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PARADIS FISCAUX

Au cœur de la finance mondialisée contemporaine, les paradis fiscaux et judiciaires alimentent plus souvent la rubrique des scandales que celle de l'économie. Les économistes n'aiment guère évoquer ces places offshore (littéralement « loin du rivage ») où la mondialisation libérale organise les dérogations à ses propres principes, ce qui favorise un processus d’évasion fiscale massive. À la suite des scandales retentissants des LuxLeaks (2014), Panama Papers (2016) et Paradise Papers (2017), et sous la pression de l’opinion publique, les États et les organisations internationales ne peuvent plus se désintéresser complètement de leurs effets perturbateurs sur la stabilité du système financier mondial et sur l’équilibre des finances publiques nationales. Cependant, malgré les intentions de lutte contre l’évasion fiscale et le blanchiment de l’argent sale, seuls les paradis fiscaux et judiciaires les plus sulfureux ont été inquiétés. Les autres ont pris des engagements internationaux plus ou moins sincères, suffisants pour faire baisser la pression internationale exercée à leur encontre.

Par les avantages fiscaux qu'elles offrent aux entreprises multinationales et aux particuliers les plus fortunés, ces places financières faussent les lois de la concurrence dans les échanges internationaux et sont une source d’injustice fiscale. L'absence de contrôle exercé par les autorités hébergeantes, le caractère secret et quasi instantané des opérations accentuent la volatilité des marchés et font des paradis fiscaux et bancaires un facteur de risque systémique pour l'économie. Leur poids dans l'ensemble du système financier est en effet sans commune mesure avec leur importance politique et géographique. Ainsi, plus de 30 % des investissements directs à l'étranger des multinationales seraient à destination des paradis fiscaux et judiciaires. Bien entendu, ces investissements ne font, pour la plupart d'entre eux, que transiter par ces places opaques et les statistiques ne rendent pas compte de leurs véritables destinations.

Plus largement, on estime que la moitié des flux financiers mondiaux passe par les paradis fiscaux et judiciaires. Et malgré les efforts faits par les organisations internationales telles que l’Organisation européenne de coopération économique (OCDE), le Fonds monétaire international (FMI) ou la Banque mondiale pour moraliser le système financier international, l’évasion fiscale et le blanchiment de l’argent sale organisés par ces places financières ont continué de se développer.

Qu'est-ce qu'un paradis fiscal ?

La notion de paradis fiscal, journalistique plutôt que scientifique, n’est pas facile à définir. Elle recouvre des situations internationales, juridiques et financières d'une grande diversité. Chacun des pays ou des territoires considérés comme des paradis fiscaux à un titre ou à un autre comporte ses particularités. Certains peuvent offrir des services destinés avant tout aux entreprises, d'autres plutôt aux particuliers. Les uns garantissent principalement le secret bancaire propice à la dissimulation de la fraude fiscale, d'autres ont édicté des législations qui permettent de créer des banques plus ou moins fictives, des sociétés-écrans ou des structures (comme les fiducies ou trusts) permettant d’abriter des activités ou des capitaux échappant à tout contrôle. Ces législations ont toutes cependant un point commun : elles permettent de dissimuler des capitaux ainsi que l'identité de leurs détenteurs et de les soustraire aux obligations fiscales et douanières des autres États, et même à leurs enquêtes policières ou judiciaires.

L'OCDE a retenu quatre critères permettant d’identifier un paradis fiscal : des impôts inexistants ou insignifiants (sans qu’il soit précisé au-dessous de quel montant un impôt doit être[...]

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