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PARTHES

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine - crédits : Encyclopædia Universalis France

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine

S'il est une période obscure dans l'histoire de l'Iran ancien, c'est bien celle des cinq siècles durant lesquels les Parthes imposèrent leur autorité à l'ensemble du plateau iranien. Certes, l'abondance relative des sources étrangères, qui proviennent principalement de l'historiographie gréco-latine, a pu conduire à négliger la recherche de documents proprement iraniens ; l'intérêt qu'on a porté en premier lieu aux civilisations les plus anciennes a pu amener les fouilleurs à ne pas prendre garde aux témoins qui restaient encore de ces époques plus récentes. Cela ne suffit pas, néanmoins, à rendre compte de l'indigence des sources iraniennes concernant la période parthe. Force est d'admettre, semble-t-il, que dans cette partie de leur histoire, aussi bien qu'au cours des périodes antérieures, les Iraniens ont manifesté une certaine répugnance envers les documents écrits, privilégiant en revanche la tradition orale. L'écriture ne fut pour eux qu'un luxe, souvent passager, et hérité des civilisations voisines, et les Arsacides ont, mieux que d'autres, illustré cette tendance à se contenter de la transmission orale de leur culture.

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Par ailleurs, un autre phénomène tend à obscurcir considérablement le visage de cette civilisation : c'est l'apport de l'hellénisme, dont l'impact exact demeure difficile à déterminer mais qui a certainement exercé une forte influence sur l'art, la culture, la religion iranienne, au-delà même de la période parthe. Quoique réceptifs à cet apport grec, et capables de s'en enrichir, les Parthes ont-ils su créer une civilisation originale ? À cette question, il n'y a pas encore de réponse, sinon très partielle. Il semble peut-être que les Arsacides aient voulu être considérés comme les héritiers des Achéménides, si le fait d'avoir gravé un bas-relief au-dessous d'un relief achéménide a une signification précise. Quoi qu'il en soit, pour tout ce qui touche à cette histoire, il faut s'en remettre à Strabon, à Arrien, à Polybe, à Dion Cassius aussi, sans négliger les sources arméniennes (Moïse de Xoren) et syriaques.

Cinq siècles d'histoire politique

La formation de l'Empire parthe

Dans la première moitié du iiie siècle avant J.-C., des tribus scythes font irruption en Iran ; appelées par les historiens Parnes (ou Aparnes), elles auraient émigré de la région de la mer d'Aral pour s'installer en Parthie, après avoir été refoulées par le satrape Diodote Ier de Bactriane, qui se rendra indépendant du pouvoir séleucide vers 240. Conduits par Arsace, qui donnera son nom à la dynastie, ces nomades vont, comme Diodote Ier et avec l'aide de Diodote II, profiter de l'incapacité des Séleucides à maintenir leur autorité sur les régions orientales, pour s'y implanter ; de là, elles se tailleront un empire en s'emparant des territoires de l'Ouest, ce qui ne sera pas facile ni acquis avant 140. Vers 228, le roi séleucide Séleucos II (246-226) marcha vers l'est et Arsace dut battre en retraite, mais il semble que ce dernier devint néanmoins maître de toute la province de Parthie.

La première grande capitale des Parthes fut Hécatompylos. Elle fut investie par Antiochos III (223-187), qui entreprit avec succès une expédition dans les territoires séleucides de l'Est, peut-être en vue de rétablir la liberté des voies commerciales avec l'Extrême-Orient.

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Le véritable fondateur de l'Empire arsacide fut Mithradate Ier (171 env.-138 env.). C'est avec lui que les Parthes envahirent les régions de l'Ouest, causant le départ précipité d'Antiochos IV Épiphane (175-164), de la Palestine vers l'est. En dépit de ses efforts, celui-ci fut battu et mourut de consomption près d'Ispahan. La disparition du dernier des grands rois séleucides consacre le déclin de leur dynastie et leur empire sera vite réduit à la Syrie proprement dite. Mithradate s'empare de la Médie ; après avoir vaincu un général de Démétrios II, il s'avance en Mésopotamie et entre dans la cité royale de Séleucie (141) où il est reconnu comme roi. Mais il dut retourner à l'est, probablement en raison de difficultés créées par les Scythes d'Asie, que les Perses appelaient Sakas.

