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PREUVE, épistémologie

Une proposition est dite prouvée si, ayant été établie par une méthode reconnue, elle fait l'objet d'une croyance. Cette formulation permet de distinguer quatre versants dans la théorie de la preuve : 1o un élément sémantico-formel, la proposition qu'il s'agit de prouver ; 2o un dispositif objectif de mise à l'épreuve de la proposition ; 3o la croyance subjective du destinataire de la preuve à l'effectivité de celle-ci ; 4o la reconnaissance intersubjective du bien-fondé des procédures de la preuve. On considérera ici le premier versant, qui pose une question préjudicielle en ce qui concerne les sciences empiriques (sur la preuve logique, cf. théorie de la démonstration), et le deuxième, qui reste l'aspect épistémologiquement décisif. Il y a pourtant une interdépendance entre le subjectif et l'objectif. La croyance en la vérité d'une proposition est supposée dériver des procédures objectives (toute preuve vise à provoquer un assentiment) et la confiance faite à ces procédures représente elle-même une autre croyance.

On examinera ces questions en rapport avec la théorie de la vérité d' Alfred Tarski, telle que Karl Popper l'a interprétée, et avec les critères néo-positivistes de la preuve. Héritant de plusieurs traditions et courants, le néo-positivisme a pour ainsi dire défini les exigences canoniques en matière de preuve, y compris dans leurs difficultés et leurs apories : la critique ultérieure a retenu, pour l'essentiel, les critères positivistes, en se limitant à ajouter que, ces derniers se révélant inaccessibles, il ne saurait y avoir de preuve ou que toute preuve serait foncièrement indéterminable. Mais il est tout au moins problématique de vouloir se dispenser des concepts de fait, de contrôle empirique ou de vérité.

La proposition et le fait

Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

Karl Popper

Le problème, énoncé déjà par les sceptiques au sujet de la représentation, est celui de la confrontation de deux domaines apparemment sans commune mesure. Popper le pose en ces termes : « Que pouvons-nous signifier si nous disons d'une assertion qu'elle correspond aux faits (ou à la réalité) ? Quand nous nous rendons compte que cette correspondance ne saurait reposer sur une correspondance structurelle, la tâche d'élucider une telle correspondance paraît sans espoir... » (The Logic of Scientific Discovery, 1972, p. 274). Mais il ajoute immédiatement qu'en recourant à un métalangage sémantique Tarski aurait résolu le problème et défini le principe d'une théorie de la correspondance.

Le « concept de vérité » selon Tarski déplace, en effet, le problème de la correspondance dans le sens de la relation d'un langage-objet L avec un métalangage M. « Est vrai » (formule qui est synonyme de « s'accorde avec les faits ») sera un prédicat métalinguistique, prédicable des propositions de L. Il pose que, dans une certaine proposition de L, une certaine relation ou un certain prédicat se trouvent « satisfaits », au sens où des objets remplissent des fonctions propositionnelles. On dira en conséquence qu'une proposition est vraie si elle est satisfaite par tous les objets et fausse dans le cas contraire. Ainsi, si on prend le français comme M et l'anglais comme L (dans la situation la plus courante, L sera une partie de M, ce qui ne fait pas problème s'ils ne sont pas confondus, c'est-à-dire si les propositions de L sont des citations en M), la condition de vérité de la proposition the book is on the table s'énoncera « la proposition the book is on the table s'accorde avec les faits si et seulement si le livre est sur la table ». C'est en cela que consiste la « convention T » : en remplaçant une proposition quelconque de L par la lettre p, et en donnant à p le nom X (en M), « X est vraie » et « p » sont équivalents.[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales

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Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

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