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NÉO-CLASSICISME, musique

Comme tous les vocables synthétiques et globalisants, celui de néo-classicisme, appliqué à la musique, recouvre des réalités différentes et contradictoires. Signifiant nouveau classicisme, ce terme fut utilisé au début du xxe siècle pour désigner un courant de pensée créatrice se référant – esthétiquement, formellement ou techniquement – à un passé plus ou moins lointain. Le classicisme était donc interprété comme tout ce qui « était passé » ; dans le même temps, l'adjectif néo-classique prenait valeur de jugement de goût, confronté, comme il le fut immédiatement, avec le concept baudelairien de modernité.

Dans les années 1920, le dilemme tradition-modernité se posa à la conscience des compositeurs sur plusieurs plans à la fois. Étaient en cause l'emploi de styles plus anciens (le fameux « retour à Jean-Sébastien Bach », mais aussi la résurgence de la forme fuguée et du contrepoint, qui trouveront un renouveau aussi bien chez Max Reger que chez les trois Viennois : Arnold Schönberg, Alban Berg et Anton von Webern), les formes abandonnées (baroques pour la plupart, comme le concerto grosso, dont Bohuslav Martinů se fera le défenseur) et les instruments délaissés par le xixe siècle (le clavecin, par exemple, remis à l'honneur par Francis Poulenc ou Manuel de Falla). Bref, la confusion régnait déjà sur le contenu de ce terme quelque peu fourre-tout, il faut bien l'admettre. Confusion qui touchait en premier lieu l'appréciation du sens à donner à classicisme.

Quoi qu'il en soit, le néo-classicisme se comprend de nos jours (en son sens premier et restreint qu'il avait dans la première moitié du xxe siècle) comme s'opposant aux courants déstabilisateurs du langage tonal, comme une réaction à l'expressionnisme, à l'atonalisme, au dodécaphonisme. Qu'en est-il, dès lors, du retour à Bach ou à Mozart de Bartók ? Relève-t-il de la même démarche que celle menée par le groupe des Six, qui, musicalement n'eut pas vraiment d'existence réelle ? Et peut-on raisonnablement englober sous la même étiquette de néo-classique le virage esthétique de Paul Hindemith, la Junge Klassizität (Jeune Classicisme) de Ferruccio Busoni ou l'objectivité historique développée par Stravinski à partir de Pulcinella, ballet « d'après Pergolèse » (1920) ?

Pour aborder le concept de néo-classicisme, il faut donc avant tout se garder d'inclure dans sa définition tout jugement de valeur esthétique. Est néo-classique l'œuvre qui a recours au passé, sous quelque forme que ce soit, afin d'assurer la pertinence de son discours. Par conséquent, le néo-classicisme se fonde sur la connaissance, et les progrès de la musicologie constituent sans conteste un des éléments qui lui ont permis d'éclore au xxe siècle.

Mais, si l'art n'était que connaissance, il serait la mémoire de lui-même, écho de ce qui fut. Or, l'art est trahison de la réalité connue et donnée par le consensus culturel. Il est transgression, par l'imaginaire, du réel de la connaissance sur lequel il prend appui. Il ne faut donc pas confondre néo-classicisme et tradition car c'est en s'appuyant sur cette dernière que s'élance la création. Beethoven existerait-il sans Haydn ? Boulez sans Schönberg ? Assurément l'art n'a pas d'avenir ; il ne possède qu'un devenir et ce dernier est inclus dans son présent.

Sans prendre en compte les divers avatars d'une modernité n'ayant d'autre justification qu'elle-même, la musique pose avec une acuité accrue le problème d'une réactualisation de la forme et celui de la suprématie soit du matériau soit de l'idée. Cette réflexion, engageant, au-delà des esthétiques, la définition même du langage musical, a réactivé l'opposition primaire entre néo-classicisme et avant-garde.[...]

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Écrit par

  • : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio

Classification

Pour citer cet article

Alain FÉRON. NÉO-CLASSICISME, musique [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PISTON WALTER (1894-1976)

    • Écrit par Universalis
    • 456 mots

    Le catalogue du compositeur américain Walter Piston comporte essentiellement des pièces pour orchestre – parmi lesquelles un corpus de huit symphonies – et de la musique de chambre. Théoricien et pédagogue, Walter Piston a joué un rôle de premier plan dans l'émergence, au xxe siècle,...

Voir aussi