Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

TEILHARD DE CHARDIN PIERRE (1881-1955)

L'apport scientifique

Comme savant, Teilhard de Chardin a laissé une œuvre qui peut schématiquement s'ordonner autour de trois domaines : la géologie générale, la paléontologie des Mammifères, la paléontologie et la préhistoire humaines. Après avoir présenté une brillante explication de la tectonique de Jersey, il se fixa, une fois en Chine (1923), un vaste programme. Il entreprit une coupe géologique ouest-est, allant de l'extrémité du Shandong aux confins du Pamir, et une autre section nord-sud, presque aussi complète, descendant de la Mandchourie (Kharbin ou Ha'erbin) jusqu'à la bordure de l'Indochine. L'exploration du Kashmir et celle des plateaux Shan (Birmanie) visaient, entre autres objectifs, à trouver un pendant au Xinjiang ou un correspondant à la Chine du Sud. Les mémoires de Teilhard se classent donc approximativement en trois catégories : études du socle granitique et des phénomènes de granitisation ; étude des extrusions volcaniques ; études des dépôts sédimentaires, apportant un nombre notable de faits nouveaux à la connaissance des géologues (Oligocène d'Ordos, bassins éocènes effondrés de Qinlingshan, etc.).

La brillante thèse de Teilhard sur Les Mammifères de l'Éocène inférieur français et leurs gisements (1922) s'appuyait sur une analyse très poussée de la denture. Elle établissait, en outre, des affinités entre les faunes d'Amérique du Nord et celles d'Europe. Après l'arrivée du chercheur en Chine, presque tous ses travaux paléontologiques furent consacrés à reconstituer peu à peu l'histoire postpontienne des Mammifères en Chine du Nord : faune du Pliocène moyen (bassin de Yushe, au Shanxi), faune villafranchienne (couches de Nihewan, Hubei) ; faune du Pléistocène inférieur (fissure de Choukoutien ou Zhoukoudian) ; faune du Pléistocène supérieur (couches du Sjara-osso-gol, petit affluent du fleuve Jaune).

Quant à la préhistoire et à la paléontologie humaine, la première chance de Teilhard fut, en 1923, de pouvoir établir, avec le père Licent, l'existence d'un homme paléolithique en Chine du Nord. En deux endroits des Ordos, les deux savants découvrirent les traces certaines (foyers et outils du style moustérien ou aurignacien) de l'homme paléolithique, le 23 juillet 1923, au Shuidonggou et en août, sur les bords du Sjara-osso-gol. Pour la première fois, l'existence de l'homme paléolithique avait été signalée au sud de l'Iénisseï. La deuxième chance de Teilhard, et la plus décisive, fut certainement de pouvoir, pendant près de dix ans, collaborer de tout près aux grandes fouilles de Choukoutien (non loin de Pékin). Dans cette œuvre collective, menée par les soins conjugués de la fondation Rockefeller et du Service géologique de Chine, sa fonction fut surtout de diriger l'étude stratigraphique, paléontologique et archéologique du gisement. Il en précisa la position géologique et en étudia la faune, datant d'environ 500 000 ans et antérieure aux limons rubéfiés.

C'est autour et à partir des questions posées par l'homme fossile de Choukoutien, le sinanthrope, un pithécanthropien (Homo erectus pekinensis), que les recherches de Teilhard se développèrent à partir de 1933. Éclairé par une première intuition de son ami, le préhistorien Henri Breuil qui étudiait une corne brûlée et travaillée de Choukoutien, c'est Teilhard qui découvrit l'existence d'un outillage lithique et de couches culturelles (avec lits de cendres) au niveau du sinanthrope. Celui-ci était donc faber, découverte fondamentale.

En ce qui concerne l'Afrique australe, qui présente des conditions analogues à celles de Choukoutien (géologie des fissures), l'apport de Teilhard (séjours en 1951 et 1953) est moins important, mais il contribua à débrouiller la généalogie des australopithécinés (écaille[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, docteur ès lettres, conseiller pédagogique à la Bibliothèque centrale de l'enseignement public

Classification

Pour citer cet article

Claude CUÉNOT. TEILHARD DE CHARDIN PIERRE (1881-1955) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CRESPY GEORGES (1920-1976)

    • Écrit par André DUMAS
    • 1 092 mots

    Méridional, malin certes, mais avec cette réserve enjouée, souvent plus attentive que bavarde, qui fait du Languedocien un homme chaleureux et toutefois difficile à circonscrire, le pasteur Georges Crespy a vécu toute sa vie à Montpellier. Extrêmement doué pour la parole, il a consacré une portion considérable...

  • HOMME - L'hominisation

    • Écrit par Jean PIVETEAU
    • 1 671 mots

    Le mot « hominisation » et la notion qu'il recouvre se trouvent, pour la première fois, dans l'ouvrage d' Édouard Le Roy, Les Origines humaines et l'évolution de l'intelligence, reproduction d'un cours professé au Collège de France en 1927 et 1928. Mais mot et notion...

  • MORT - Les interrogations philosophiques

    • Écrit par René HABACHI
    • 7 550 mots
    L'œuvre moderne de Teilhard de Chardin se situe, en ce point précis, sur le prolongement de l'itinéraire de Bergson. Le « pas de la conscience » traversé par l'évolution grâce à une « complexification » croissante s'épanouit en « phénomène humain ». Chaque fois que l'évolution atteint ce seuil de conscience,...
  • PRÉDESTINATION

    • Écrit par André DUMAS
    • 2 869 mots
    ...cependant de son acuité par suite de l'insistance mise, comme chez Barth, sur les dimensions collectives et universelles du salut. La christologie de Teilhard de Chardin, par exemple, s'intéresse moins à l'élection qui précède l'agir humain, jugée trop créationniste et fixiste, qu'à la récapitulation...

Voir aussi