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RELIGION Religion et État

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Rapports de forces entre Églises et États

Chaque Église a non seulement ses dogmes, mais aussi sa morale, et celle-ci se traduit souvent par des règles juridiques, concernant maints aspects de la vie personnelle, le mariage et la famille en particulier : ainsi, telle religion admet, telle autre n'admet pas le divorce. Autant de terrains où le droit de l'État, et aussi sa politique (au sens le plus large du terme), et ceux des Églises peuvent s'affronter, ou collaborer, ou se déployer chacun dans son domaine propre. Cela est particulièrement net, qu'il s'agisse d'une Église fortement hiérarchisée d'une part, universaliste d'autre part, ou d'une Église, fût-elle peu hiérarchisée, dont la doctrine et la discipline touchent de près à l'existence concrète, personnelle et sociale. L'Église catholique est fortement hiérarchisée, son chef, le pape, représente une autorité supranationale ; l'islam n'est pas hiérarchisé, mais le Coran réglemente maints aspects de l'existence concrète. Affrontement de tous les jours, sociologique, politique : ici il faut être catholique, ou protestant, ou franc-maçon, pour obtenir un poste, une faveur, et là, au contraire, cette appartenance constitue un handicap ; ici l'État est docile, là hostile, là encore indifférent à ce que dit, pense, demande telle Église. L'affrontement prend aussi un aspect juridique, institutionnel : l'État homologue officiellement, dans le dispositif de sa législation, voire dans sa constitution, le droit, la morale de telle Église, ou bien au contraire il prend des précautions institutionnelles propres à limiter l'influence des Églises, ou enfin il leur laisse toute liberté d'agir dans les limites du seul droit commun de la liberté : théocratie, gallicanisme ou libéralisme. Il n'y a bien entendu place pour la théocratie institutionnelle que dans les États confessionnels, et uniquement en faveur de la seule religion officiellement proclamée par l'État comme celle de la nation ; en revanche, le gallicanisme peut exister aussi bien dans les États confessionnels que dans les États laïques ; de même pour le libéralisme.

La théocratie

Les anciens États juif et arabes

L'État juif de l'Ancien Testament, les premiers États arabes sont des États typiquement théocratiques. Aujourd'hui, on ne peut plus parler de théocratie dans l'État d'Israël, en ce que la Bible n'a plus immédiatement valeur de loi d'État, en ce que, par ailleurs, son autorité est désormais morale, culturelle, et non nécessairement religieuse. Dans les États arabes contemporains, il reste certainement des éléments marqués de théocratie.

La Chrétienté et les princes protestants

Dans les États chrétiens, la théocratie a existé également, mais sous une forme autre que dans l'État juif et les États arabes d'autrefois. C'est en effet le christianisme, on l'a déjà noté, qui a apporté au monde la distinction des ordres spirituel et temporel, si contraire à la tradition juive qu'a suivie ensuite le monde musulman, comme à la tradition de la Rome païenne. Autorités religieuses et civiles sont désormais distinctes, et l'Église laisse à l'État la responsabilité de l'ordre temporel. Mais les « matières mixtes » sont nombreuses où l'Église veut imposer à l'État ses lois ou ses directives. Les prétentions théocratiques de nombreux papes du Moyen Âge sont bien connues ; les souverains, du reste, n'étaient souvent pas très dociles ; les papes, alors, n'hésitaient pas à les excommunier, et à délier les fidèles sujets du prince du devoir d'obéissance à celui-ci. Cette indocilité des princes se manifeste d'ailleurs en des domaines bien circonscrits (problèmes des conflits entre les juridictions étatiques et ecclésiastiques, des impôts prélevés par l'État sur les biens de l'Église ou par[...]

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Écrit par

  • : ancien chargé de cours des facultés de droit canonique de l'Institut catholique de Toulouse

Classification

Pour citer cet article

Louis de NAUROIS. RELIGION - Religion et État [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • PSYCHOLOGIE DE LA RELIGION

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    Pourquoi la religion a-t-elle été présente dans probablement toutes les sociétés humaines et est-elle encore présente chez environ deux tiers de la population mondiale ? Pourquoi, à des degrés variables selon les différentes sociétés, y a-t-il toujours des croyants, des agnostiques et des athées, avec...

  • RELIGION (notions de base)

    • Écrit par
    • 2 991 mots

    Deux hypothèses sont en concurrence à propos de l’étymologie du mot « religion ». Pour certains, comme Cicéron (106-43 av. J.-C.), il viendrait du latin religere, qui signifie « relire attentivement », « revoir avec soin ». Pour d’autres, le mot trouverait son origine dans un autre verbe...

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

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    Considérer les religions négro-africaines comme un ensemble susceptible de définitions appropriées renvoyant à des principes et des règles lui donnant une unité serait accorder une spécificité définitive à leurs manifestations et, au-delà de leur diversité, reconnaître un lien commun entre...

  • ÂME

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    Dans le monde occidental, la notion d'âme s'est constituée lentement et ne remonte pas à la nuit des temps. On peut suivre les étapes qui jalonnent l'émergence d'un principe spirituel du vivant et qui aboutissent à sa justification philosophique par Platon et Aristote. Souvent...

  • AMÉRIQUE LATINE - Les religions afro-américaines

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    Les Africains conduits en esclavage en Amérique ont amené avec eux leurs croyances et leurs rites. Certes, en beaucoup de pays, au contact de civilisations différentes et de sociétés répressives, ces croyances et ces rites, après un moment de résistance (par exemple, en Argentine jusque vers...

  • ANCÊTRES CULTE DES

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    • 3 198 mots
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    C'est Herbert Spencer (1820-1903) qui, le premier parmi les modernes, a fortement souligné l'importance des ancêtres dans l'histoire des religions. En effet, pour le philosophe anglais, le culte des ancêtres serait à l'origine même de la religion. Le « sauvage » considère comme surnaturel ou divin...
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