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RECHERCHE PHILOSOPHIQUE SUR L'ORIGINE DE NOS IDÉES DU SUBLIME ET DU BEAU, Edmund Burke Fiche de lecture

La Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beaud'Edmund Burke (1729-1797), a été publiée en 1757 et remaniée en 1759. Dès sa parution l'ouvrage a eu un grand retentissement ; il fut souvent réédité et traduit en plusieurs langues : en français (1765), en allemand (1773) et en italien (1804). Burke se livre dans la Recherche philosophique à l'examen de la genèse des passions suscitées par le beau et le sublime. Ce dernier concept, passé dans la poétique française grâce à Boileau (Traité du sublime, 1674), est emprunté au Peri hupsous du Pseudo-Longin (Ier siècle apr. J.-C.) Mais avec Burke, le sublime sort de la sphère de la rhétorique pour qualifier la nature et l'art en prenant une coloration psycho-physiologique. La Recherche est donc inséparable de la naissance de l'esthétique et d'une réflexion sur le goût et son universalité évoquée dans l'introduction de l'ouvrage, « Du goût ». Déjà inquiétée par le rôle du sentiment dans la constitution du plaisir esthétique, la possibilité d'une règle du goût achève d'être minée par la notion de sublime, qui dépasse la normativité et le raffinement du jugement attaché à l'idée du beau.

L'opposition du beau et du sublime

L'ouvrage se compose de cinq parties consacrées respectivement à l'examen du plaisir esthétique (I), à « la passion causée par le sublime » (II), à la beauté (III) ; dans la quatrième partie, Burke revient sur « la cause efficiente du sublime et du beau » ; enfin, dans la cinquième partie, il s'intéresse au pouvoir des mots.

Burke entend procéder de manière empirique en observant la naissance des premières émotions. Pour qualifier la façon dont les choses nous affectent, il distingue d'abord le « plaisir positif » suscité par le beau du « délice » (delight) suscité par le sublime. « Plaisir négatif », le délice naît de l'éloignement ou de l'atténuation d'une douleur dont il conserve l'empreinte. Évoquant une « terreur délicieuse » (delightful horror), qui peut confiner à l'« étonnement » en passant par l'admiration ou le respect, Burke indique que le sublime est lié à la conservation de soi (plaisir mêlé de crainte d'avoir échappé à un danger) alors que le beau repose sur l'amour qui, pour lui, relève des liens sociaux et de la perpétuation de l'espèce. Cette dualité fondamentale de nos sentiments esthétiques trace une ligne de partage fragile entre l'état d'apaisement produit par la beauté et la violence du ravissement provoqué par le sublime.

Une partie de la Recherche est ainsi consacrée à ce qui fait naître le sentiment du beau. Loin d'y reprendre l'exposé du beau idéal (proportion, convenance, lien avec le vrai et le bien), Burke y propose une esthétique inattendue de la douceur, de la délicatesse, du lisse et du moelleux (smoothness). Le beau y prend la forme d'une variation progressive et continue, empruntée à la « ligne de beauté » de Hogarth, qui imprime à l'œil un mouvement sans heurt. Celui-ci s'apparente à un toucher à distance qui rappelle Condillac et semble anticiper la vision tactile revendiquée par Aloïs Riegl et Bernard Berenson. Par ailleurs, l'appui réciproque des sens dans la contemplation n'est pas sans préfigurer l'idée de synesthésie, explorée par les romantiques avant d'être conceptualisée à la fin du xixe siècle.

Concernant le sentiment du sublime, Burke développe, dans la continuité de l'intérêt que porte le xviiie siècle aux grands spectacles de la nature, une esthétique de la soudaineté, de la rudesse, de l'obscurité et de la grandeur. Après Shaftesbury, Addison et Baillie, il évoque le « sublime naturel » des lieux sauvages et déserts qui conduira à la multiplication des[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en histoire de l'art contemporain, université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Julie RAMOS. RECHERCHE PHILOSOPHIQUE SUR L'ORIGINE DE NOS IDÉES DU SUBLIME ET DU BEAU, Edmund Burke - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • SUBLIME, littérature

    • Écrit par François TRÉMOLIÈRES
    • 1 344 mots
    ...perception de ses rapports avec le tout de l'œuvre : conception organique du beau dont le sublime apparaît ici comme la pointe. Mais, à partir surtout de la Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau (1757-1759) d'Edmund Burke, les deux termes auront tendance à nettement...

Voir aussi