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SÉRIALISME (musique)

Vers le sérialisme intégral

Parmi les trois compositeurs viennois, c'est Webern qui ira le plus loin dans l'élaboration du sérialisme. En dispersant les sons de la série dans des registres éloignés les uns des autres, il fait complètement éclater la continuité mélodique et empêche toute représentation thématique de prendre corps. Par ailleurs, sa musique abolit totalement la distinction entre écriture verticale et écriture horizontale et ne sera plus déduite que des particularités structurelles et intervalliques de la série. Considérant chaque phénomène sonore comme indépendant, il élargit dans la Deuxième Cantate, opus 31 (1943), son contrôle à d'autres paramètres du son en créant un proportionnalisme rythmique (déjà discernable au début des Variations pour orchestre, opus 30, 1940). Il s'agit d'un premier pas vers la généralisation de la série à tous les paramètres du son, ou sérialisme intégral.

Après la Seconde Guerre mondiale, une nouvelle génération de compositeurs, nés autour de 1925, se placent dans la continuité de Schönberg et de Webern, en proposant de nouveaux procédés permettant de faire évoluer la technique sérielle. Ces compositeurs sont le Français Pierre Boulez, les Italiens Luigi Nono et Luciano Berio, l'Allemand Karlheinz Stockhausen. C'est Boulez qui va proposer de nouveaux procédés permettant de faire évoluer la technique sérielle : il est le premier à utiliser des permutations à lectures horizontale, verticale et même diagonale. Il obtient des séries en multipliant les accords ; ainsi, en multipliant un accord de trois sons avec un accord de quatre sons, on obtient un accord de douze sons (en réalité de dix sons, une fois éliminées les notes communes) ; ce bloc sonore peut être à son tour éclaté, fractionné, devenir le point de départ d'une série dérivée. Aux douze sons de la gamme chromatique, pris dans l'ordre ascendant, sont associés douze durées et six intensités, chacune répétée deux fois. Par ailleurs, trois types d'attaques sont également programmées dans ce modèle. À partir de cette matrice, Boulez élabore un tableau de permutations de ces durées, de ces intensités et de ces attaques.

Cependant, si les hauteurs et les durées sont aisément « sérialisables », il n'en va pas de même pour les intensités, qui sont nécessairement soumises à l'appréciation subjective du musicien. Au début des années 1950, sous l'influence d'Olivier Messiaen, Boulez, Nono, Berio et Stockhausen vont porter leur attention sur le rythme puis s'évertuer à sérialiser tous les autres paramètres du son. Dès 1952, Boulez tente un sérialisme intégral en imposant les règles du développement sériel à la polyphonie, au rythme, aux nuances et à l'instrumentation dans le Premier Livre de Structures pour deux pianos.

À la fin des années 1950, cependant, ce système dans lequel tout était rigoureusement contrôlé va se bloquer. Il est vrai qu'il portait en lui son propre germe de destruction et posait beaucoup de problèmes aux interprètes car, plus la complexité augmentait, moins l'interprétation pouvait être rigoureuse. La plupart des tenants et des bâtisseurs du sérialisme vont alors abandonner la composition à partir de cette technique.

— Juliette GARRIGUES

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Écrit par

  • : musicologue, analyste, cheffe de chœur diplômée du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, chargée de cours à Columbia University, New York (États-Unis)

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Pour citer cet article

Juliette GARRIGUES. SÉRIALISME (musique) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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