Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

SEXUALITÉ, psychanalyse

  • Article mis en ligne le
  • Modifié le
  • Écrit par et

Des pulsions partielles au concept de castration

De fait, la théorie psychanalytique ne pouvait éviter d'interroger de plus près le rapport de difficile voisinage du sexuel et du psychique ; et c'est ce qu'aborde Freud avec la théorie des pulsions. Ce qu'il faut retenir de l'expérience sur ce point, c'est que la sexualité n'est représentée dans le psychisme, n'y a son accès et son efficacité que sous la forme de «  pulsions partielles », c'est-à-dire qu'aucune d'elles ne saurait inscrire dans le psychisme une détermination qui situerait l'individu par rapport à un autre individu de sexe opposé. Cela veut dire que Freud, dans son exploration de l'inconscient, ne rencontre que des pulsions soit orales, soit anales, ou encore des pulsions définies par leur rapport avec ces objets bien réels quoique ambigus que sont le regard (voyeurisme et exhibitionnisme) et la voix (sadisme et masochisme) ; chacune de ces pulsions est partielle quant à son but, qui est la satisfaction de cette pulsion et non pas l'union sexuelle, et quant à son objet, qui ne s'identifie en rien avec le partenaire sexuel. La sexualité humaine se présente donc ici avec un caractère typiquement écartelé, morcelé. De plus, l'objet lui-même est « substituable », interchangeable et à la limite indifférent – un coin de mouchoir peut parfaitement remplacer le sein maternel pour la pulsion orale –, ce qui suffit à situer la satisfaction pulsionnelle comme complètement distincte de celle d'un besoin. Loin de se stabiliser dans la saisie d'un objet adéquat, la pulsion ne développe son champ propre qu'à partir du moment où l'objet est foncièrement « perdu », ainsi que le montre le modèle freudien de l'étayage premier de la libido sur les fonctions de conservation : si la pulsion orale se confond d'abord avec le nourrissage, elle n'apparaît justement comme pulsion que quand le sein a été ravi à l'enfant et qu'un vide se trouve ainsi creusé, qui peut être occupé par n'importe quel objet de substitution.

Il s'agit alors de savoir comment, à partir d'une telle économie de l'inconscient, le sujet aborde la relation à l'autre que connote le terme «  amour », depuis un temps qu'il est d'ailleurs possible de dater historiquement. L'amour peut-il être conçu comme l'épanouissement, le point de convergence de ce que l'expérience psychanalytique rencontre comme pulsions partielles ? Le problème est capital, et n'a pas fini de faire débat.

Bien des psychanalystes, s'appuyant sur certaines hésitations de Freud lui-même, ont lutté pour sauver les illusions les plus traditionnelles, en posant que les différentes pulsions partielles représentaient les stades successifs d'une maturation instinctuelle et que l'on avait affaire à un développement ordonné aboutissant à « intégrer » les pulsions partielles en une unité supérieure, à les faire converger vers un stade « adulte » où s'opérerait une transmutation, une fusion des courants infantiles parcellaires en un « stade génital », forme achevée de la libido. Cette position théorique, qui a particulièrement marqué la psychanalyse américaine, s'appuie, pour soutenir la fusion des pulsions partielles, sur des fonctions d'un moi autonome, non conflictuel, capable de synthèse ; mais on peut y dénoncer un contre-sens de départ, puisque justement l'existence de l'inconscient ne permet de situer le moi que comme une formation imaginaire, lieu même de la méconnaissance et alibi le plus ancien de l'infatuation du sujet. Une telle théorie semble bien avoir fait la preuve qu'elle n'avait d'autre effet, voire d'autre but, que la conservation d'un ordre social établi et de ses idéaux reçus.

Pour[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Claude CONTÉ et Moustapha SAFOUAN. SEXUALITÉ, psychanalyse [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • DIFFÉRENCE SEXUELLE (psychanalyse)

    • Écrit par
    • 1 309 mots

    La différence sexuelle, ses conséquences sur la construction de l'identité et sur le déroulement de la vie psychique sont au cœur de la réflexion freudienne et fournissent les éléments essentiels de ce qu'on peut appeler le dogme freudien, dogme assez bien résumé dans l'...

  • APRÈS-COUP, psychanalyse

    • Écrit par
    • 378 mots

    Freud a fait de l'après-coup (Nachträglichkeit) le caractère propre de la vie sexuelle. Parmi les souvenirs pénibles, certains seulement sont sujets au refoulement ; certains seulement peuvent susciter un affect que l'incident lui-même n'avait pas provoqué. L'explication de cette action...

  • CORPS - Le corps et la psychanalyse

    • Écrit par
    • 3 971 mots

    Le corps est, en psychanalyse, une réalité difficile à penser, car elle défie les approches physiologiques et philosophiques, et décisive pourtant, puisque la sexualité humaine – considérée dans la jouissance ou dans des activités sublimatoires – a pour terrain le corps érogène, le corps capable...

  • DÉFENSE, psychanalyse

    • Écrit par
    • 1 296 mots

    Le terme « défense » apparaît dès l'Esquisse pour une psychologie scientifique de Sigmund Freud (1895). Il comporte une dimension stratégique, implique l'idée de réaction à une agression et témoigne du lien constant établi entre clinique et théorie. Dans la compréhension de l'hystérie...

  • ÉROGÈNES ZONES

    • Écrit par
    • 331 mots

    Définies par Freud dans Trois Essais sur la théorie de la sexualité comme des « régions de l'épiderme ou de la muqueuse qui, excitées d'une certaine façon, procurent une sensation de plaisir d'une qualité particulière », les zones érogènes tiennent une place de première importance...

  • Afficher les 28 références