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MEXICO

Explosion urbaine et ville tentaculaire

À partir des années 1940, la croissance de la « plus limpide de la région la plus transparente de l’air » (Carlos Fuentes, 1958) s’emballe, alimentée par un exode rural massif et une forte fécondité. Pendant plus de vingt ans (1950-1970), la ville connaît des taux de croissance de l’ordre de 5 % par an et triple sa population (8,9 millions d’habitants en 1970). Capitale politique et économique du Mexique, elle a fonctionné comme une « pompe aspirante » pour les populations, qui s’entassent dans les vecindades, habitat populaire dégradé du centre-ville (Lewis, 1961), mais aussi pour les élites, les étudiants, les travailleurs de l’ensemble du pays.

Durant la seconde moitié du xxe siècle, Mexico symbolisa la force du régime révolutionnaire mexicain. Elle fut la vitrine du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), parti au pouvoir pendant plus de soixante-dix ans (1929-2000). De 1928 – année qui voit la fin du régime municipal et l’instauration du département du District fédéral (DF) – à 1997, le chef de la ville (regente) a été nommé par le président de la République, privant ainsi les habitants de la capitale du droit d’élire leur représentant. En contrepartie de la tutelle exercée par le pouvoir central, la capitale a été l’objet de toutes les attentions de l’État et le lieu privilégié des investissements publics, à travers la construction de grands équipements (Université nationale autonome de Mexico, hôpitaux, musées, stade Azteca pour les jeux Olympiques de 1968) et le développement de services urbains fortement subventionnés (première ligne de métro inaugurée en 1969). La logique de concentration de l’action publique a favorisé la mobilité sociale des chilangos, sobriquet donné aux habitants du district fédéral (correspondant à la ville de Mexico). Une importante classe moyenne (fonctionnaires, commerçants, employés de banque, universitaires, nomenklatura du PRI) s’est développée à l’ombre de l’État. Bénéficiaire du « miracle » économique mexicain (1950-1960), elle accède à la modernité à travers la construction publique, dans l’espace central, de grands ensembles selon les préceptes fonctionnalistes (l’édification du grand ensemble Nonoalco-Tlatelolco (1957-1964) de l’architecte Mario Pani, avec ses cent deux tours et ses douze mille logements en est l’exemple le plus emblématique) ou au nord-ouest, dans l’État de Mexico, à travers le modèle de la maison individuelle associée à la voiture, dans les banlieues à l’américaine de la ville nouvelle de Ciudad Satélite.

Mais derrière la façade de la modernité, le Mexico des années 1950-1970 est une ville populaire, de migrants, de pauvres, les « oubliés » (Los Olvidados, titre du film de Luis Buñuel qui fit scandale lors de sa sortie, en 1950, au Mexique). La politique de « rénovation-bulldozer » lancée par le regente Ernesto Uruchurtu (1952-1966) pour « assainir » la ville de la « ceinture des taudis » amorce le processus de conurbation. Chassés du centre, les habitants pauvres sont allés peupler les immenses coloniasproletarias (quartiers informels et précaires) dans l’État de Mexico. À l’Est, le long de la route de Puebla (État éponyme), les nouveaux arrivants – populations évincées des vecindades et migrants ruraux – ont occupé les terres fédérales et les terres de la réforme agraire (promulguée en 1917). C’est ainsi que, dans les années 1950, a surgi la ville de Nezahualcóyotl (élevée au rang de municipalité en 1963), longtemps considérée comme « le plus grand bidonville » du monde, aujourd’hui grande banlieue populaire consolidée, peuplée de 1,2 million d’habitants (2020).

Les années 1970 marquent le point culminant de l’attraction de la ville, soutenue par le modèle d’industrialisation par substitution d’importation[...]

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Écrit par

  • : éditeur et ancien professeur de journalisme à l'université nationale autonome du Mexique
  • : géographe, professeure émérite à l'université de Paris-VIII, Creda-UMR 7227
  • : vice-président de Televisión Azteca à Mexico, ancien rédacteur en chef chez Encyclopædia Britannica Publishers, Inc., à Mexico

Classification

Pour citer cet article

Fernando BENITEZ, Marie-France PRÉVÔT-SCHAPIRA et Sergio SARMIENTO. MEXICO [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Téléphérique urbain, Mexico - crédits : Jair Cabrera Torres/ DPA/ Age Fotostock

Téléphérique urbain, Mexico

Le Zócalo, Mexico - crédits : dubassy/ Shutterstock

Le Zócalo, Mexico

Mexique : carte administrative - crédits : Encyclopædia Universalis France

Mexique : carte administrative

Autres références

  • FONDATION DE MEXICO-TENOCHTITLÁN

    • Écrit par Éric TALADOIRE
    • 206 mots
    • 1 média

    Conduits par leur dieu tribal Huitzilopochtli (le dieu de la Guerre), craints pour leur férocité, pourchassés par les occupants du bassin de Mexico, les Mexicas, dont l'origine est encore discutée et qui sont surtout connus sous le nom d'Aztèques, qu'ils prendront par la suite, s'établissent...

  • ART COLONIAL

    • Écrit par Véronique GERARD-POWELL, Alexis SORNIN
    • 8 370 mots
    • 2 médias
    La ville était puissante parce qu'elle abritait les pouvoirs politique et religieux : en 1535, Mexico devint la capitale de la vice-royauté de Nouvelle-Espagne qui allait englober l'actuelle Amérique centrale et gouverner aussi les lointaines Philippines ; en 1542, Lima fut consacrée capitale...
  • LES AZTÈQUES (exposition)

    • Écrit par Rosario ACOSTA NIEVA
    • 938 mots

    À de nombreux titres, l'exposition présentée à Londres, à la Royal Academy of Arts, du 16 novembre 2002 au 11 avril 2003, constitua un événement majeur pour la perception européenne des arts précolombiens. Tout d'abord, la qualité et la diversité des œuvres exposées, 359 au total dont beaucoup pour...

  • AZTÈQUES

    • Écrit par Rosario ACOSTA NIEVA, Alexandra BIAR, Mireille SIMONI
    • 12 580 mots
    • 22 médias
    Il faut en effet mesurer le chemin parcouru en moins de deux cents ans par ces « sauvages lacustres ». Au moment où Cortés parvint à Mexico, en 1519, il fut émerveillé des beautés de la ville, qu'il décrivit dans une lettre à Charles Quint comme « la plus belle ville du monde, une nouvelle Venise...
  • CANDELA FELIX (1910-1997)

    • Écrit par Yves BRUAND
    • 412 mots

    Architecte mexicain d'origine espagnole, né en 1910 à Madrid où il fait ses études à l'École supérieure d'architecture, Candela émigre au Mexique en 1939 après avoir été interné dans un camp de réfugiés en France. Héritier spirituel de l'ingénieur Torroja dont il avait pu apprécier,...

  • Afficher les 13 références

Voir aussi