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PELLÉAS ET MÉLISANDE (C. Debussy)

Un opéra de la rupture

Avec Pelléas et Mélisande, son seul ouvrage lyrique mené à terme, Debussy bouleverse le genre de l'opéra. Rompant avec le réalisme du xixe siècle, il s'identifie au symbolisme de la pièce de Maurice Maeterlinck : tout est suggestion, la musique devenant le complément du texte et non plus seulement un soutien de celui-ci. Le compositeur reprend certains procédés wagnériens, comme l'emploi de « leitmotivs » – mais de façon masquée – et la continuité du discours : d'un certain point de vue, Pelléas est une conversation en musique avec un sens de la déclamation mélodique qui doit beaucoup à Moussorgski. Et, si l'emploi de thèmes récurrents adaptés au contexte et aux changements de sentiment des personnages évoque Wagner, on ne saurait parler d'influence tant le langage et les conceptions dramatiques de Debussy regorgent de nouveautés. On a qualifié cet ouvrage d'impressionniste à cause de sa palette sonore, d'un raffinement à la limite de l'irréel : les contours s'estompent, les couleurs s'affirment, le développement classique des lignes mélodiques et la rhétorique disparaissent. Tous ces procédés, qui sont déjà à l'œuvre dans le Prélude à l'après-midi d'un faune (1894), s'affirmeront dans La Mer (1908) et dans les Préludes pour piano (1910-1913).

Déroutée par la nouveauté de l'ouvrage, la presse se déchaîne contre Debussy, provoquant l'une des plus fameuses cabales de l'histoire de la musique. Le climat était en fait déjà installé avant la création, à la suite de la rupture entre Maeterlinck et Debussy, le premier voulant confier le rôle de Mélisande à sa maîtresse, Georgette Leblanc, Debussy défendant Mary Garden, qui avait repris peu après sa création le rôle-titre de Louise de Gustave Charpentier. Mais, surtout, par son absence d'airs et d'ensembles, la continuité du discours, la précision de la prosodie et un langage harmonique inconnu jusqu'alors, Pelléas rompait avec les traditions établies de l'opéra.

Hors de France, Pelléas et Mélisande est donné à la Monnaie de Bruxelles le 9 janvier 1907, à Francfort-sur-le-Main le 19 avril 1907 (dans une version allemande d'Otto Neitzel), à New York (Manhattan Opera House) le 19 février 1908, à la Scala de Milan le 2 avril 1908 (dans une version italienne de Carlo Zangarini, sous la direction d'Arturo Toscanini), au Covent Garden de Londres le 21 mai 1909, au Metropolitan Opera de New York le 21 mars 1925. Pelléas est l'un des ouvrages lyriques français les plus souvent représentés dans le monde entier, malgré les problèmes que pose aux chanteurs la nécessité d'une parfaite maîtrise de la langue française.

Le duo Irène Joachim (Mélisande) - Jacques Jansen (Pelléas) a durablement marqué l'histoire de cet ouvrage, dont Roger Désormière dirige en 1941 un enregistrement qui demeure une référence, avec Joachim, Jansen, Henri Etcheverry (Golaud), Germaine Cernay (Geneviève), Paul Cabanel (Arkel), Leïla Ben Sedira (Yniold) et la chorale Yvonne Gouverné. Le 30 avril 1952, à l'occasion du cinquantenaire de la création, l'Opéra-Comique donnera Pelléas dans une mise en scène et une présentation conformes à celles d'Albert Carré (les décors de Jusseaume ayant été reconstitués), avec Joachim, Jansen, Etcheverry, Renée Gilly (Geneviève) et Charles Clavensy (Arkel), sous la direction d'Albert Wolff.

Pelléas est représenté pour la première fois sur la scène du Palais-Garnier le 18 mars 1977, dans une mise en scène controversée de Jorge Lavelli, avec Richard Stilwell (Pelléas), Frederica von Stade (Mélisande), Gabriel Bacquier (Golaud), Roger Soyer (Arkel) et Jocelyne Taillon (Geneviève), sous la direction de Lorin Maazel.

— Alain PÂRIS

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Écrit par

  • : chef d'orchestre, musicologue, producteur à Radio-France

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Pour citer cet article

Alain PÂRIS. PELLÉAS ET MÉLISANDE (C. Debussy) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Claude Debussy - crédits : Henri Manuel/ Hulton Archive/ Getty Images

Claude Debussy

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