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CONNAISSEURS

Un jugement sûr, fait pour une part d'intuition mais étayé par une culture artistique, un « œil » clairvoyant par nature, mais affiné par le contact quasi permanent avec les œuvres d'art, tels sont les armes, les traits distinctifs du connaisseur. Pour s'exercer et s'épanouir, sa faculté d'appréciation suppose une orientation délibérée vers tout ce qui touche aux arts, une ouverture spontanée à ce qui peut, en ce domaine, enrichir la connaissance, une attention constante et désintéressée aux œuvres d'art quelles qu'elles soient. Hors de la période ou du genre auquel il s'attache plus spécialement, le connaisseur doit garder son aptitude à réagir, à enregistrer, à juger. Cette disposition d'esprit lui permettra de dégager des critères nouveaux, d'atteindre à une objectivité plus grande dans son propre domaine, d'acquérir une expérience visuelle plus riche et plus nuancée, évitant ainsi les exclusives du spécialiste, les préjugés, les engouements ou les obsessions du collectionneur. Cette largeur d'esprit nécessaire donne au connaisseur un certain détachement par rapport à la possession même de l'objet qui l'intéresse. L'essentiel pour lui est d'avoir pu le contempler. Il est impatient de voir le plus d'œuvres possible, de les comparer, de les « assimiler », non de s'en assurer l'exclusivité. De même, il communique volontiers ce qu'il sait, il aime à expliquer ce qu'il a compris ou découvert. Il trouve naturel d'être consulté, d'être appelé à formuler un jugement. Cette attitude détermine un style de vie qui ne peut s'établir hors d'un certain climat social et culturel dont les conditions sont rarement réunies. Aussi l'âge des connaisseurs a-t-il été bref. Une très rapide évocation des différents milieux artistiques où les connaisseurs ont pu jouer un rôle permet de mieux définir ce qu'ils ont été, à côté des érudits, des critiques et des spécialistes, des amateurs et des collectionneurs.

Mécènes et collectionneurs à la Renaissance

Maximilien II, empereur d'Allemagne (1527-1576) - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Maximilien II, empereur d'Allemagne (1527-1576)

Le terme de connaisseur appartient d'abord au vocabulaire de la vénerie. Il en est ainsi aux xve et xvie siècles (Ronsard). À cette époque, il existait probablement des connaisseurs en matière d'art. Mais il serait hasardeux d'épiloguer sur leur personnalité ou leur influence. On sait assez précisément ce que fut le mécénat des princes, celui du duc de Berry par exemple, ou de René d'Anjou, celui des Médicis, du roi de Hongrie Mathias Corvin ou de l'empereur Maximilien. Les uns et les autres passaient des commandes aux peintres et aux sculpteurs, envoyaient à travers l'Europe des mandataires chargés de recueillir pour eux des pièces rares et de les renseigner sur les artistes en renom. Ils étaient guidés dans leurs achats par des conseillers éminents, mais ceux-ci semblent avoir été des experts, des spécialistes, plus que des connaisseurs. Cosme de Médicis consultait Niccolo Niccoli, possesseur lui-même d'un cabinet d'antiques réputé, ou Vespasiano da Bisticci, fameux libraire, qui lui procurait des manuscrits et fournissait également le duc d'Urbino, Federico Montefeltro. L'un et l'autre faisaient autorité, le premier surtout comme collectionneur, le second comme expert. Tel était probablement le cas du Véronais Felice Feliciano, ami de Mantegna, savant épigraphiste, imprimeur et... alchimiste. Leurs rapports personnels avec les grands amateurs du temps sont trop peu connus pour qu'on puisse déterminer dans quelle mesure leurs activités étaient dictées par des préoccupations professionnelles, scientifiques ou artistiques. En outre, pendant la Renaissance, l'importance attachée par les humanistes à la valeur historique et documentaire d'un objet réduisait l'intérêt porté à sa qualité purement[...]

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Pour citer cet article

Marie-Geneviève de LA COSTE-MESSELIÈRE. CONNAISSEURS [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Maximilien II, empereur d'Allemagne (1527-1576) - crédits : G. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

Maximilien II, empereur d'Allemagne (1527-1576)

Autres références

  • ANGLAIS (ART ET CULTURE) - Peinture

    • Écrit par Jacques CARRÉ, Barthélémy JOBERT
    • 8 176 mots
    • 12 médias
    ...autorité seulement sur la possession de la terre et sur le pouvoir politique, mais aussi, de plus en plus, sur la maîtrise du goût et de la vie artistique. Le philosophe Shaftesbury explique que le vrai gentilhomme doit allier le culte du beau à l'amour de la vertu. L'âge d'or des « connaisseurs » commence...
  • ART (L'art et son objet) - L'attribution

    • Écrit par Enrico CASTELNUOVO
    • 6 559 mots
    • 1 média
    À quel moment l'attribution perd-elle son rôle d'auxiliaire pour devenir l'instrument par excellence de l'historien de l'art ? Au xviie siècle déjà, époque qui vit la fondation des grandes galeries princières, le problème du « connaisseur » est abordé en France par A. Félibien des Avaux (1619-1695)...
  • ART (L'art et son objet) - Le faux en art

    • Écrit par Germain BAZIN
    • 6 715 mots
    ... siècle, mais d'une façon moins aisée, car le commerce d'art s'organise, sort des officines des peintres, et l'on voit apparaître alors le connaisseur, dont le Français Mariette est le type le plus accompli en Europe. En outre, on attribue de plus en plus de valeur à la griffe originale des...
  • ART (Aspects culturels) - Public et art

    • Écrit par Nathalie HEINICH
    • 6 256 mots
    • 1 média
    ...esthétiques, de reconnaître des styles ou des écoles, d'identifier des signatures, par-delà l'intérêt premier pour le sujet. En France, ce fut dans le cadre d'un mouvement de « curiosité », propre aux fractions privilégiées de l'aristocratie et de la bourgeoisie, que, dans le courant du xviie siècle,...
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Voir aussi