BAN SHIGERU (1957- )
Article modifié le
Lauréat du concours pour la construction du pavillon du Japon à l'Exposition internationale de Hanovre 2000, Shigeru Ban s'est, en quelques années, imposé comme l'une des figures les plus en vue de l'architecture internationale. Cette réputation s'est notamment traduite, en 1999, par la présentation, dans le jardin de l'Institut français d'architecture à Paris, de son prototype de maison d'urgence, conçu après le tremblement de terre de Kōbe, au Japon. Shigeru Ban appartient à une génération d'architectes qui, dans le sillage du travail mené par Renzo Piano, cultivent le goût pour la haute technologie et l'invention, tout en plaçant les considérations écologiques et le dialogue avec la tradition au centre de leurs préoccupations.
Né en 1957 à Tōkyō, diplômé d'une grande école japonaise, Shigeru Ban apprend son métier en Californie, au Southern California Institute of Architecture (1977-1980), puis à la Cooper Union School of Architecture (1980-1984). Il fréquente entre-temps l'agence de son compatriote Arata Isozaki à Tōkyō, avant de fonder, dans la même ville, sa propre agence (1985). Influencé par la production du groupe américain The New York Five, et plus particulièrement par celle de son professeur John Hejduk, il débute sa carrière en construisant des villas d'une extrême sobriété : celles-ci sont composées d'un noyau central, groupant les zones de services essentiels (cuisine, salle de bains), et d'une simple enveloppe, entre lesquels est ménagé un espace entièrement libre. Maison TCG (1986), Maison K (1987) à Nagano, Trois Murs-Atelier pour un architecte (1988), Résidence Muramatsu (1989), ou encore Atelier pour un chanteur et Maison I (1991), à Tōkyō, sont autant de variations sur des figures géométriques. En outre, chacune de ces réalisations entretient un rapport étroit avec le paysage : noyées dans la verdure, à flanc de colline ou dans le tissu plus chaotique de la capitale japonaise, elles tentent de donner sens à l'environnement.
Les maisons conçues par Richard Neutra ou Charles Eames sur la côte ouest des États-Unis, dans les années 1950, font également figures de référence chez Shigeru Ban : par leur clarté et l'économie de moyens qui a présidé à leur mise en œuvre, Maison I et Maison-Pieux (Shizuoka, 1992), témoignent l'une et l'autre de cette filiation.
L'architecte japonais s'est cependant rapidement distingué de ses aînés américains en adoptant un système de construction original : le tube de carton, fabriqué à partir d'une pâte à papier utilisée pour les cloisons translucides dans l'architecture japonaise traditionnelle. Cette technique constitue à la fois une rupture dans l'œuvre de Shigeru Ban et l'aboutissement de ses recherches sur la structure ; dans la Maison à double toit construite en 1993 sur les bords du lac Yamanaka (au pied du mont Fuji), le recours à des matériaux légers et économiques lui avait en effet permis de résoudre des problèmes liés au climat ou à l'implantation du bâtiment. Employés pour la première fois, comme cloisons, pour la scénographie de l'exposition consacrée à Alvar Aalto à la galerie Axis à Tōkyō (1986), les tubes de carton ne peuvent encore, légalement, servir d'éléments porteurs ; Ban les expérimente alors pour des constructions temporaires (tonnelle pour l'exposition de design de Nagoya en 1989, hall principal du festival d'Odawara en 1990).
Ce n'est qu'en 1995, pour sa propre maison (lac Yamanaka), que Shigeru Ban obtient l'autorisation d'élever une construction permanente en tubes de carton. Cent dix éléments de 2,70 m de hauteur et de 48 cm d'épaisseur – dix d'entre eux supportant la charge verticale – forment un S qui délimite l'aire d'habitation ; l'espace libéré qui l'entoure est clos par des façades vitrées. La continuité avec les réalisations antérieures de l'architecte est ici évidente ; son appartenance au mouvement moderne également : on y lit aisément son admiration pour la maison Farnsworth (Illinois) de Mies van der Rohe.
