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POMPIER, art

L'avenir d'un concept

Cependant, l'histoire de l'art proprement dite n'a pas encore tiré toutes les leçons de cette évolution qui s'est en grande partie déroulée en dehors d'elle. Des thèses importantes sur la peinture française (Pierre Vaisse, sur les rapports des pouvoirs publics et de la peinture de 1870 à 1914, etc.) ou étrangère sont appelées à modifier encore nos perspectives. Mais dès maintenant il apparaît possible de fixer plusieurs points.

Dans le temps où des peintres se consacraient essentiellement au paysage ou au motif et y découvraient une poésie et des moyens plastiques nouveaux, d'autres continuèrent à pratiquer la grande peinture d'histoire : sujets mythologiques, romanesques, poétiques, historiques, politiques, sociaux, grandes décorations ; il est impossible de réserver le génie aux premiers seuls, de dénier tout mérite aux seconds.

Leur recherche a du même coup moins porté sur la transformation du langage que sur l'élaboration du contenu ; ils se trouvent ainsi plus directement liés aux courants littéraires (naturalisme, symbolisme, littérature engagée politiquement et religieusement, passion de l'histoire, etc.).

Il est impossible de les étudier en les séparant de l'histoire des genres, qui seule permet de prendre conscience des problèmes posés : Baudry au foyer de l'Opéra ne peut se comprendre que dans la longue suite des décors de galeries.

Il est absurde de considérer la France seule et d'établir des hiérarchies proprement nationales. C'est évidemment sur le plan international que les enquêtes doivent être menées. Ou le terme « pompier » disparaîtra, ou il s'étendra aux phénomènes analogues dans les divers pays occidentaux.

Une confusion a été établie, souvent de façon plus ou moins volontaire, entre les peintres du même temps, si différent que fût leur niveau artistique. Elle rend irritants des ouvrages comme le Was sie liebten de Paul Vogt (Cologne, 1969) ou l'ambitieux et très décevant Peinture kitsch, ou Réalisme bourgeois. L'art pompier dans le monde d'Aleksa Celebonovic (1974). Il va de soi que dans toute époque et tout courant le génie côtoie le talent et la pure médiocrité : il ne saurait être question de réhabiliter tous les pompiers ni de traiter en génie ceux qui n'avaient que du talent. La tâche des années qui viennent sera d'établir une hiérarchie sévère fondée sur un inventaire scientifique, et non sur les hasards et les intérêts du commerce.

On ne saurait séparer la peinture des autres arts : notamment la gravure qui a été touchée par le discrédit des pompiers (Besnard...), et surtout la sculpture. La réhabilitation de celle-ci est commencée. La gloire brusquement retrouvée par le quadrige de Recipon au Grand Palais, l'importance donnée dans la présentation d'Orsay à une statuaire naguère méprisée et volontiers détruite montrent que l'opinion est plus facile à modifier dans ce domaine.

Le terme même de « pompier » sera-t-il appelé à conserver le sens actuel ? On peut croire que certains auteurs seront tentés de retenir comme instrument d'analyse le couple « avant-garde/pompiers », même en lui enlevant son aspect polémique, et d'y voir une constante de la création (dans le sens où Eugenio d'Ors proposait d'étudier « classique » et « baroque » à tous les grands moments de l'art). Il est plus probable que la majorité des érudits et des critiques s'efforceront de réserver au terme « pompier » une acception historique. Ils finiront alors par désigner ainsi la période 1848-1914 en englobant sous le mot, dès lors dépourvu de tout sens péjoratif, la production entière de ce temps – y compris, par un retour des choses ironique, cette avant-garde qui lui est en fait si étroitement liée. On parlerait alors d'une époque pompier au même titre que d'une époque baroque ou néo-classique, époque[...]

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Pour citer cet article

Jacques THUILLIER. POMPIER, art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

La Bataille de Grünwald, J. Matejko - crédits : Erich Lessing/ AKG-images

La Bataille de Grünwald, J. Matejko

<it>Autoportrait</it>, A. Feuerbach - crédits :  Bridgeman Images

Autoportrait, A. Feuerbach

<it>Un pénitent honorable</it>, A. Legros - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Un pénitent honorable, A. Legros

Autres références

  • BAUDRY PAUL (1828-1886)

    • Écrit par Bruno FOUCART
    • 547 mots
    • 1 média

    Dans le kaléidoscope de la peinture du xixe siècle, Paul Baudry représente une des tendances qui a le moins bien survécu : celle d'une peinture décorative fortement inspirée des exemples vénitiens et romains, reprenant les registres d'une mythologie aimable ou de l'allégorie la plus traditionnelle,...

  • GÉRÔME JEAN LÉON (1824-1904)

    • Écrit par Bruno FOUCART
    • 469 mots
    • 3 médias

    Les honneurs dont a été couvert Gérôme, sa célébrité contrastent avec la défaveur qui suivit bientôt une carrière tard prolongée. Son hostilité à l'impressionnisme (il proteste en vain, en 1884, contre l'exposition Manet à l'École des beaux-arts où il professe, mène campagne...

  • ORSAY MUSÉE D', Paris

    • Écrit par Stéphane GUÉGAN
    • 1 223 mots
    • 1 média
    ... siècle. Pour la première fois dans l’histoire des musées français, l’art dit académique retrouve droit de cité, au terme d’une longue proscription. Les peintres « pompiers » (Jean Léon Gérôme, William Bouguereau, Alexandre Cabanel), dont les écrits d’André Malraux et de Gaëtan Picon avaient en quelque...

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