Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ŚAṄKARA ou ÇAṆKARA (début VIIIe s.)

Un des noms les plus illustres de la spéculation indienne est celui de Śaṅkara (Shankara), dit aussi Śaṅkarācārya, « maître Śaṅkara », premier grand commentateur des Vedānta ou Brahma Sūtra de Bādarāyaṅa.

Un « bouddhiste déguisé »

On ignore la date exacte et le lieu de naissance de Śaṅkara ; toutefois, il semble qu'il soit né vers le début du viiie siècle, au Kérala, c'est-à-dire à l'extrême sud-ouest du Dekkan. Issu d'une famille de brahmanes, il aurait été élevé par une mère veuve ; on a même émis l'hypothèse qu'il s'agirait d'un enfant posthume.

Le début de sa vie se déroule selon le schéma traditionnel : à l'âge prévu, il devient brahmacārin (étudiant brahmanique) ; mais, ses études terminées, lorsqu'il lui aurait fallu, conformément à l'usage, adopter le deuxième stade de vie, celui de maître de maison (gṛhastha) et fonder un foyer, il choisit l'état de renonçant (sannyāsin) et devient disciple d'un certain Govinda, appartenant à cette lignée moniste et idéaliste qui prend sa source dans l'enseignement de Yājñavalkya, l'un des maîtres auxquels se réfèrent les plus anciennes Upaniṣad.

Sur le plan religieux, on considère Śaṅkara comme śivaïte, mais sans nul fanatisme : ce sentiment s'accorderait mal, en effet, avec sa position métaphysique, où l'Absolu impersonnel l'emporte de loin sur toute manifestation divine personnifiée.

Lorsqu'il quitte Govinda, c'est pour entreprendre à travers l'Inde des pérégrinations qu'il accompagne d'enseignements donnés tout au long de sa route. Ses biographes entremêlent alors de nombreuses légendes aux données historiques. Ce qui transparaît de plus net, ce sont ses attaques répétées contre les sacrifices sanglants et ses polémiques continuelles avec les bouddhistes de son temps. Mais, en les combattant, il semble s'être imprégné quelque peu de leurs doctrines et on l'a fréquemment qualifié de « bouddhiste déguisé ».

Il a fondé plusieurs monastères (matha), ce qui semble aussi un emprunt à des coutumes hétérodoxes, les sectes brahmaniques s'organisant rarement à cette époque en communautés, comme il était courant, au contraire, chez les bouddhistes et les jaïn. Le principal de ces matha, le premier fondé, se trouvait à Śṛṅgiri, au Maïsur.

Le maître passe pour être mort jeune et, pense-t-on, à Kedarnath, dans l'Himālāya.

Si l'on en croit la tradition, sa doctrine s'exprime dans un nombre d'ouvrages considérable. Cependant, il semble bien qu'on lui en ait attribués qui sont plutôt l'œuvre de ses disciples. On lui impute avec une quasi-certitude le commentaire de neuf Upaniṣad védiques et celui sur la Bhagavad Gītā (Gītābhāṣya), qui traite particulièrement de l'aspect moral du poème. Le texte, par contre, qu'il a sûrement rédigé est le Brahmasūtrabhāṣya, le commentaire aux Brahma Sūtra, un véritable monument philosophique.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : directeur d'études honoraire à l'École pratique des hautes études (Ve section)

Classification

Pour citer cet article

Anne-Marie ESNOUL. ŚAṄKARA ou ÇAṆKARA (début VIIIe s.) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SHANKARA

    • Écrit par François CHENET
    • 248 mots

    Illustre métaphysicien et grand réformateur religieux, rénovateur de l'hindouisme, Shankara (Śaṅkara) est celui des penseurs orthodoxes qui a laissé la marque la plus forte sur l'indianité. Il est né dans la première moitié du viiie siècle (on ne retient plus la datation traditionnelle...

  • ADVAITA

    • Écrit par Jean FILLIOZAT
    • 1 551 mots
    La forme absolue, n'admettant aucune autre réalité que le Brahman, fait par conséquent du monde une illusion, tel est le kevalādvaita de Śaṅkara. Le monde est un rêve bien lié, affirmation qui s'apparente à certaines doctrines bouddhiques. Śaṅkara enseigne l'unicité de l'Être isolé (...
  • AMARU

    • Écrit par Jean VARENNE
    • 262 mots

    L'une des œuvres majeures de la poésie lyrique sanskrite porte le nom d'Amaru-Shataka (amaruśataka), c'est-à-dire les « Cent Poèmes attribués à Amaru ». Il s'agit d'une série de strophes de mètres variés, dont chacune tend à l'autonomie, comme il est de règle en sanskrit, qui sont composées...

  • BOUDDHISME (Les grandes traditions) - Bouddhisme indien

    • Écrit par Jean FILLIOZAT, Pierre-Sylvain FILLIOZAT
    • 10 641 mots
    • 1 média
    ...causes n'en sont pas simples. La dialectique śaṅkarienne est traditionnellement donnée en Inde comme triomphatrice des doctrines bouddhiques en général. En fait, l'idéalisme de Śaṃkara est proche de celui des Vijñānavādin et les adversaires de Śaṃkara ne manquent pas de le dénoncer comme un bouddhiste déguisé....
  • BRAHMANISME

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 3 594 mots
    ...l'orthodoxie, tout en incorporant au rituel ancien le culte de cinq divinités : Viṣṇu, Śiva, Durgā, Sūrya, Ganeśa. À cette tendance se rattachent les adeptes de Śaṅkara. Vers la fin de la période médiévale indienne a été tentée sur leur modèle une résurrection de l'état ancien. Entre le xiiie et...
  • Afficher les 9 références

Voir aussi