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MÉTROLOGIE HISTORIQUE

« Lorsque les mesures seront uniformes et décimales, chacun pourra apprendre en une heure de temps ce qu'on ne sait jamais bien, dans l'état actuel des choses, en l'étudiant toute sa vie », annonçait à ses lecteurs La Feuille du cultivateur, dans son numéro de messidor an III. Ce bulletin cherchait à convaincre de la simplicité d'emploi du nouveau système. On accusait les mesures anciennes d'entretenir une confusion, pire, un chaos qui auraient pris fin à la création révolutionnaire du système métrique décimal. On ne commença du reste à les bien connaître qu'après leur disparition, quand il fallut calculer leur équivalence avec les unités nouvelles inventées par l'Académie des sciences sous la pression de la Convention. Grâce au nouveau système – qui devint progressivement le système international (S.I.), avant que les Anglais en l'adoptant à leur tour ne le reconnaissent en cette fin du xxe siècle véritablement comme le système universel –, on disposait enfin de l'étalon commode auquel réduire toutes les anciennes mesures. La multiplication, dans les textes, de muids, mines, minots, boisseaux, demi-boisseaux, quartes et litrons pour mesurer les matières sèches décourageait le lecteur effrayé de découvrir que l'échevinage, prudent, avait engrangé dans les greniers 100 mines de blé, 5 muids de légumes secs et 8 setiers de sel, à la cave 3 queues de vin et 7 mirres d'huile, au bûcher 6 cordes de bois, au fenil plusieurs corbes de foin, sans oublier des penses de fromage et de farine, tout cela mesuré au grand setier ou à la petite mesure, emplie, ultime précision, rase ou comble. En fait, le désordre n'était pas si grand. On le découvre, amplifié, parce qu'on veut comparer d'anciennes mesures d'un lieu à l'autre ou avec le système décimal, mais en un même lieu les mesures étaient organisées en systèmes rigoureux régis par une savante arithmétique. Cette impression de désordre naissait de la diversité des mesures d'un lieu à l'autre, d'une marchandise à l'autre. L'agronome anglais Arthur Young, qui traversa le royaume de Louis XVI dont il laissa une précieuse relation de voyage, disait sa surprise de trouver de cinq à dix mesures différentes dans un même pays, entendons un même coin de terre, là où les auteurs n'en notaient qu'une seule, celle, officielle, des chefs-lieux. Il s'étonnait davantage encore, en lisant les ouvrages français d'agriculture, de n'y trouver aucun exposé de la contenance des mesures qui y sont mentionnées à tout instant. Leurs ouvrages, concluait-il, sont inutiles. L'Angleterre n'a dû de conserver si longtemps ses propres unités, de résister à l'introduction du système décimal et de sauvegarder la tradition ancienne qu'à une unification précoce de ses poids et mesures rendus communs à tout le royaume. La complexité des anciens systèmes était telle partout ailleurs que nous nous efforcerons de limiter l'analyse au royaume de France, afin d'éviter d'obscurcir davantage une question qui manque a priori singulièrement de clarté.

D'innombrables poids

Au Moyen Âge, ce n'est pas seulement chaque principauté, chaque ville, chaque seigneurie qui possède ses propres poids. La diversité va plus loin : chaque marchandise a ses propres emballages qui servent aussi de mesure, mais elle a également sa propre livre. La livre est l'unité pondérale la plus usitée. Les métaux précieux sont pesés avec des unités plus fines, le carat et l'once. Un recensement de ces livres dans le royaume de France dénombrerait l'existence d'un bon millier de variétés locales, dont l'apparition n'est pas seulement due au ralentissement des échanges dans un pays divisé par le morcellement féodal. En effet, à Venise, grande[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite des universités de Venise et Lille, directeur de recherche émérite (C.N.R.S. Paris)

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Pour citer cet article

Jean Claude HOCQUET. MÉTROLOGIE HISTORIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

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