La partie néanmoins n'était pas gagnée pour les Arsacides. Démétrios II repartit en guerre en 140, mais il fut capturé vivant par les Parthes en Mésopotamie et envoyé à Mithradate, qui lui donna sa fille Rhodogune en mariage. Malgré ces marques d'honneur, le roi arsacide commettait une erreur politique en retenant prisonnier son ennemi, car il provoqua un réveil des Séleucides, désireux de mettre fin à cette situation, un dernier sursaut qui coûta cher aux Parthes. Mithradate, qui s'était emparé de Suse, mourut en 139 ou 138, ayant conquis la Parthie, l'Hyrcanie, la Médie, la Babylonie, l'Assyrie, l'Élymaïde et peut-être la Perside.

Démétrios II essaya en vain de s'évader par deux fois. Son frère Antiochos VII (138-129) remporta plusieurs victoires sur les Parthes et, s'étant rendu maître à nouveau de la Babylonie et de Suse, s'installa en Médie et proposa la paix au roi parthe Phraate II (vers 138-128) aux conditions suivantes : libération de Démétrios, reddition aux Séleucides de tous les territoires sauf la Parthie, payement d'un tribut. Phraate ne pouvait certes que refuser une paix aussi défavorable pour lui. Il libéra et renvoya Démétrios en Syrie pour forcer Antiochos à s'en aller des régions qu'il contrôlait. Mais, surtout, les cités que celui-ci occupait se révoltèrent, ce qui facilita l'écrasement des troupes séleucides. Antiochos fut même abandonné par ses hommes et mourut. La dernière tentative des Séleucides pour reprendre les provinces de l'Est avait échoué.

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Phraate II périt en combattant des Sakas à l'est. Ce sera aussi le sort de son oncle et successeur Artaban Ier (127-124 env.). Sous le règne des rois suivants, qui rivalisent pour le pouvoir – comme ce sera désormais souvent le cas dans la famille arsacide –, il faut noter trois faits importants, dans cette période déclinante pour les Séleucides, qui seront absorbés par Rome dès la première moitié du ier siècle avant J.-C. C'est tout d'abord la formation en basse Mésopotamie du royaume de Characène par l'Arabe Hyspaosine, qui s'empara même de la Babylonie qu'il dut toutefois rétrocéder à Mithradate II (124 env.-90 ou 87). C'est ensuite l'entrée de l' Arménie sur la scène internationale, pays qui deviendra l'enjeu constant des luttes postérieures entre Rome et les Parthes. En effet, Tigrane (94 env.-54 env.), fils du roi d'Arménie, que Mithradate détenait prisonnier, se trouve, à la mort de son père, installé sur le trône avec l'aide des troupes parthes. L'ingérence des Arsacides dans les affaires intérieures arméniennes sera plus manifeste encore quand Mithradate épousera la fille de Tigrane, et qu'une branche de la famille arsacide accédera au pouvoir. Mais Tigrane profite de la disparition de Mithradate et de l'affaiblissement de l'Empire parthe pour se retourner contre ses anciens alliés ; il l'emporte et se fait même appeler « roi des rois » après avoir conquis de nombreux territoires.

Le troisième fait à retenir, ce sont les incursions des Sakas à l'est et l'invasion des Huns, puis des Tochariens, cause de graves difficultés pour les Parthes. En même temps, ces Sakas créent plus à l'est, en Inde, des royautés, dites indo-scythes, qui, de Mauga aux Pahlavas, connaîtront un grand rayonnement et seront continuées par les Kouchans dont le plus célèbre souverain est Kanishka (milieu du iie s. apr. J.-C.).

En outre, dès la fin du iie siècle avant J.-C. se développe le commerce avec l'Extrême-Orient. On sait qu'une ambassade chinoise arriva dans la capitale parthe vers 125. La route de la soie joua un rôle de premier plan dans l'activité économique de cet empire aux ressources essentiellement agricoles et commerciales. Les routes caravanières ont, dès cette époque, fait de l'Iran parthe un pays transitaire des denrées orientales acheminées vers la Mésopotamie, la Syrie et l'Empire romain.

