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MINNESANG

Le terme allemand, que l'on trouve dans une poésie de Walther von der Vogelweide, a été conservé en français. Il est d'usage commode pour distinguer la poésie courtoise allemande de celle des troubadours et des trouvères ; il a, en outre, l'avantage de mettre en relief deux traits essentiels de cette poésie : Minnesang veut dire, en effet, « chant d'amour ». Or, la poésie des Minnesänger était destinée non pas à être lue, mais à être chantée, le minnesänger étant tenu d'en composer non seulement les paroles (Wort), mais aussi la mélodie (Wise). Le thème majeur en était d'autre part l'amour, et plus précisément l'amour courtois dont la doctrine, élaborée par les troubadours, s'était étendue rapidement à l'ensemble des pays de langue d'oc et de langue d'oïl, pour enfin gagner les terres de langue allemande. Par une extension abusive du sens, le terme est appliqué parfois à l'ensemble de la poésie allemande des xiie et xiiie siècles, y compris notamment la poésie didactique et politique (Spruchdichtung).

La question des origines de la poésie courtoise ne concerne donc pas directement le minnesang : l'Allemagne adopte, en effet, une doctrine et des genres déjà constitués. Leur pénétration dans les pays de langue allemande est liée au vaste courant d'influence qui, venu de l'ouest, déferle sur ces pays dans la seconde moitié du xiie siècle. Il s'était développé en effet, dans le midi, puis dans le nord de la France, un type de civilisation aristocratique, la civilisation courtoise. Or, on a pu dire que la littérature française n'a été accueillie en Allemagne que dans la mesure où elle exprimait les valeurs de cette civilisation. Cela vaut en particulier pour la poésie lyrique : des genres aussi répandus que les chansons de toile ou de mal mariées n'ont pas été repris par les poètes allemands, et la pastourelle elle-même n'a exercé qu'une influence limitée. Le genre particulièrement en faveur chez les minnesänger est la chanson courtoise, à laquelle viennent s'ajouter quelques genres de moindre importance tels que la chanson de croisade, l'aube et le lai.

Les différents genres

La chanson courtoise (Minneliet) emprunte le thème, qu'elle varie inlassablement, à la poésie franco-provençale. Ce thème, le Minnedienst (vasselage d'amour), transpose sur le plan des relations entre l'amant et l'aimée l'organisation de la société féodale, l'aimée – qui n'est jamais l'épouse – étant la suzeraine, l'amant le vassal. Les deux mots clefs du minnedienst sont, en effet, Dienst (service) et Lohn (récompense). Réduit à merci par la perfection de sa dame, l'amant est tenu de la servir avec discrétion, constance et dévouement, de la célébrer dans ses chants. Ce service, estime-t-il, mérite récompense, mais cette récompense dépend du bon vouloir de l'aimée. Si elle se montre inflexible, l'amant exhalera sans se lasser sa plainte amoureuse. Mais quelle récompense attend-il de sa dame ? C'est, en dernière analyse, de la tenir dans ses bras, car l'amour courtois est moins platonique qu'on ne l'a parfois prétendu. Ce vœu n'est cependant que rarement exaucé. Alors le minnesänger se contentera d'un sourire, d'un salut, et surtout il se consolera en considérant que l'amour vrai (hohe Minne, à rapprocher du fin' ou ric amor des troubadours) porte en lui-même sa récompense : il est source de perfection et il mène à Dieu.

Il est évident que les contraintes d'un tel sujet n'étaient guère favorables aux effusions lyriques, d'autant plus que nombre de minnesänger avaient un goût marqué pour les considérations théoriques sur la nature même de l'amour, sur les qualités qu'il requiert... Les sentiments qu'ils affichent étaient-ils sincères[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Georges ZINK. MINNESANG [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ALLEMANDES (LANGUE ET LITTÉRATURES) - Littératures

    • Écrit par Nicole BARY, Claude DAVID, Claude LECOUTEUX, Étienne MAZINGUE, Claude PORCELL
    • 24 585 mots
    • 29 médias
    On recopie les poèmes du Minnesang et les légendes épiques, le roman arthurien est supplanté par le roman antique (guerre de Troie, roman d'Alexandre le Grand), et dès le xve siècle ces remaniements donnent les livres de colportage (Volksbücher). Le lyrisme amoureux se perd dans la chanson...
  • Chanson de mai, NEIDHART VON REUENTAL

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 510 mots
    Minnesänger d'origine bavaroise, Neidhart von Reuental sert le duc Othon II de Bavière et participe à deux croisades, avec Léopold d'Autriche (1217-1219) et avec le duc Frédéric II (1228). Il s'installe en Autriche en 1232 et vit à Vienne au service de Frédéric II. Le nombre de textes que l'on possède...
  • HARTMANN VON AUE (1160 env.-entre 1205 et 1215)

    • Écrit par Pierre SERVANT
    • 1 390 mots

    Le premier en date des grands classiques du roman courtois en Allemagne (G. Zink). D'après les quelques témoignages littéraires qui nous sont parvenus (Wolfram d'Eschenbach, Gottfried de Strasbourg) et les renseignements qu'il nous a fournis lui-même dans ses œuvres, nous savons que Hartmann von...

  • HEINRICH VON MORUNGEN (mort en 1222)

    • Écrit par Claude LECOUTEUX
    • 595 mots

    Originaire du château de Morungen, près de Sangerhausen, en Thuringe, le ministérial Henrich von Morungen, un des grands représentants de l'été du Minnesang, fait ses débuts poétiques vers 1190. Des documents attestent son existence en 1217-1218. Ce sont là les seuls éléments sûrs dont...

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