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NUCLÉAIRE (PHYSIQUE) Les principes physiques

Les descriptions théoriques du noyau atomique

La compréhension théorique du noyau s'est révélée très difficile. Divers modèles représentent bien certaines de ses propriétés, mais la théorie bute sur une difficulté (souvent appelée problème à N corps) commune à la physique des systèmes formés de nombreux constituants. Développé dès la fin des années 1930, le modèle de la goutte liquide assimilait le noyau atomique à une goutte sphérique d'un liquide incompressible de masse volumique extraordinairement élevée (de l'ordre de 1017 kg/m3) et dans laquelle la charge électrique serait uniformément diluée. Les neutrons et les protons interagiraient entre eux par une unique force de très courte portée. Ce modèle, essentiellement classique et macroscopique, a donné des résultats précieux sur la stabilité des noyaux vis-à-vis de la radioactivité β et de la fission spontanée.

Le modèle en couches

Niels Bohr et Ivan P. Pavlov - crédits : Yakov Khalip/ Slava Katamidze Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Niels Bohr et Ivan P. Pavlov

Le modèle en couches du noyau atomique développé entre 1948 et 1950, en particulier par Johannes Hans Daniel Jensen et Maria Goeppert Mayer (tous deux Prix Nobel de physique 1963), a permis d'expliquer un grand nombre de propriétés structurales du noyau. La remarquable stabilité des noyaux contenant un « nombre magique » (c'est-à-dire 2, 8, 20, 50, 82 ou 106) de protons ou de neutrons suggère que, de manière analogue aux orbites électroniques décrites par Niels Bohr, les nucléons (protons ou neutrons) se meuvent sur des orbites appartenant à des couches bien séparées, les nombres magiques correspondant à des couches complètes. Ce modèle, essentiellement quantique, assigne aux nucléons l'occupation d'états définis par quelques nombres entiers (appelés nombres quantiques), un seul nucléon pouvant occuper un état déterminé. Il suppose de plus une forte interaction entre le moment angulaire intrinsèque – ou spin – des nucléons et leur moment angulaire orbital. De nombreuses conséquences de cette hypothèse sur la structure des niveaux d'énergie des noyaux furent vérifiées par les mesures expérimentales.

Le modèle en couches, convenablement amendé par le modèle de la goutte liquide, prévoit l'existence de noyaux superlourds relativement stables. Depuis les années 1980, les efforts d'équipes rassemblées au laboratoire G.S.I. (Gesellschaft für Schwerionenforschung) de Darmstadt (Allemagne) ont permis de synthétiser les noyaux ayant un nombre atomique Z compris entre 106 et 112. L'élément 112, par exemple, a été obtenu pour la première fois en 1996, sous la forme d'un noyau radioactif fait de 112 protons et de 165 neutrons, de demi-vie égale à une fraction de milliseconde. Pour le former, les chercheurs ont précipité sur une cible de plomb des ions de zinc accélérés à une énergie cinétique de 343,8 MeV. Un dispositif électromagnétique de séparation des produits de réaction permet d'extraire le nouveau noyau et d'analyser sa voie principale de désintégration, ce qui signe son identité. Dans le cas de l'élément 112, on a observé des désintégrations α successives amenant au fermium (Z = 100), en passant par de nouveaux isotopes de l'élément 110 (A = 273) et du hassium (Z = 108 et A = 269). Les recherches se poursuivent afin d'atteindre Z = 114, nombre autour duquel les modèles théoriques prévoient un îlot de stabilité.

Le modèle collectif

Le modèle en couches ne rendait pas compte de la déformation de la distribution de charge, souvent observée. James Rainwater, Aage Bohr et Ben Mottelson (Prix Nobel de physique 1975) proposèrent indépendamment en 1950 de considérer l'influence des nucléons externes sur le comportement collectif des nucléons du cœur du noyau. La déformation moyenne qui en résulte amène à ajouter des niveaux supplémentaires aux niveaux d'énergie prévus par le modèle en couche ; ainsi un noyau subissant[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau

Classification

Pour citer cet article

Bernard PIRE. NUCLÉAIRE (PHYSIQUE) - Les principes physiques [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

James Chadwick - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

James Chadwick

Niels Bohr et Ivan P. Pavlov - crédits : Yakov Khalip/ Slava Katamidze Collection/ Hulton Archive/ Getty Images

Niels Bohr et Ivan P. Pavlov

Autres références

  • ACCÉLÉRATEURS DE PARTICULES

    • Écrit par Michel CROZON, Jean-Louis LACLARE
    • 3 528 mots
    • 3 médias
    ...qui permit de disposer de sources de particules de faible vitesse : particules α ou noyaux d'hélium (rayonnement α) et électrons (rayonnement β). La physique nucléaire expérimentale démarra avec l'étude des effets de ces rayonnements sur les noyaux atomiques. Très vite, on éprouva le besoin de changer...
  • ALPHA RAYONNEMENT

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 184 mots

    Rayonnement le moins pénétrant émis par les substances radioactives, sous la forme de noyaux d'hélium 4. Il avait été reconnu dès 1903 par Ernest Rutherford comme formé de particules chargées positivement et de masse proche de celle de l'atome d'hélium. La théorie de la désintégration...

  • ANTIMATIÈRE

    • Écrit par Bernard PIRE, Jean-Marc RICHARD
    • 6 931 mots
    • 4 médias
    Les antiprotons lents ouvrent des perspectives inédites en physique nucléaire. En frôlant les noyaux, les antiprotons peuvent exciter des niveaux d'énergie qui ne sont pas facilement accessibles avec des électrons ou des protons. L'annihilation d'un antiproton sur un noyau correspond à un dépôt très...
  • ASTRONOMIE

    • Écrit par James LEQUEUX
    • 11 339 mots
    • 20 médias
    Les relations entre l'astronomie et la physique nucléaire sont tout à fait comparables. La découverte de l'origine de l'énergie libérée par le Soleil a suivi de peu celle de la transmutation nucléaire, c’est-à-dire la possibilité pour un élément chimique de se transformer en un autre par modification...
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Voir aussi