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TEILHARD DE CHARDIN PIERRE (1881-1955)

Teilhard est fondamentalement un mystique, plus exactement un « cosmo-mystique ». Il considère que la matière contient une puissance spirituelle, et, par une ascèse très dure, il est parvenu à déchiffrer en filigrane, à travers le cosmos, la figure divine du Christ. Cette ascèse n'est plus une simple ascèse de détachement, c'est une ascèse de détachement par traversée, par l'action mortifiante. C'est dire que la vie de Teilhard a été, bien plus que celle de Rimbaud, une aventure spirituelle d'une rare qualité. Il fut, très tôt (1911), conquis par l'évolutionnisme et, partant, sa vision, au lieu d'être une vision en cosmos, c'est-à-dire statique ou cyclique, se mua en une vision en cosmogenèse, c'est-à-dire d'un univers évolutif et convergent, où Dieu se révèle d'abord comme l'avenir absolu, à travers un seuil d'extase. Orientée vers le futur, sa Weltanschauung est donc foncièrement eschatologique, pour ne pas dire prophétique (annonce d'un ultra-humain, c'est-à-dire d'un dépassement de la collectivité par elle-même, perspective d'un point Oméga, à savoir d'un point de convergence de l'humanité, annonciateur de la parousie, ou retour du Christ en gloire). On peut voir en Teilhard le Malebranche de l'évolutionnisme, mais sa parenté avec Leibniz est sensible, ses racines scolastiques demeurent évidentes et, par-delà celles-ci, l'influence de saint Paul et des Pères grecs, surtout saint Irénée, l'est également.

La pensée teilhardienne

Pierre Teilhard de Chardin, né à Sarcenat (commune d'Orcines, dans le Puy-de-Dôme), novice de la Compagnie de Jésus en 1899 et ordonné prêtre en 1911, entre l'année suivante au laboratoire de Marcellin Boulle au Muséum d'histoire naturelle. Mobilisé pendant la guerre de 1914-1918 comme brancardier, il prépare ensuite licence et doctorat de sciences naturelles et enseigne la paléontologie et la géologie à l'Institut catholique de Paris. Il part pour la Chine en 1923, chargé d'une mission scientifique, et ne se « fixe » en France qu'en 1946 pour se rendre en 1951 aux États-Unis où il reste jusqu'à sa mort, à New York. Connu pour sa compétence de paléontologiste et chargé de postes importants dans les organismes scientifiques internationaux, il dut néanmoins, par ordre de la hiérarchie catholique, refuser une chaire au Collège de France et n'obtint l'autorisation de publier que des articles scientifiques ou quelques textes de portée générale. Mais la parution posthume de son Phénomène humain lui conféra une immense célébrité.

Teilhard de Chardin, qui se qualifiait de free-lance thinker, est, en fait, inclassable. Il n'a pas négligé la gnoséologie kantienne ; il est philosophe de l'action autant que Marx et Blondel ; il est philosophe de la durée autant que Bergson, mais celle-ci est, pour Teilhard, mûrisseuse et avant tout convergente ; il a transposé le surhumain individuel de Nietzsche ; il a élaboré un personnalisme bien à lui ; il a su allier l'existentiel et le dialectique (une dialectique oscillante fort souple, allant du plus connu au moins connu, avec un retour vers le plus connu, et ainsi de suite) ; il a su enfin unir structure et genèse. Bousculant les barrières interdisciplinaires, il a nourri le génie de la synthèse. Sa pensée, victoire sur l'angoisse, est fortement articulée ; et, par échelons, elle va de la science positive – géologie et paléontologie des Mammifères – à la voie unitive de la mystique, en passant par des conceptions de la biologie évolutive, une logique, une phénoménologie, une dialectique (au sens étroit : passage au point Oméga), une métaphysique de l'union et une théologie qui projette la théologie classique sur le « film » de l'évolution, c'est-à-dire la « dynamise ».[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, docteur ès lettres, conseiller pédagogique à la Bibliothèque centrale de l'enseignement public

Classification

Pour citer cet article

Claude CUÉNOT. TEILHARD DE CHARDIN PIERRE (1881-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CRESPY GEORGES (1920-1976)

    • Écrit par André DUMAS
    • 1 092 mots

    Méridional, malin certes, mais avec cette réserve enjouée, souvent plus attentive que bavarde, qui fait du Languedocien un homme chaleureux et toutefois difficile à circonscrire, le pasteur Georges Crespy a vécu toute sa vie à Montpellier. Extrêmement doué pour la parole, il a consacré une portion considérable...

  • HOMME - L'hominisation

    • Écrit par Jean PIVETEAU
    • 1 671 mots

    Le mot « hominisation » et la notion qu'il recouvre se trouvent, pour la première fois, dans l'ouvrage d' Édouard Le Roy, Les Origines humaines et l'évolution de l'intelligence, reproduction d'un cours professé au Collège de France en 1927 et 1928. Mais mot et notion...

  • MORT - Les interrogations philosophiques

    • Écrit par René HABACHI
    • 7 550 mots
    L'œuvre moderne de Teilhard de Chardin se situe, en ce point précis, sur le prolongement de l'itinéraire de Bergson. Le « pas de la conscience » traversé par l'évolution grâce à une « complexification » croissante s'épanouit en « phénomène humain ». Chaque fois que l'évolution atteint ce seuil de conscience,...
  • PRÉDESTINATION

    • Écrit par André DUMAS
    • 2 869 mots
    ...cependant de son acuité par suite de l'insistance mise, comme chez Barth, sur les dimensions collectives et universelles du salut. La christologie de Teilhard de Chardin, par exemple, s'intéresse moins à l'élection qui précède l'agir humain, jugée trop créationniste et fixiste, qu'à la récapitulation...

Voir aussi