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MILIEU INTÉRIEUR

L'équilibre acido-basique et le pH du milieu intérieur

Variation du pH extracellulaire chez des animaux poïkilothermes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Variation du pH extracellulaire chez des animaux poïkilothermes

Le milieu intérieur est le lieu de transit de nombreux déchets acides ou basiques du métabolisme cellulaire : dioxyde de carbone, acides minéraux et organiques. Les liquides extracellulaires de tous les animaux ont une réaction légèrement alcaline et leur acidification (ou leur alcalinisation) excessive est incompatible avec la vie. Une des régulations les plus classiques du milieu intérieur des mammifères est celle d'une valeur constante et voisine de 7,4 pour le pH plasmatique. Cette donnée s'applique à tous les vertébrés homéothermes, mais non aux animaux poïkilothermes dont la température corporelle suit, à peu de chose près, les variations de celle du milieu ambiant. Cela ne veut pas dire que l'équilibre acide-base du milieu intérieur n'est pas soumis à régulation chez ces animaux, mais la variable acide-base contrôlée n'est pas le pH. En fait, comme le montre la figure, lorsque la température corporelle augmente chez divers poïkilothermes, le pH extracellulaire diminue d'une quantité voisine de 0,016 unité pH par degré centésimal. Cette variation est parallèle à celle du pH de l'eau neutre, de sorte que c'est l'alcalinité relative, autrement dit la différence entre le pH extracellulaire et la valeur du pH neutre qui est maintenue constante dans toute l'échelle de température. Comme l'a montré Reeves, cela correspond aussi à une constance de l'état de dissociation des groupements acide-base des protéines (principalement l'imidazole de l'histidine) ainsi qu'à un maintien de la charge électrique et donc des caractéristiques structurales et fonctionnelles de ces macromolécules. Les mêmes caractéristiques semblent, dans un certain nombre de cas au moins, s'appliquer au liquide intracellulaire. Au concept d' homéostasie du pH du milieu intérieur doit donc être substitué celui d'une homéostasie fonctionnelle des protéines et, plus largement, des macromolécules biologiques.

Tortue, grenouille et truite - crédits : Encyclopædia Universalis France

Tortue, grenouille et truite

La valeur du pH dépend en fait de la tension de CO2, PCO2, et plus spécifiquement du rapport bicarbonate/CO2 dissous (cf. équilibre acido-basique). Or la valeur de PCO2 du sang, qui dépend de la production métabolique et des échanges respiratoires de CO2, est très différente chez les animaux à respiration aquatique et chez les animaux à respiration aérienne. Cela résulte du fait que, le CO2 étant bien plus soluble dans l'eau que ne l'est l'oxygène, les changements de pression partielle pour une variation donnée de concentration sont bien plus faibles pour le CO2 dans ce milieu, alors qu'ils sont équivalents pour les deux gaz dans l'air. De fait, les valeurs de PCO2 du milieu intérieur sont très faibles, de l'ordre de quelques mmHg, chez les espèces aquatiques, et plus élevées, 15 à 60 mmHg chez les espèces aériennes. Puisque à une même température le pH est très semblable pour ces deux types d'organismes, il en résulte nécessairement que la concentration de bicarbonate est plus faible chez les animaux à respiration aquatique que chez les animaux à respiration aérienne. Lors du passage de la vie aquatique à la vie terrestre, les mécanismes de la régulation ionique, qui interviennent, entre autres, dans le contrôle de la concentration de bicarbonate, ont donc dû évoluer non seulement pour assurer le maintien de la composition ionique et osmotique du milieu intérieur, mais aussi pour se plier aux nécessités de la régulation acido-basique. Cette évolution est d'ailleurs observable actuellement au cours de la métamorphose des amphibiens anoures ainsi que lors de l'émersion temporaire de certains organismes vivant dans la zone des marées.

— Jean-Paul TRUCHOT

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Écrit par

  • : professeur à l'Institut océanographique, professeur à l'université de Paris-VI-Pierre-et-Marie-Curie

Classification

Pour citer cet article

Jean-Paul TRUCHOT. MILIEU INTÉRIEUR [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 10/02/2009

Médias

Animaux marins : composition ionique et osmotique - crédits : Encyclopædia Universalis France

Animaux marins : composition ionique et osmotique

Régulation chez les animaux euryhalins - crédits : Encyclopædia Universalis France

Régulation chez les animaux euryhalins

Variation du pH extracellulaire chez des animaux poïkilothermes - crédits : Encyclopædia Universalis France

Variation du pH extracellulaire chez des animaux poïkilothermes

Autres références

  • CLAUDE BERNARD : CONCEPT DE MILIEU INTÉRIEUR

    • Écrit par
    • 243 mots

    Claude Bernard (1813-1878) écrit en 1855 : « On s'est longtemps fait une très pauvre idée de ce qu'est un organe sécrétoire. L'histoire du foie et de sa fonction glycogénique établit [...] qu'il y a des sécrétions internes, dont le produit, au lieu d'être déversé à l'extérieur,...

  • ACIDO-BASIQUE ÉQUILIBRE

    • Écrit par
    • 2 955 mots
    • 1 média

    C'est en 1922 que Van Slyke pose les premiers principes de l'équilibre acido-basique, en reprenant la définition du pH fournie en 1909 par Sœrensen (logarithme de l'inverse de la concentration en ions hydrogène). Il montre la constance de ce pH dans le milieu intérieur. Seules...

  • BERNARD CLAUDE (1813-1878)

    • Écrit par
    • 4 120 mots
    • 1 média
    Lesrecherches de Claude Bernard sur la digestion et la fonction glycogénique du foie l'ont progressivement conduit vers l'élaboration du concept de « milieu intérieur ». Ce concept, totalement original, constitue le pivot de la nouvelle physiologie qu'il voulait créer, discipline autonome au sein des...
  • CIRCULATOIRES (SYSTÈMES) - Les systèmes circulatoires des animaux

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    • 4 530 mots
    • 7 médias
    ...corps unicellulaire d'un protozoaire comme la paramécie est en permanence recyclée grâce aux vacuoles pulsatiles qui s'emplissent et se vident dans le milieu ambiant. Mise en mouvement par les battements des flagelles qui garnissent la cellule, l'eau externe circule dans la masse du corps des spongiaires...
  • CONSTANTES PHYSIOLOGIQUES HUMAINES

    • Écrit par
    • 81 mots

    Paramètres physico-chimiques caractérisant le milieu intérieur normal d'un sujet humain en bonne santé, à composition « stable », par suite de mécanismes régulateurs de l'homéostasie.

    Leur mesure fait partie de l'examen clinique complet que nécessite le bilan de santé....

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