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POSSESSION

Les sociétés traditionnelles

« Mediumship », transe, shamanisme et possession

Face à la complexité du phénomène de la possession dans les sociétés traditionnelles, quelques définitions paraissent préalablement nécessaires. Ainsi, la possession par un «  esprit » doit être distinguée de la médiation d'un esprit (spirit mediumship). Dans les deux cas, les membres du groupe considèrent qu'une entité extra-humaine a pénétré ou affecté de quelque manière le corps de l'individu « pris » (la métaphore du « chevauchement » par l'esprit est très fréquente, aussi bien en Afrique que dans les sociétés sibériennes où l'on rencontre des phénomènes de shamanisme). Mais, dans le premier cas de possession, la conduite du possédé, pure manifestation corporelle de l'esprit, ne constitue pas nécessairement un message destiné à d'autres que lui, alors que l'individu médiateur des entités spirituelles aura à communiquer les informations qu'il reçoit. Son comportement est par là même nettement plus contrôlé et, dans ce deuxième type de rapports, certaines formes de divination sont souvent associées. C'est ainsi qu'aux yeux de nombreuses sociétés une personne qui n'est que « possédée » est un simple malade justiciable, comme tel, d'un traitement particulier, tandis qu'un médium est un individu sain occupant un rôle social parfois important (ces deux formes de possession sont souvent confondues et peuvent coexister au sein d'une même société).

Il faut, par ailleurs, distinguer transe et possession. Le premier terme met l'accent sur la « dissociation » de la personnalité, qui s'accompagne de manifestations (telles que l'hypnose et les automatismes) éventuellement favorisées par diverses techniques (musique, jeûne, substances psychotropes, etc.). En tant qu'état culturellement codé, la transe n'est pas nécessairement interprétée en association avec la possession. Ainsi, chez les Samburu du Kenya, les guerriers célibataires tombent électivement en transe dans les situations de tension, sans que le phénomène puisse être expliqué localement par la manifestation d'entités mystiques. Inversement, la possession par un esprit n'entraîne pas forcément de transe : la maladie, par exemple, est fréquemment perçue comme un signe de possession, la transe pouvant survenir seulement au cours du traitement consécutif à ce diagnostic, notamment lors de cérémonies d'exorcisme. La possession déborde donc les phénomènes extatiques. Elle a le sens d'une « évaluation culturelle » par les membres du groupe de la condition du possédé, en tant qu'individu envahi par un ou des agents extra-humains.

Le terme de shamanisme enfin, emprunté aux Toungouses arctiques, doit être réservé aux sociétés sibériennes et arctiques. D'après Mircea Eliade, le shaman est un individu inspiré, en état de transe, dont une « âme » voyage dans l'univers non humain (parfois pour lutter avec les esprits), plutôt qu'un individu « possédé » auquel des agents mystiques se seraient incorporés. Luc de Heusch va jusqu'à envisager la possession et le shamanisme comme deux processus antithétiques : dans le premier cas, les entités mystiques « descendent » en l'homme, tandis que, dans le second, c'est l'homme qui quitte son enveloppe corporelle, en un mouvement ascendant vers elles. Mais la distinction ne peut être aussi tranchée car, au sein des sociétés arctiques, les deux phénomènes se rencontrent simultanément dans la personne même du shaman, « réceptacle », autant que maître, des esprits.

Cultes institutionnalisés

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

La possession est souvent intégrée dans un cadre institutionnel fixe, et les individus « affligés », considérés comme possédés, sont initiés à des cultes de possession qui fonctionnent[...]

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Pour citer cet article

Michel de CERTEAU, André PAUL et Nicole SINDZINGRE. POSSESSION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Michel Leiris - crédits : M. Kalter/ AKG-images

Michel Leiris

Autres références

  • AFRIQUE NOIRE (Culture et société) - Religions

    • Écrit par Marc PIAULT
    • 9 619 mots
    • 1 média
    Il arrive souvent que s'établisse une communication directe entre les hommes et les dieux parle processus de la possession dont les formes varient de la transe simple à la possession épiphanique au cours de laquelle le dieu présent délivre un message et permet un dialogue effectif avec les hommes....
  • AMÉRIQUE LATINE - Les religions afro-américaines

    • Écrit par Roger BASTIDE
    • 3 175 mots
    • 1 média
    ...marchés ; Damballah Oueddo, le serpent arc-en-ciel ; Agoue, dieu de la mer...), auxquelles s'ajoutent quelques divinités yoruba (Ogun, Ossang) ; et ce culte, dans lequel on entre par initiation, est aussi un culte de possession, chaque Vodun descendant, au cours des danses qui se célèbrent dans...
  • BANTOU

    • Écrit par Luc de HEUSCH
    • 8 112 mots
    • 4 médias
    Le phénomène du médiumnisme, tel qu'il apparaît chez les Kuba ou les Luba,s'apparente autant à la possession qu'au chamanisme, dans la mesure où le médium se trouve en présence d'un esprit qui lui transmet un message. La possession, en revanche, implique la confusion des deux partenaires...
  • CANDOMBLÉ

    • Écrit par Jean-Marie REMY
    • 1 776 mots
    • 1 média
    ...qui n'est pas immuable, mais qui toujours commence par Exú et Ogun et finit par Oxalá. Le « saint » se manifeste dans la transe, par laquelle il prend possession de sa « monture » ; c'est un des moments de la construction de l'identité de l'adepte en tant qu'individu et support de la divinité. Selon...
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Voir aussi