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SÉRIALISME (musique)

Le dodécaphonisme sériel, nouvelle méthode de composition musicale, fut conçu par Arnold Schönberg, au début des années 1920, au terme d'une lente évolution.

Dès le début du xxe siècle, la sensibilité inquiète et tourmentée de Schönberg le pousse vers une écriture de plus en plus chromatique ; l'usage constant d'accords altérés, les modulations incessantes aux tons éloignés le conduisent bientôt à des figures sonores, harmoniques et mélodiques débordant le système tonal. Comprenant que seule la référence à l'ensemble des gammes chromatiques (successions de douze demi-tons diatoniques et chromatiques à l'octave) pouvait désormais donner une cohérence à son langage, il franchit le pas dans le dernier mouvement de son Deuxième Quatuor à cordes, opus 10 (1908), où il est absolument impossible de percevoir le moindre lien avec les fonctions tonales. Les œuvres qui suivront bientôt, notamment les Trois Pièces pour piano, opus 11 (1909), les Cinq Pièces pour orchestre, opus 16 (1909), et le célèbre Pierrot lunaire, opus 21 (1912), continuent d'exploiter la voie de l'abolition de la tonalité. Cependant, Schönberg est confronté à un langage dont aucune technique d'écriture ne peut assurer la gestion ; comme il le dit lui-même, « ce sont de très fortes impulsions qui m'ont guidé ». Pour prévenir l'anarchie menaçante, due à la fois à l'absence de relations tonales, à l'émancipation de la dissonance et à l'inexistence d'une technique d'écriture précise, Schönberg élabore entre 1917 et 1921 un système d'organisation des douze (en grec, dôdeka) sons, proposant une mise en ordre de cet univers anarchique et une méthode de composition.

Le sérialisme dodécaphonique

La technique du sérialisme dodécaphonique est inaugurée par Schönberg dans la dernière des Cinq Pièces pour piano, opus 23 (1920-1923). Le principe en est le suivant. Avant d'écrire une œuvre, le compositeur détermine une série de douze sons chromatiques, sans répétition, classés dans un ordre précis. Chacun de ces sons pourra être transposé à n'importe quelle octave, et leur succession utilisée tant horizontalement que verticalement. Aucun son ne pourra être répété avant que la série n'ait été complètement épuisée ; après quoi, celle-ci sera déroulée de nouveau, mais de manière différente (inversée, transposée, rétrogradée). Le rôle de la série est donc celui d'un catalogue de sons dont les règles d'utilisation sont fixées de manière très rigide.

Cette forme d'écriture, encore rudimentaire, va rapidement évoluer, du fait de Schönberg lui-même, mais surtout de ses deux principaux élèves, Alban Berg et Anton von Webern. Tout d'abord, le champ d'action de la série va être agrandi par la possibilité de la transposer sur chaque degré de la gamme chromatique, de l'écrire en mouvement contraire, et de lire aussi chacune de ces deux versions en mouvement rétrogradable (de droite à gauche), ce qui aboutit à quarante-huit lectures possibles d'une série. Par ailleurs, ces compositeurs ne vont pas tarder à expérimenter des organisations particulières des douze sons, comme la série du premier mouvement de la Suite lyrique, pour quatuor à cordes, de Berg (1926) : fa, mi, do, la, sol, , la bémol, bémol, mi bémol, sol bémol, si bémol, si. Cette série semble issue du partage en deux d'un clavier imaginaire, avec d'abord six touches blanches moins le si, puis cinq touches noires formant une gamme pentatonique. Les particularités de cette série sont nombreuses : agrandissement progressif des intervalles descendants, lecture rétrogradable. Un autre type de série est expérimenté par Berg dans son Concerto pour violon et orchestre « À la mémoire d'un ange » (1935). La série est la suivante[...]

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. SÉRIALISME (musique) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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