RHUMATOLOGIE

En grec puis en latin, le mot rheuma signifie flux, écoulement. Le mot « rhume » qui en est directement issu est particulièrement bien adapté à la condition pathologique qu'il désigne puisque la caractéristique majeure de cette affection est l'écoulement nasal. Dans le cas des rhumatismes, l'adaptation est moins parfaite car une partie des rhumatismes seulement se caractérisent par une fluxion ou un épanchement articulaire, c'est-à-dire la présence de liquide en quantité anormale dans une ou plusieurs articulations. Le mot rhumatisme a ainsi peu à peu perdu son sens original puisqu'il couvre maintenant tout un ensemble d'affections touchant les articulations et les structures péri- ou juxta-articulaires telles que les ligaments, les tendons, les bourses séreuses, les épiphyses ou les apophyses osseuses d'insertion..., affections qui ne sont pas forcément fluxionnaires mais qui ont pour la plupart d'entre elles un symptôme commun, la douleur. Ainsi, la rhumatologie est peu à peu devenue la spécialité de la douleur. Lorsqu'un malade ressent une douleur qui ne se rapporte pas clairement à un organe ou à un appareil donné, c'est le rhumatologue qu'il vient consulter en premier.

Les rhumatismes sont des affections très fréquentes. On estime que 10 p. 100 des malades qui consultent un généraliste le font pour une maladie de nature rhumatismale. On sait aussi que, en France, quelque 30 p. 100 de la population active souffre de phénomènes rhumatismaux. Chaque année, le tiers de ces sujets interrompt son travail pour une durée moyenne de quatorze jours. Les seuls syndromes douloureux rapportés à la colonne vertébrale sont à l'origine de près de 20 p. 100 des journées de travail perdues pour raison de santé, à tel point qu'un programme de dépistage et de lutte contre ce fléau a dû être mis en œuvre dans le pays. Cela explique le coût social et financier des rhumatismes.

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Il est clair que cette importance croissante des rhumatismes dans les pays développés est liée surtout au vieillissement de la population. Elle est aussi liée au fait que, les grands problèmes de santé prioritaires (infections en particulier) étant au moins en partie résolus et le niveau de vie s'élevant continuellement, les patients peuvent porter leur attention sur des problèmes devant lesquels ils avaient, du fait de leur moindre gravité, une attitude de résignation. Le problème est inverse dans les pays en développement où la pathologie infectieuse demeure la préoccupation dominante. Cela explique peut-être que la rhumatologie soit une spécialité jeune : ce n'est qu'après la Seconde Guerre qu'elle s'est peu à peu séparée de la médecine générale et autonomisée. Les premiers vrais spécialistes en rhumatologie ont sans doute été les médecins de cure thermale ; l'un des plus connus des rhumatologues français a longtemps été le Dr J. Forestier qui, à partir de son expérience de médecin à Aix-les-Bains, a participé de façon déterminante à notre connaissance de nombreuses affections rhumatismales (spondylarthrite, hyperostose ankylosante vertébrale, pseudopolyarthrite rhizomélique...) et a, contribution majeure, introduit les sels d'or dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. La création en France d'un certificat d'études spéciales en rhumatologie date des années 1950. La France compte au moins soixante services hospitaliers de rhumatologie et le nombre de médecins spécialistes en rhumatologie dépasse 1 500. Deux organismes étroitement dépendants l'un de l'autre, la Société française de rhumatologie (S.F.R.), à visée médicale et scientifique, et l'Association française de lutte anti-rhumatismale (A.F.L.A.R.), à visée sociale et humanitaire, jouent un rôle déterminant pour l'animation de la rhumatologie, la diffusion de ses progrès et son enseignement.

Structures cibles des affections rhumatismales

Les articulations sont évidemment la cible principale des rhumatismes. Sur le plan anatomique, on distingue deux types principaux d'articulations mobiles :

– les articulations diarthrodiales, telles que celles des membres comme le genou, dans lesquelles les extrémités osseuses, ou épiphyses, recouvertes de cartilage sont séparées par une cavité articulaire contenant un liquide dit liquide synovial ou articulaire, et sont reliées entre elles par différentes structures : membrane synoviale, capsule articulaire, ligaments... (cf. articulations) ;

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– les articulations amphiarthrodiales, telles que les articulations séparant les corps vertébraux (disques intervertébraux) ou les articulations des symphyses, dans lesquelles les deux pièces osseuses sont séparées par une structure fibro-cartilagineuse d'épaisseur variable (nucleus pulposus des disques intervertébraux par exemple) et sont reliées entre elles par des structures fibreuses (anneaux fibreux des mêmes disques, ligaments vertébraux communs antérieurs et postérieurs).

