Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CROMWELL OLIVER (1599-1658)

Article modifié le

Oliver Cromwell - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Oliver Cromwell

L'« Anglais de Dieu », l'élu chargé par la Providence de faire de son pays le Nouvel Israël et de rapprocher l'avènement du royaume divin, le puritain moraliste : ce sont là quelques-uns des titres de Cromwell à incarner une révolution dont l'historiographie a longtemps fait la « révolution puritaine », dans l'opposition déclarée des dissidents fanatisés, les « têtes rondes », et des fidèles d'une monarchie liée au sort de l'Église épiscopalienne d'Angleterre, les « Cavaliers ». Mais Cromwell, au plus fort de son action politique, à partir de 1640, n'a pas été seulement un Savonarole laïque. Il est tout à la fois un Condé ou un Turenne, illustrant comme eux, de son génie militaire pourtant amateur, un art nouveau de la guerre au temps de la guerre de Trente Ans. Il a été aussi le premier régicide de l'Europe moderne qui ait eu recours à la procédure judiciaire, coupable d'un scandale inouï que lui auraient plus facilement pardonné certains contemporains ou historiographes si, dans la peau d'un Solon, il avait réellement su dessiner les contours solides d'une cité nouvelle. Ce religieux et ce militaire a aussi parfaitement incarné l'idéologie de sa classe sociale, la gentry, et des milieux d'affaires : aux yeux d'un Marx ou d'un Engels, il est l'auteur d'une grande révolution bourgeoise, devançant de plus d'un siècle et demi ses émules français ; et il est vrai qu'on lui doit aussi bien la disparition de la féodalité que l'élan commercial et colonial qui allait faire la grandeur de l'Angleterre. Ces facettes multiples d'un héros assez grand ou assez prudent pour refuser une couronne royale ont fasciné durablement les Européens, inspiré à Victor Hugo un drame historique qui, en son temps, constitua une révolution théâtrale, valu la publication d'innombrables biographies (3 692 titres dès 1944), éveillé l'attention de maint auteur de films. Géant de l'histoire qui a conquis sa place en moins de vingt ans, Cromwell se comprend mieux à la lumière des expériences de sa jeunesse et de sa maturité : puisque aussi bien il ne devient l'inspirateur majeur d'une révolution en marche qu'en 1643, à la mort de John Pym, quand, déjà âgé pour l'époque, il a quarante-quatre ans.

Le Cromwell pré-révolutionnaire

Gentleman, puritain, notable, politique constituent les quatre traits essentiels du Cromwell pré-révolutionnaire. Né à Huntingdon, dans le comté de Cambridge, Oliver Cromwell n'est pas un fils de famille riche, son grand-père s'étant chargé de dévorer un héritage alors considérable ; son mariage en 1620 avec la fille d'un marchand londonien enrichi par le commerce de la fourrure et du cuir, la fortune que lui laisse, en 1628, son oncle Richard ne lui assurent encore que des revenus médiocres. Mais ses liens de famille ont été autrement précieux pour une ascension sociale et politique très rapide. Outre la gloire d'avoir compté, dans une branche collatérale, un favori de Henri VIII, Thomas Cromwell, comte d'Essex, Oliver est apparenté à de puissantes familles : les Barrington, les Hampden, les Saint Johns, les Wallers, et bien d'autres. Il fait partie, de ce fait, d'une parentèle étendue qui lui vaudra de compter onze cousins et six autres parents éloignés dans le Long Parlement, et d'en rajouter neuf autres par le jeu d'élections partielles ultérieures. Il a dû à ces liens sa propre élection aux Communes en 1628. À partir de 1636, un nouvel héritage lui garantit cette fois une richesse foncière considérable dans la région d'Ely, où il s'établit et devient, dans la zone des Fens, polders promis au drainage et à la culture, le défenseur ardent des éleveurs menacés d'expulsion. En 1640, sa réputation est telle qu'il peut se faire élire au Court, puis au Long Parlement par le bourg de Cambridge. Cette partie de son existence a été un apprentissage de l'administration locale – il occupa un moment les fonctions de juge de paix à Huntingdon –, de contacts avec les réalités de l'État monarchique, au Parlement en 1629, où il adopte un point de vue puritain intransigeant, dans les années 1630, où, au cours de la « tyrannie », il partage l'indignation de ses voisins et parents contre la suspension de fait de l'institution parlementaire et contre la création de taxes illégales comme le ship-money (1635). Les rapports de force étant parfois défavorables, il n'a peut-être pas été sans connaître le découragement et la tentation de l'émigration. Surtout, depuis sa jeunesse, il s'est pénétré d'une foi robuste et intransigeante. Dès l'école primaire, il reçoit les leçons d'un jeune ministre puritain, Thomas Beard, dont les ouvrages insistent sur la responsabilité des puissants devant Dieu, mais aussi devant les hommes. À l'université de Cambridge, il a suivi les leçons de l'ultra-calviniste Samuel Ward. Bien qu'il ait publiquement dénoncé dès 1629 le laxisme des arminiens, il data lui-même de 1636 sa conversion totale au calvinisme et, surtout, la conviction de son élection divine. Il semble avoir été surtout sensible aux idées des « indépendants », partisans de l'autonomie des congrégations paroissiales sous le contrôle de l'État. Psychologiquement, il convient sans doute de le ranger au nombre des « saints en marche » que sont alors les puritains, assurés, par leur foi, que Dieu est avec eux et que toutes leurs souffrances passagères préparent les triomphes à venir.

Accédez à l'intégralité de nos articles

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Média

Oliver Cromwell - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Oliver Cromwell

Autres références

  • CHARLES Ier (1600-1649) roi d'Angleterre (1625-1649)

    • Écrit par
    • 1 104 mots
    • 2 médias

    Roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande, second fils de Jacques VI Stuart, roi d'Écosse, qui deviendra roi d'Angleterre en 1603 sous le nom de Jacques Ier, Charles Ier monte sur le trône en 1625. Jeune, séduisant et indécis, il est un jouet entre les mains...

  • CÔTES DE FER

    • Écrit par
    • 333 mots

    Surnom donné, semblerait-il, par le prince Rupert aux cavaliers de Cromwell qui venaient de le défaire à la bataille de Marston Moor en 1644. Les Côtes de fer trouvent leur origine dans le recrutement, en 1643, par Cromwell d'une force de cavalerie de l'Association orientale des comtés...

  • DROGHEDA

    • Écrit par
    • 339 mots
    • 1 média

    Ville de la côte est de la république d'Irlande, à 50 kilomètres environ au nord de Dublin. Située sur la Boyne, à proximité de son embouchure, Drogheda (en irlandais Droichead Átha, « le pont sur le gué ») a été fondée par les Normands au début du xe siècle. Forteresse et...

  • EXÉCUTION DE CHARLES Ier D'ANGLETERRE

    • Écrit par
    • 263 mots

    Charles Ier Stuart, roi d'Angleterre, d'Écosse et d'Irlande depuis 1625, est décapité le 30 janvier 1649 à la suite d'un procès mené au nom de son peuple. Pour la première fois en Europe, un roi est condamné à mort selon les voies légales. Souverain autoritaire et soucieux, comme...

  • Afficher les 16 références

Voir aussi