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MARIETTE PIERRE JEAN (1694-1774)

Éditeur et collectionneur français. À l'enseigne des Colonnes d'Hercule (rue Saint-Jacques), P. J. Mariette a perpétué la tradition familiale de plusieurs générations d'éditeurs et de marchands-graveurs parisiens, avant d'être reconnu comme un exceptionnel amateur, dans un siècle qui consacre la passion de collectionner et l'érudition éclairée. Spécialiste de la gravure, il est appelé à Vienne (1717) pour y classer l'énorme collection d'estampes du prince Eugène, manifestant son don de l'ordre et de l'inventaire, un des fondements de sa démarche. Fréquentant le cercle de Crozat, il est lié avec de nombreux artistes et amateurs (dont il a connu certains en Italie) : la portraitiste Rosalba Carriera, l'architecte-théoricien Temanza, le dessinateur-érudit Cochin. Il publie des textes sur Léonard de Vinci, sur les pierres gravées (1732 et 1750), domaine difficile nécessitant un esprit d'analogie et des connaissances iconographiques, puis sur la statue équestre de Louis XV par Bouchardon, artiste qu'il admire. Accumulant renseignements et observations, cet « œil » est doué d'une vraie mémoire des manières des différents artistes. D'un ton juste et concis, bien que non dépourvu d'une certaine sensibilité, Mariette identifie les personnalités, se servant d'un sens aigu de l'analyse, s'appuyant sur sa science de l'image acquise au contact des estampes. Désigné par Crozat pour faire l'inventaire de ses dessins après sa mort, il établit en 1741 un catalogue exemplaire pour l'époque, exprimant combien le sérieux de la classification est une démarche essentielle au connaisseur — et plus encore au collectionneur — de dessins. Par ses nombreuses notes manuscrites écrites tout au long de sa vie, Mariette construit une véritable encyclopédie des artistes anciens et modernes, conçue dans un premier temps comme un supplément à l'Abecedario Pittorico d'Orlandi, et qui ne fut publiée qu'au xixe siècle (1851-1860) par P. de Chennevières et A. de Montaiglon, deux historiens de l'art français. Outre sa profonde connaissance de l'école italienne, il manifeste un certain retour aux valeurs classiques, réagissant contre le rocaille dont il a pourtant connu, lui, grand admirateur de Watteau, les débuts.

À partir de 1750, il consacre tout son temps — et ses moyens — à bâtir ce qui constitue vraiment son œuvre : sa collection, correspondant avec des amateurs et des artistes de l'Europe entière, fréquentant les ateliers (de Bouchardon, de Boucher et de C. Van Loo), préfigurant par son exigence de rigueur ce qui deviendra, au xixe siècle, une discipline : l'histoire de l'art. S'il possédait des peintures (de Poussin ou de Watteau, par exemple) et des bronzes, c'est le dessin qui recueillait sa passion. Mariette est connu comme l'un de ceux qui ont aidé à affirmer le goût du dessin, à établir les modes de classement et de conservation de ces précieux et fragiles témoins d'un moment irremplaçable de la création : « Un seul trait de plume ou de charbon fait reconnaître la chose que l'on veut rendre », écrit-il. L'étude du dessin devient donc le passage obligé de tout travail érudit sur l'art plastique. Et, plus que par la quantité des feuilles rassemblées, c'est par la qualité de la sélection, et la capacité à exprimer telle manière d'un artiste, ou telle tendance d'une école, que l'acte de collectionner devient art véritable, si l'on sait « bien choisir ». Outre les œuvres de ses contemporains — ou de ceux qu'il a admirés, comme Watteau — il réunit de belles compositions de Raphaël, Michel-Ange, Véronèse, Carrache, Pierre de Cortone et Guerchin, des études de Poussin et Le Brun, des œuvres de Dürer, Berghem, Rembrandt, Rubens[...]

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Écrit par

  • : historien de l'art, chargé de mission à la Caisse nationale des monuments historiques et des sites

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre MOUILLESEAUX. MARIETTE PIERRE JEAN (1694-1774) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • RECUEIL CROZAT, Pierre Jean Mariette - Fiche de lecture

    • Écrit par Chiara GAUNA
    • 1 039 mots

    En 1729, le premier volume d'un livre d'un genre absolument nouveau paraît à Paris : il est aujourd'hui connu comme le Recueil Crozat. En 1721, le Régent, Philippe II d'Orléans, avait proposé à son ami, le collectionneur et mécène Pierre Crozat, l'idée d'un recueil d'estampes...

  • CHARDIN JEAN-BAPTISTE SIMÉON (1699-1779)

    • Écrit par Philippe LEVANTAL
    • 2 786 mots
    • 5 médias
    Mariette lui-même, grand amateur de dessin, a peine à comprendre que Chardin dessine peu et il tient pour un défaut d'imagination que « monsieur Chardin [soit] obligé d'avoir continuellement sous les yeux l'objet qu'il se propose d'imiter... » Car, pour les hommes du temps, voir et imiter, c'est tout...
  • CONNAISSEURS

    • Écrit par Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE
    • 2 037 mots
    • 1 média
    C'est là que s'affirme la personnalité de celui qui fut sans doute le type le plus accompli du connaisseur, Pierre-Jean Mariette. Dans ses lettres, dans son Abecedario, il évoque ses relations suivies avec le comte de Caylus, archéologue, graveur, expert en antiques, avec Jean de Julienne, le graveur...
  • DESSIN

    • Écrit par Robert FOHR, Geneviève MONNIER
    • 6 890 mots
    • 1 média
    ...le cartouche revêtu de l'attribution et parfois de la provenance, les dessins ayant appartenu au célèbre collectionneur et marchand d'estampes parisien Pierre-Jean Mariette (1694-1774) sont ainsi relativement faciles à identifier. Toutefois, les pièces de grand format qui étaient alors chez Mariette, non...
  • ORNEMANISTES

    • Écrit par Marianne ROLAND MICHEL
    • 2 572 mots
    ...interpréter librement le dessin original, modifiant ses proportions, choisissant son matériau comme son champ d'application. L'Architecture française de Mariette contient des « nouveaux desseins de plafonds inventés par Pineau et qui peuvent s'exécuter en sculpture et en peinture » : le choix proposé dépend...

Voir aussi