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PEINTURE DE GENRE

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L'invention de la peinture de genre au XVIe siècle

L'intérêt de l'art occidental pour le naturalisme, qui va croissant au cours des xive et xve siècles, n'aboutit pas immédiatement à la naissance de la peinture de genre. Il faut attendre le début du xvie siècle pour que les sujets domestiques accèdent au statut de genre autonome, à la fois dans le sud et dans le nord de l'Europe, mais de façon inégale. Pendant cette phase de son histoire, la peinture de genre perpétue ses liens avec la tradition allégorique et moralisante dont elle est issue.

Quand Hieronymus Bosch peint des scènes de la vie quotidienne, il représente encore les Sept péchés capitaux, vers 1480 (Prado, Madrid) : la gloutonnerie montre des paysans s'empiffrant à table, la colère des hommes se battant à coups de couteau, l'orgueil une belle femme se regardant dans un miroir, l'avarice un juge corrompu etc. Les premières scènes de genre autonomes s'inscrivent dans cette tradition. Le Changeur et sa femme de Quentin Metsys, 1514 (Louvre, Paris), fait allusion au vice de l'avarice, et dans Le Couple mal assorti, vers 1520 (National Gallery, Washington), le même peintre dénonce la luxure en glissant vers la charge caricaturale. Vers le milieu du xvie siècle, les peintres anversois, tel Jan van Hemessen, développent des thèmes dont l'arrière-plan chrétien est encore très lisible, comme celui de la mauvaise compagnie, qui dérive de la parabole de l'Enfant prodigue. Pieter Aertsen et Joachim Beuckelaer donnent une vigueur inédite aux scènes paysannes, traditionnellement liées à la condamnation des vices, et se spécialisent dans les scènes de cuisine et de marché, associant figures et nature morte. Certains de ces tableaux présentent une scène évangélique à l'arrière-plan (Pieter Aertsen, Scène de marché avec le Christ et la femme adultère, vers 1562, Nationalmuseum, Stockholm), et ce renversement révolutionnaire de perspective est d'interprétation délicate. La scène religieuse peut être lue comme un simple prétexte à la scène domestique – ce qui explique la condamnation sans appel lancée contre ces peintures par le théologien catholique Molanus, auteur d'un Traité des saintes images (De picturis et imaginibus sacris, 1570) –, mais elle peut aussi illustrer les mises en garde du Christ contre les tentations terrestres.

<it>Intérieur de cuisine</it>, J. Beuckelaer - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Intérieur de cuisine, J. Beuckelaer

<it>Marché aux poissons</it>, J. Beuckelaer - crédits :  Bridgeman Images

Marché aux poissons, J. Beuckelaer

Les Mendiants, Bruegel l'Ancien - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Les Mendiants, Bruegel l'Ancien

Les scènes paysannes constituent le répertoire privilégié de la peinture de genre nordique. La vision pastorale idyllique qui s'exprime longtemps dans les tapisseries trouve un contrepoint dans l'image, venue de la littérature, du paysan s'exposant à la dérision, image qui est transposée dans les arts visuels sur le support bourgeois du panneau peint. C'est cette tradition critique et satirique qui sous-tend l'œuvre de Pieter Bruegel l'Ancien. Celui-ci renouvelle la tradition flamande de l'illustration de proverbes, et ses tableaux de kermesses, de danses villageoises et de travaux agricoles constituent une encyclopédie du monde paysan dans les tonalités les plus diverses, burlesque (Le Pays de cocagne, 1567, Alte Pinakothek, Munich), héroïque (La Rentrée des troupeaux, 1565, Kunsthistorisches Museum, Vienne) ou tragique (Les Culs-de-jatte, 1568, Louvre), et dans un langage monumental inédit pour ce type de sujet.

La peinture italienne donnant la priorité à l'idéalisation et aux convenances liées à la conception de l'ut pictura poesis (qui établit un parallèle entre création picturale et création littéraire), rares sont les peintres italiens qui s'intéressent à la vie quotidienne. On doit excepter quelques foyers qui entretiennent des liens commerciaux et culturels avec l'Europe du Nord. À Venise, l'existence d'un important marché de collectionneurs bourgeois contribue à l'apparition du paysage autonome et, dans une moindre mesure,[...]

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Pour citer cet article

Anne le PAS de SÉCHEVAL. PEINTURE DE GENRE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

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<it>Intérieur de cuisine</it>, J. Beuckelaer - crédits : Peter Willi/  Bridgeman Images

Intérieur de cuisine, J. Beuckelaer

<it>Marché aux poissons</it>, J. Beuckelaer - crédits :  Bridgeman Images

Marché aux poissons, J. Beuckelaer

Les Mendiants, Bruegel l'Ancien - crédits : DeAgostini/ Getty Images

Les Mendiants, Bruegel l'Ancien

Autres références

  • AERTSEN PIETER (1508-1575)

    • Écrit par
    • 353 mots

    Surnommé Lange Pier (Pierre le Long), né à Amsterdam et franc-maître à Anvers, en 1535, dont il devient citoyen en 1542 et où il séjournera jusqu'en 1556 environ, après avoir logé dans ses débuts anversois chez le peintre Jan Mandyn, un suiveur habile de Jérôme Bosch, Pieter...

  • ALLÉGORIE

    • Écrit par , , , , et
    • 11 594 mots
    • 5 médias
    La première réaction consiste à contester la hiérarchie des genres artistiques et le statut assigné à l'allégorie.Dans cette perspective, la représentation du quotidien , c'est-à-dire ce que l'on nomme aujourd'hui la scène de genre, joue un rôle décisif. Issue de l'exemplification, elle se libère...
  • AVERCAMP HENDRICK (1585-1634)

    • Écrit par
    • 631 mots
    • 1 média

    Un des premiers paysagistes de l'école néerlandaise du xviie siècle, Hendrick Avercamp fait la transition entre une conception décorative d'origine flamande et encore archaïque et les nouvelles ambitions réalistes et objectives développées en Hollande avec Esaias van de Velde et ...

  • BAMBOCHADE

    • Écrit par
    • 155 mots

    Terme qui désigne les tableaux de genre mis à la mode à Rome dans le second quart du xviie siècle par le Hollandais Pieter van Laer auquel sa petite taille et son aspect physique avaient valu le surnom de Bamboccio (le petit homme, la poupée). Jusqu'à une époque récente, on attribuait à Bamboccio...

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