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RITES DE PASSAGE

Les rituels initiatiques pubertaires

Rituel de passage - crédits : Paul Chesley/ The Image Bank/ Getty Images

Rituel de passage

Les rites d' initiation marquant la puberté sociale occupent une place à part, car ils ont une double dimension, individuelle et collective. De nombreuses sociétés possèdent des rites caractéristiques de la puberté sociale (et non réelle) et de l'accès à l'âge adulte pour l'un ou l'autre sexe. Ils marquent un changement d'état fondamental, à savoir le passage soit de l'enfance au monde des adultes, soit d'un état sexuel relativement indifférencié à un rôle sexuel socialement déterminé – ce qui conditionne l'entrée définitive dans les catégories sociales « homme » ou « femme ». Largement étudiés, ces rituels ont pu être considérés comme le modèle même des rites de passage, bien qu'ils se présentent sous des formes différentes, par exemple selon qu'ils sont reliés à une organisation sociale en classes d'âge, qu'ils introduisent à un savoir ésotérique ou qu'ils comportent un marquage corporel (circoncision ou excision féminine). Il existe aussi des rites de passage initiatiques non pubertaires, notamment lors de l'entrée dans une association (de guerriers ou de guérisseurs, par exemple) ou dans une société secrète, lors de l'accès à une charge politique, etc. Dans les rituels pubertaires, les novices, séparés de leur milieu antérieur (du monde de la mère, de la féminité, de l'enfance et des activités domestiques), se voient coupés de l'univers du village et de celui du sexe opposé, cette réclusion étant parfois longue. Là, sous l'égide d'instructeurs initiés, ils apprennent certains éléments des valeurs symboliques et du savoir traditionnel (épreuves et brimades peuvent faire partie intégrante de cet apprentissage), avant d'être définitivement intégrés au groupe.

Ce rituel « life-crisis », qui marque l'accès au statut d'adulte, se distingue des autres étapes du destin individuel, car il constitue un moment capital dont l'enjeu pour le groupe est l'incorporation effective de nouveaux membres, désormais « capables » – au sens juridique – de nouer des alliances, d'occuper des places différenciées au sein de la structure sociale et de proférer des énoncés pertinents. De cette capacité ils devront faire bon usage. Un tel rituel a donc un caractère immédiatement social (il s'effectue d'ailleurs fréquemment au sein d'un groupe et rassemble parfois toute une classe d'âge) ; il relève à la fois de stratégies sociales et d'affects individuels. Cela explique l'importance qu'y prennent la pédagogie et l'apprentissage, car il s'agit d'édifier des personnes sociales.

Comme dans les autres rites de passage, le symbolisme de la mort et de la renaissance joue ici un rôle majeur : les novices peuvent subir des épreuves rituelles telles que le passage dans un tunnel, qui représente la tombe ou le ventre maternel, et même être considérés comme morts pendant toute la durée de la réclusion. La logique de l'élévation statutaire commande que la phase intermédiaire comporte toute une série d'éléments négatifs, tels que l'humiliation, le silence, l'obéissance absolue. L'accès aux nouvelles positions sociales se trouve ainsi différé et s'accomplit au prix de sa dénégation temporaire. Pour rendre compte de l'état liminal des néophytes, V. Turner a proposé le concept de « communitas » : dans cette phase, ces derniers forment une société qui est homogène et anonyme, dans laquelle tous sont égaux dans la soumission, qui n'est pas segmentée en statuts et en rôles comme le monde du village, qui demeure unifiée dans l'abaissement rituel. Ainsi y retrouve-t-on fréquemment les thèmes de la stérilité temporaire et de la continence sexuelle des novices, mais aussi ceux de leur faiblesse ou de leur impureté : les situations liminales, en effet, sont[...]

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Pour citer cet article

Nicole SINDZINGRE. RITES DE PASSAGE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Rituel de passage - crédits : Paul Chesley/ The Image Bank/ Getty Images

Rituel de passage

Autres références

  • ADOLESCENCE

    • Écrit par Mihalyi CSIKSZENTMIHALYI, Universalis
    • 2 667 mots
    • 1 média
    ...quêtes de vision, les rites fondamentaux et les autres cérémonies du même type aidaient les jeunes hommes et femmes à passer de l'enfance à l'âge adulte. Ces rites de passage mettaient souvent l'accent sur l'enseignement des codes vestimentaires, des attitudes, de la morale et des autres comportements...
  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par Marc PIAULT
    • 9 619 mots
    • 1 média
    ...l'initiation est-elle d'abord un mode d' intégration à un groupe social et, la plupart du temps, elle coïncide avec les âges de la vie, notamment avec les passages de l'enfance à l'âge adulte. C'est un processus de socialisation des jeunes, qui peuvent, rassemblés en classes d'âges, passer un temps plus...
  • BANTOU

    • Écrit par Luc de HEUSCH
    • 8 112 mots
    • 4 médias
    Les rites de passage sont inégalement développés dans le monde bantou. C'est plus particulièrement en Afrique australe qu'ils forment un ensemble cohérent particulièrement riche, depuis la naissance jusqu'à la puberté. Les Thonga font subir au bébé le rite du tesson, sept jours après la naissance. L'enfant...
  • CARNAVAL

    • Écrit par Annie SIDRO
    • 6 168 mots
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    Roger Caillois mettait quant à lui l'accent surla symbolisation par le carnaval du « temps usé », que l'homme congédie avec l'année révolue. Dans cette représentation, l'utilisation des déchets produits par l'homme et sa société peut ainsi se traduire par le barbouillage du corps, par des souillures,...
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