Dès lors, Shigeru Ban se fait une spécialité de ce type de structure, qu'il tente de rendre à sa vocation originelle : l'habitat provisoire. Consultant pour le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations unies, il développe le principe de la maison d'urgence pour les sans-abri du Rwanda (1995), avec la coopération technique du bureau d'études britannique Ove Arup & Partners. Le tremblement de terre qui secoua le Japon le 17 janvier 1995, le conduira à œuvrer pour les habitants de Kōbe : formée de tubes disposés verticalement, chaque maison, d'une surface de 16 m2, repose sur des caisses de bière chargées de sable, le tout pour un coût de 2 000 dollars environ. Pour la même ville, Ban reconstruit également une église (démontée en 2005) au moyen de tubes de carton. Surnommé l’« architecte de l'urgence », il s'est spécialisé dans la construction de structures temporaires, au Congo (Afrique) en 1999, dans le Sichuan (Chine) dévasté par un tremblement de terre en 2008, au Japon après la triple catastrophe du 11 mars 2011 (séisme, tsunami et catastrophe nucléaire). À la place de la cathédrale de Christchurch (Nouvelle-Zélande), détruite par le séisme de février 2011, Shigeru Ban élève un nouvel édifice religieux provisoire (2013) composé de matériaux recyclés.
En 1998, il réalise, pour une entreprise de constructions en bois, à Gifu, une toiture parabolique faite de morceaux de tubes, lesquels sont ensuite assemblés par des joints en bois.
Si l'échelle de certains travaux de Shigeru Ban confronte celui-ci à des problèmes structurels plus importants, les principes fondamentaux de son architecture ne paraissent pas en souffrir : la gare de Tazawako (Akita, 1997) en est un exemple probant. Pour l'exposition de Hanovre (2000), il collabore avec l’ingénieur allemand Otto Frei : toujours à base de tubes de carton, l'édifice consiste en une gigantesque résille en forme de vague, qui rappelle la célèbre peinture de Hokusai.
En Europe, avec Jean de Gastines, Ban réalise le Centre Pompidou-Metz (2010) et la rénovation et l’extension d’une ancienne usine qui accueille désormais le Consortium, centre d’art contemporain de Dijon (2011). Parallèlement à son activité de constructeur, il a conçu la scénographie de plusieurs expositions consacrées à l'œuvre de l'architecte espagnol Emilio Ambasz, et il mène des recherches sur le design et le graphisme. Il enseigne, depuis 1993, dans plusieurs universités japonaises. Shigeru Ban reçoit le prix Pritzker d'architecture en 2014.
Accédez à l'intégralité de nos articles
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Simon TEXIER : professeur, université de Picardie Jules-Verne
Classification
Autres références
-
CENTRE POMPIDOU-METZ
- Écrit par Philippe PIGUET
- 866 mots
- 1 média
Trente-trois ans après sa création, le Musée national d'art moderne-Centre Georges-Pompidou a inauguré à Metz, en 2010, un nouveau lieu d'expositions. Dénommé Centre Pompidou-Metz, il constitue une des premières expériences de décentralisation en région d'un établissement...
-
GASTINES JEAN DE (1957- )
- Écrit par Eve ROY
- 1 118 mots
- 3 médias
Architecte de l'art de vivre et du bien-être, Jean de Gastines est né le 10 janvier 1957 à Casablanca (Maroc). Après des études d'économie et d'histoire à la Sorbonne (1978), il s'inscrit à l'École nationale supérieure des beaux-arts de Paris, où il s'intéresse au...
-
LA SEINE MUSICALE, Boulogne-Billancourt
- Écrit par Eve ROY
- 1 088 mots
- 1 média
« Posé » sur l’île Seguin, à Boulogne-Billancourt, le nid tressé de l’auditorium de la Seine musicale, construit par les architectes Shigeru Ban et Jean de Gastines, marque le premier aboutissement de l’histoire longue et complexe du réaménagement de l’île Seguin. Il vient couronner...
Voir aussi