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KLEIN MELANIE (1882-1960)

On a longtemps localisé les travaux de Melanie Klein dans le domaine de la psychanalyse des enfants, tenue pour une application et une spécialisation « impure » de la psychanalyse proprement dite. C'est seulement depuis quelque temps, surtout en France, que partisans comme détracteurs y voient la contribution à la pensée psychanalytique la plus originale et la plus féconde depuis Freud. On peut rejeter la machinerie du « système kleinien » – comme toujours, plus écrasante chez les disciples que chez l'inventeur – mais l'on s'accorde à reconnaître sa vocation : tout au long de son œuvre s'effectue une recherche spécifiquement analytique, où le désir de s'aventurer « plus loin », « plus profond », est inséparable d'une exigence de formulation conceptuelle. Pour elle, investigation théorique et dévoilement des modalités les plus « archaïques » de l'inconscient – mécanismes et fantasmes – vont de pair.

Le « privilège » de l'analyse d'enfants

Melanie Klein, née à Vienne, reçut sa formation analytique – conjonction rare – de Sandor Ferenczi (Budapest) et de Karl Abraham (Berlin). Après la mort de ce dernier (1925), elle se rendit, sur l'invitation d'Ernest Jones, à Londres où elle resta jusqu'à sa mort. C'est au sein de la Société britannique de psychanalyse que ses idées et sa technique ont fait l'objet des débats les plus passionnés : « kleiniens » et « anti-kleiniens » évitèrent pourtant la « scission » ouverte.

La première rencontre, décisive, fut pour Melanie Klein celle de l'enfant. Elle sut y trouver le point d'appui d'un long et courageux affrontement avec la propre fille du Maître, Anna Freud. Celle-ci estimait que la psychanalyse était devenue assez assurée de ses fondements théoriques et techniques pour chercher à s'appliquer aux enfants : Freud avait découvert la névrose infantile, on pouvait s'attaquer maintenant directement à la névrose de l'enfant. Elle voyait là – partageant en cela l'illusion, commune dans les années vingt, du pouvoir prophylactique de la psychanalyse – une tâche essentielle, mais qui n'était réalisable qu'au prix d'un certain nombre d'aménagements. L'enfant ne remplissait pas en effet, selon elle, les conditions de l'analyse classique dont le modèle s'était constitué à partir de cas d'adultes : les obstacles tenaient à sa situation (dépendance effective et actuelle vis-à-vis des parents) comme à son degré de développement (insuffisance du contrôle des pulsions, relative méconnaissance des exigences de la réalité) ; ces données objectives retentissaient sur la cure : difficulté à suivre la règle de « libre association », impossibilité de tenir pour manifestations de transfert ce qu'éprouve l'enfant vis-à-vis du thérapeute. Anna Freud était donc conduite à subordonner la visée psychanalytique au souci pédagogique et à se poser en « objet de réalité ».

C'est moins par une contre-argumentation que par une interprétation et un parti pris que répond Melanie Klein : interprétation des réticences d'Anna Freud comme témoignant d'une résistance devant le complexe d'Œdipe en action, pourrait-on dire ; parti pris de mettre à l'épreuve déconcertante de la parole de l'enfant la théorie et la méthode analytiques, au lieu de chercher à définir les conditions auxquelles l'analyse d'enfants devrait satisfaire. Dans ce débat d'allure technique, ce sont en réalité deux éthiques qui s'opposent : pour Anna Freud, il s'agit en fin de compte de faire rejoindre à l'enfant – être négatif et dépendant – la pleine positivité, l'autonomie supposée de l'adulte, alors que Melanie Klein vise d'abord à dévoiler chez l'enfant une [...]

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, membre titulaire de l'Association psychanalytique de France, directeur de la Nouvelle Revue de psychanalyse et de la collection Connaissance de l'inconscient aux éditions Gallimard

Classification

Pour citer cet article

Jean-Bertrand PONTALIS. KLEIN MELANIE (1882-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Melanie Klein par Feliks Topolski - crédits : Feliks Topolski/ Hulton Archive/ Getty Images

Melanie Klein par Feliks Topolski

Autres références

  • ABRAHAM KARL (1877-1925)

    • Écrit par Catherine CLÉMENT
    • 562 mots
    • 1 média

    Psychanalyste allemand, un des plus fidèles et des plus orthodoxes disciples de Freud. Né à Brême dans une famille juive hanséatique, Karl Abraham reçoit d'abord une formation médicale classique. C'est à Zurich, dans la clinique du Burghölzli, fondée par C. G. Jung, qu'il s'initie à la ...

  • AMBIVALENCE, psychanalyse

    • Écrit par Sylvie METAIS
    • 1 182 mots
    • 1 média

    C'est le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) qui a introduit ce terme et en a fait le symptôme dominant dans le tableau de la schizophrénie. Il distingue tout d'abord l'ambivalence dans trois secteurs de la vie psychique : dans les modalités de la volonté, deux volontés qui s'opposent...

  • BION WILFRED R. (1897-1979)

    • Écrit par Émile JALLEY
    • 4 827 mots

    La figure de Bion, principal disciple de Melanie Klein, est celle d'un grand penseur du mouvement psychanalytique. Revenant à la source des premiers grands travaux de Sigmund Freud (1895, 1900, 1911), son principal mérite est d'avoir développé, selon l'ensemble de leurs conséquences et dans...

  • CLIVAGE DU SUJET (psychanalyse)

    • Écrit par Alexandre ABENSOUR
    • 1 322 mots
    C'est précisément sur l'idée que le clivage est à la source de la vie psychique normale ou pathologique que Melanie Klein va échafauder une théorie des rapports précoces du moi et de ses objets (La Psychanalyse des enfants, 1932). Selon elle, l'enfant naît avec un moi rudimentaire dont il est...
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Voir aussi