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SĀÑCĪ

Les bas-reliefs narratifs et le « style de Sāñcī »

Les bas-reliefs de la balustrade du stūpa 2 font partie (avec ceux de Bhārhut et de Bodhgayā) des premiers spécimens de la sculpture sur pierre. Ils illustrent en même temps le premier style de Sāñcī et trahissent encore une grande maladresse dans les personnages, mais ils sont vigoureux, riches d'inventions et de promesses, et allient dans les représentations florales ou animales un sens de l'observation et un sens du décor également remarquables.

Un peu plus d'un siècle sépare la majorité de ces œuvres (en particulier les médaillons) des portes du Grand Stūpa. Cette seconde phase révèle d'énormes progrès techniques, un souci évident de la composition et une recherche de l'effet spatial. Mais la verve des imagiers – tout comme leur volonté d'introduire de la clarté dans le récit – a pu d'autant mieux s'exprimer que le matériau utilisé, un calcaire tendre, se prêtait à un travail fouillé (ne l'a-t-on pas souvent comparé à celui de l'ivoire ?). Les groupes nombreux, les attitudes variées des personnages, l'abondance de détails significatifs et pittoresques, la précision des notations de paysages et des figurations de monuments constituent un tableau extrêmement attrayant (et combien instructif !) de la vie de l'Inde ancienne. L'ensemble narratif, qui évoque la bande dessinée d'aujourd'hui, raconte les incarnations antérieures, sous forme humaine ou animale, du Buddha, son ultime existence terrestre et les épisodes qui marquèrent les premiers siècles de l'histoire du bouddhisme (guerre de reliques, geste d'Aśoka). Néanmoins – et c'est là un trait propre à l'iconographie archaïque qui disparaîtra bientôt –, le Buddha en personne n'est jamais représenté ; dans les groupes où il devrait figurer, sa présence est suggérée par un vide ou par quelque symbole connu de tous les fidèles.

Les toranạ reproduisent, comme les balustrades, des prototypes de bois. Ils comportent essentiellement deux jambages, de section carrée, chacun étant surmonté d'un groupe d'animaux (ou de personnages grotesques) en ronde bosse dans la lignée des « chapiteaux d'Aśoka », et trois architraves superposées que séparent des dés finement décorés, des potelets et des figures en ronde bosse. Les reliefs narratifs ou ornementaux animent toutes les surfaces visibles ; sur les jambages, les scènes s'inscrivent en des panneaux quadrangulaires ; sur les architraves, elles se déroulent en longs bandeaux ininterrompus selon le principe indien de la narration simultanée. Ces compositions sont denses et l'impression de fourmillement qu'elles donnent de prime abord provient d'effets de perspective obtenus, assez gauchement, par superposition ou chevauchement des plans. Leur lecture s'effectue de droite à gauche.

La porte orientale du Grand Stūpa offre l'image fort réussie d'une nymphe soutenant (symboliquement) l'architrave inférieure : dans un mouvement de grâce sensuelle, son corps opulent se projette dans le vide alors qu'elle se retient à la branche basse d'un arbre. La « fée à l'arbre », connue déjà durant la première phase du style archaïque (Bhārhut), s'apparente aux innombrables figures féminines dont les sculpteurs ne cesseront, au cours des siècles suivants, d'orner les monuments. Seule la porte nord a conservé ses emblèmes bouddhiques, qui se profilent en ronde bosse au-dessus de l'architrave supérieure : la roue (en partie brisée), symbole de la Bonne Loi, et les tridents (triratna), qui font penser aux « Trois Joyaux » du bouddhisme (le Buddha, sa Loi et la Communauté) ou bien sont peut-être des motifs de bon augure (M. Bénisti).

— Rita RÉGNIER

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Écrit par

  • : chargée de recherche au CNRS, chargée de mission au Musée national des arts asiatiques-Guimet

Classification

Pour citer cet article

Rita RÉGNIER. SĀÑCĪ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Grand Stupa, Sanci - crédits : CSP_dimol/ Fotosearch LBRF/ Age Fotostock

Grand Stupa, Sanci

Autres références

  • INDE (Arts et culture) - L'art

    • Écrit par Raïssa BRÉGEAT, Marie-Thérèse de MALLMANN, Rita RÉGNIER
    • 49 040 mots
    • 67 médias
    ...furent ruinés par les musulmans lors de leur avance irrésistible à la fin du xiie siècle. À l'écart des routes empruntées par les envahisseurs, Sāñcī, au centre de l'Inde, a conservé d'importants vestiges d'édifices de style Gupta, et Ratṇagiri, à l'est, des fragments d'un bel ensemble postclassique....

Voir aussi