Les extrémités osseuses (ou épiphyses) situées de part et d'autre de l'articulation sont unies entre elles par les éléments fibreux de l'articulation (ligaments et capsule) et recouvertes du cartilage articulaire. Ce dernier est une structure relativement simple faite d'une matrice extra-cellulaire au sein de laquelle sont dispersées des cellules spécifiques, les chondrocytes. Il ne comprend ni nerfs, ni vaisseaux ; c'est donc une structure avasculaire. La matrice est composée d'un réseau de fibres de collagène de type II à l'intérieur duquel sont « emprisonnées » des macromolécules (acide hyaluronique, glycosaminoglycanes ou GAG) fortement hydrophiles et retenant donc l'eau qui constitue 70 p. 100 du poids humide du cartilage normal. Le maintien de cette structure macromoléculaire est assuré par des protéines d'adhésion (fibromoduline, fibronectine, etc.). Les chondrocytes, cellules mésenchymateuses, assurent la production des macromolécules de la matrice extra-cellulaire et donc le renouvellement extrêmement lent de celle-ci.

La membrane synoviale constitue une forme différenciée de tissu conjonctif. De la superficie vers la profondeur, c'est-à-dire de la cavité articulaire vers la capsule, elle comprend deux zones principales :

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– Une zone superficielle bordant directement la cavité articulaire et faite de cellules juxtaposées les unes aux autres en une couche unique. Ces cellules ont des caractères morphologiques et fonctionnels qui les apparentent aux histiomacrophages pour les cellules A, aux fibroblastes pour les cellules B. Toutes ces cellules sont simplement juxtaposées les unes aux autres et ne reposent pas, comme les cellules épithéliales, sur une membrane basale. Les cellules A ont une activité essentiellement macrophagique, ayant comme fonctions principales de débarrasser par phagocytose la cavité articulaire de tous les produits cataboliques et les déchets qui peuvent s'y trouver (fonction de nettoyage) et d'assurer la production de nombreux médiateurs de l'inflammation. Les cellules B ont une activité essentiellement sécrétoire, telle que la production de l'acide hyaluronique du liquide articulaire.

– Une zone profonde plus épaisse faite d'un tissu conjonctif lâche, souvent de type adipeux, dans lequel on trouve essentiellement des vaisseaux assurant la nutrition et l'oxygénation des différentes structures articulaires (voir infra), des terminaisons nerveuses responsables de l'innervation sensitive de l'articulation et quelques rares cellules éparses de type mésenchymateux.

Le liquide synovial se forme au niveau de la membrane synoviale par un processus d'ultrafiltration du plasma sanguin circulant dans les vaisseaux de la zone profonde de la membrane et par addition d'acide hyaluronique produit par les cellules bordantes. Par sa viscosité, due en grande partie à l'acide hyaluronique, le liquide synovial joue un rôle mécanique très important pour le glissement des surfaces cartilagineuses les unes sur les autres et pour la répartition des pressions sur ces mêmes surfaces. Il joue aussi un rôle nutritif majeur pour les couches superficielles des cartilages et fibrocartilages qui sont dépourvues de vaisseaux sanguins et où il pénètre par imbibition, apportant l'oxygène et les éléments indispensables au métabolisme des chondrocytes. L'étude au laboratoire du liquide synovial est un examen important en clinique courante : il permet d'évaluer la viscosité du liquide, son contenu cellulaire, ses modifications biochimiques, la présence en son sein de microcristaux et d'agents microbiens pathogènes, autant d'éléments souvent déterminants dans le diagnostic étiologique d'une affection rhumatismale (tabl. 1).

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La cavité articulaire ainsi limitée par la membrane synoviale et les cartilages de recouvrement des épiphyses est, dans les conditions normales, une cavité quasi virtuelle qui ne contient qu'une mince lame de liquide synovial tapissant cartilages et versant synovial de la membrane.

Quant aux autres structures impliquées dans les affections rhumatismales, elles dérivent toutes du tissu conjonctif primitif, c'est-à-dire du mésenchyme primitif. Il s'agit en particulier des tendons, faits de fibres collagènes tassées longitudinalement les unes contre les autres, de leurs gaines synoviales et des bourses séreuses de glissement. Gaines synoviales et bourses séreuses ont une structure très voisine de celle de la membrane synoviale et produisent, comme elle, un liquide comparable au liquide synovial permettant le glissement des tendons dans leur gaine ou le glissement l'un sur l'autre des feuillets opposés d'une bourse séreuse.

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  • : médecin, ancien directeur de recherche à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale

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