Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

MYTHOLOGIES Dieux des peuples "barbares"

Contrairement aux mythologies mésopotamienne, égyptienne ou grecque, les mythologies des Celtes, des Germains, des Baltes et des Slaves ne nous sont connues qu'indirectement. Faute d'écriture, ces vastes ensembles linguistiques et culturels établis à l'ouest et au nord de l'Europe n'ont pas en effet laissé de corpus de textes sacrés témoignant de leur vision du monde et des forces qui le fondent, toutes conceptions païennes et polythéistes vouées à disparaître sous l'effet d'une christianisation qui ne fut pas toujours pacifique, comme l'illustre la conversion forcée des Saxons par Charlemagne à la fin du viiie siècle. Et la pauvreté des représentations de figures divines dans l'art de ces peuples n'a pas non plus permis de cerner par l'iconographie ce qui échappait à l'écrit. Historiens comme Hérodote, Tacite ou Tite-Live, chefs militaires comme Jules César, géographes et naturalistes comme Pline l'Ancien, Grecs et Romains sont nos principaux informateurs sur les Celtes et les Germains, peuples « barbares » à leurs yeux, c'est-à-dire ne parlant ni grec ni latin. Pour les peuples restés plus longtemps encore éloignés de la civilisation gréco-latine – Vikings, Baltes, Slaves –, ce n'est qu'au moment de leur christianisation, au haut Moyen Âge, ou plus tard encore, que de rares clercs transcriront et adapteront, avec une fascination mêlée de réprobation, les ultimes traditions polythéistes d'Europe.

Panthéon celtique

Nos informations sur la (ou les) religion(s) des Celtes sont partielles ou indirectes. Les témoignages archéologiques (fouilles des sites cultuels, avec les représentations des dieux et leurs attributs, et les restes d'offrandes) et ceux de l'épigraphie (textes de dédicace, qui ne livrent guère que le nom du dieu) ne suffisent pas à caractériser de façon satisfaisante les différentes divinités. Les textes grecs et latins sont des témoignages peut-être déformés par le point de vue étranger. Et les restes de mythologie celtique figurant dans les légendes irlandaises et galloises médiévales peuvent aussi avoir été déformés par la christianisation. Les témoignages archéologiques et épigraphiques eux-mêmes sont sujets à caution, du moins dans la période d'assimilation qui a suivi la conquête romaine.

Lectures syncrétistes romaines

L'interpretatio romana, dont parle Tacite dans la Germanie, consistait à identifier les dieux indigènes avec les dieux romains. Ce phénomène est déjà mis en œuvre dans la célèbre description de César : « En tête des dieux, ils honorent Mercure ; ses représentations sont les plus nombreuses ; ils le tiennent pour l'inventeur de tous les arts, le chef des routes et des voyages, le grand maître des gains et du commerce. Puis Apollon, Mars, Jupiter et Minerve. Ils pensent de ceux-ci à peu près la même chose que les autres peuples : Apollon chasse les maladies, Minerve transmet les principes des arts et des métiers, Jupiter règne sur les cieux, Mars préside aux guerres... » (Guerre des Gaules, VI, 17). Il s'agit d'un phénomène de syncrétisme alors courant. Le conquérant romain ne comprend les dieux étrangers qu'à travers l'image des siens. La nécessité d'annexer leur culte conduit à employer sur les dédicaces des dénominations doubles, avec le nom latin et le nom celtique : Apollo Grannus (dieu de source, guérisseur), Mars Caturix (dieu guerrier, « roi des combats »), etc.

On peut cependant rétablir le nom des principaux dieux cités par César, grâce aux récits mythologiques irlandais. Le Mercure inventeur de tous les arts est sans doute identique à Lug Sam-il-danach (Lugus le Polytechnicien), dieu qui commande la coalition des « Peuples de la déesse Danu » dans le récit de la deuxième bataille de Moyturra. Ce même Lugus a donné leur[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite (langues, littératures et civilisation scandinaves) à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : agrégé de grammaire, docteur d'État, maître de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études (IVe section)
  • Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

Classification

Pour citer cet article

Régis BOYER, Universalis et Pierre-Yves LAMBERT. MYTHOLOGIES - Dieux des peuples "barbares" [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Le Chaudron de Gundestrup - crédits : De Agostini/ Getty Images

Le Chaudron de Gundestrup

Autres références

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    Dans la Chine antique, toute ville seigneuriale avait deux fondateurs : l'ancêtre du seigneur et le « saint patron » du prévôt des marchands, qui avaient défriché ensemble le domaine, à l'imitation du laboureur divin, de l'inventeur de l'agriculture, Shennong. Or ce démiurge...
  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

    • Écrit par Brigitte DERLON, Monique JEUDY-BALLINI
    • 3 610 mots
    • 1 média
    ...dans des approches qui, en articulant désormais la forme et la fonction des objets, traitent des processus de leur fabrication et de leur mise en scène. Sur la base de ses observations des façades peintes des maisons cérémonielles en Nouvelle-Guinée, Anthony Forge déconstruit l’idée selon laquelle l’art...
  • ASSYRO-BABYLONIENNE RELIGION

    • Écrit par René LARGEMENT
    • 4 270 mots
    • 5 médias
    Les Assyro-Babyloniens rencontrent leurs dieux à la limite de leurs possibilités d'action sur les éléments naturels : divinités astrales : Anu et Antu (divinités du ciel), Shamash et Sîn (dieu solaire et lunaire), Ishtar (déesse vénusienne) ; dieux de l'atmosphère : Enlil...
  • ASTROLOGIE

    • Écrit par Jacques HALBRONN
    • 13 311 mots
    Est-ce que les mythologies se sont constituées à partir des planètes ? Elles sont certainement antérieures à leur découverte, tout comme on nomme les nouveaux astres en puisant dans un panthéon inépuisable de dieux et de déesses, voire de figures littéraires. On n'a pas inventé le dieu Mars parce qu'il...
  • Afficher les 55 références

Voir aussi