterre avait trouvé en John Soane (1753-1837), l'architecte de la Bank of England, à Londres, et en John Nash (1752-1835), l'auteur de travaux considérables dans cette même...
  • NÉO-CLASSICISME, arts

    • Écrit par Mario PRAZ, Daniel RABREAU
    • 8 074 mots
    • 13 médias
    ...XIV, Hercule et Lycas, Amour et Psyché ; la Sapho de Johann Heinrich Dannecker ; la barrière de la Villette de Ledoux ; la Bank of England de John Soane ; le théâtre de l'Anatomie de Jacques Gondoin). Mais il serait injuste de penser que le style Empire n'est que l'exploitation décorative sur une...

Voir aussi