Les conflits romano-parthes

Les guerres avec Rome, qui se déroulent sur deux aires principales, en Mésopotamie et surtout en Arménie, constituent comme un tournant dans l'histoire des Arsacides. Du côté romain, l'entreprise s'est le plus souvent soldée par des échecs tant que des plans grandioses, visant à la domination de l'Arménie, furent conçus. Les menées des Romains en Mésopotamie furent davantage couronnées de succès, au cours du iie siècle après J.-C., et elles entraînèrent le déclin de la monarchie, devenue une proie facile pour d'autres Iraniens. Du côté parthe, l'affrontement avec les Romains obligea le roi des rois à déplacer sa capitale de Parthie en Babylonie, où fut créée Ctésiphon pour des raisons stratégiques, Hécatompylos étant par trop excentrique. Mais, de fait, la défense de l'Empire sera non plus tant assurée par le roi que par de vaillants généraux issus des grandes familles disposant de forces armées autonomes.

On ne retiendra de ces conflits de trois siècles que l'essentiel : après les tentatives de Lucullus et de Pompée pour s'imposer en Arménie, la première campagne importante fut due à Crassus. En 54 avant J.-C., à la tête d'une armée de quarante-deux mille hommes, il attaqua en Mésopotamie avec Séleucie pour objectif. Mais près de Carrhes, l'infanterie romaine fut détruite en grande partie par les dix mille cavaliers parthes placés sous les ordres du fameux général Sūrēn. Crassus fuit en Arménie. Sūrēn proposa la paix, mais la rencontre fut troublée par un incident au cours duquel un Parthe fut tué. Aussitôt une mêlée s'ensuivit, dans laquelle Crassus et Octavius trouvèrent la mort. Les Romains avaient perdu vingt mille hommes, et dix mille autres faits prisonniers furent emmenés à Merv. Le roi Orode (57 env.-39), jaloux du succès de Sūrēn, le fit mettre à mort.

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La politique se déplace pour un temps en Syrie, où Rome est désormais en situation dangereuse par suite de la suprématie parthe. Les appels au secours de Cicéron demeurent vains ; César, qui a bien vu le danger et prépare une expédition avec Octave, est assassiné avant d'avoir pu mettre à exécution son projet. Celui-ci fut repris par Antoine, alors que le roi parthe Pacore avait envahi la Syrie et s'était avancé en Judée jusqu'à Jérusalem, qui passa sous son contrôle et reçut comme gouverneur un roi juif à sa convenance ; ce ne fut que pour quelques années, car la ville fut réoccupée par Rome en 37. Après que les Romains eurent récupéré la Syrie, la deuxième campagne en Arménie conduite par Antoine fut, elle aussi, un désastre : en 36, le Romain, allié au roi d'Arménie Artavasde, décida, avec une armée de cent mille hommes, d'entreprendre le siège de la capitale de la Médie Atropatène ; mais tous ses engins et son matériel de guerre, demeurés en arrière, furent détruits par les Parthes. Artavasde déserta avec une partie des forces alliées. Antoine dut, à l'approche de l'hiver, lever le siège et subir les attaques répétées de la cavalerie parthe dans des régions montagneuses. La famine s'installa parmi les Romains qui battirent péniblement en retraite sur l'Araxe, et Antoine perdit, dit-on, trente-cinq mille hommes. Après un séjour en Égypte auprès de Cléopâtre, Antoine eut plus de succès, en s'assurant le contrôle de l'Arménie par ruse. Faisant prisonnier Artavasde, il le livra à la cruauté de Cléopâtre qui le fit mettre à mort. Cette lutte entre les trois parties en cause se poursuivit jusqu'en 20 avant J.-C. : l'apaisement se fit cette année-là, grâce à la remise aux Romains des enseignes et au retour des prisonniers dont les Parthes s'étaient emparés au cours des campagnes de Crassus et d'Antoine.

La période suivante fut très troublée. Le don fait par Auguste à Phraate IV (40 env.-2 env.) d'une esclave nommée Musa était un cadeau empoisonné : celle-ci, devenue reine, tua son mari, pour permettre à son fils de régner. D'ailleurs, les dissensions et les meurtres à l'intérieur de la famille royale deviennent monnaie courante, affaiblissant l'autorité du pouvoir central qui n'arrive plus à s'imposer aux nobles et aux grands. Les luttes à propos de l'Arménie, dont chacun des deux empires cherche toujours à se rendre maître, se poursuivront jusqu'au règne de Vologèse Ier, durant lequel elles connaîtront de nouveaux rebondissements.

Un grand roi : Vologèse Ier

Vologèse Ier (51 ou 52-79 ou 80) semble s'être montré plus magnanime envers les siens que ses prédécesseurs, en confiant à son frère Pacore la province de Médie, et à son autre frère Tiridate celle d'Arménie – ce qui n'était pas fait pour plaire aux Romains. La lutte fut vive entre Néron, le général romain Corbule et le roi de Géorgie d'une part, Vologèse et Tiridate d'autre part. La capitale d'Arménie, Artaxate, succomba ainsi qu'une ville fondée par Tigrane le Grand, Tigranocerte. Le pays tomba finalement tout entier aux mains des Romains, qui y placèrent un gouvernement à leur gré. Après de nouvelles péripéties, Vologèse reprit l'avantage et les deux adversaires entamèrent des négociations. Pour ménager les susceptibilités romaines, il fut décidé que Tiridate recouvrerait son pouvoir, mais devrait recevoir la couronne d'Arménie des mains mêmes de Néron à Rome. Tiridate fit le voyage par terre, pour ne point souiller cet élément sacré qu'est l'eau. Le règlement de la question arménienne amena une période de paix. Le règne de Vologèse semble avoir été marqué par une activité économique plus intense, qui se manifeste en particulier par la construction d'un centre commercial, destiné à supplanter la vieille cité de Séleucie désormais à son déclin et édifié à quelques kilomètres seulement de celle-ci : Vologesias (en iranien Vālaxshābād), qui drainera alors tout le commerce arrivant par le golfe Persique et transitant vers Palmyre et les territoires romains.

Les succès romains du IIe siècle et la fin des Arsacides

Investiture d'Ardachir I<sup>er</sup> - crédits :  Bridgeman Images

Investiture d'Ardachir Ier

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Le déclin de Séleucie n'est pas dû à la seule concurrence de Vologesias ; il résulte aussi des conditions politiques tout au cours du iie siècle. Dans le même temps, la capitale parthe de Ctésiphon subira les assauts répétés des Romains. N'est-ce pas là une des causes principales de la décadence de l'Empire arsacide ? Tant que la lutte se situait en Arménie, le danger était moins grand. Frapper le cœur même des cités de l'Empire, le centre vital de l'économie et de la direction politique et administrative devient le nouvel objectif de Rome. Ainsi la conquête de l'Arménie par Trajan, qui en fit une provincia romana, fut-elle suivie de la prise de Ctésiphon en 115-116. Les expéditions de L. Verus en 165, puis de Septime Sévère en 197-198 contre Séleucie-Ctésiphon contribuèrent à la ruiner de plus en plus. Parallèlement, se poursuit la dégradation de l'autorité monarchique, due en partie aux conditions sociologiques qui seront exposées ci-dessous. Dès lors, le désordre qui s'installe dans le pays profitera aux Perses d'Ardachir, qui tuera de sa propre main le dernier des Artaban, comme on peut le voir encore aujourd'hui à Naqš i Rustam, sur un relief d'investiture du premier Sassanide.

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études
  • : docteur en philosophie et lettres, professeur ordinaire à l'université de Louvain

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Médias

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine - crédits : Encyclopædia Universalis France

-200 à 200 apr. J.-C. La loi romaine

Investiture d'Ardachir I<sup>er</sup> - crédits :  Bridgeman Images

Investiture d'Ardachir Ier

Détail d’un arc orné de têtes sculptées, Hatra, Irak - crédits : G. Degeorge/ Akg-images

Détail d’un arc orné de têtes sculptées, Hatra, Irak

Autres références

  • AFGHANISTAN

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    • 37 323 mots
    • 19 médias
    LesParthes, qui avaient commencé leurs incursions sur le plateau iranien bien avant les Saka, appartenaient aussi aux tribus nomades habitant les steppes de l'Asie centrale. Comme leurs cousins les Saka, ils étaient des cavaliers intrépides, redoutables par leurs charges à cheval et par leur adresse...
  • ARDACHIR Ier (mort en 241) roi des Perses (224-241)

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    ...l'héritage d'Alexandre avait été recueilli par les Séleucides. Vers 250 avant notre ère, deux monarchies firent sécession : en Parthyène-Margiane celle des Parthes, noyau de l'empire du même nom ; à l'est celle des Grecs de Bactriane, destinée à s'étendre en direction de l'Inde. Les rois parthes, bien qu'issus...
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