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KLEIN MELANIE (1882-1960)

Les critiques adressées à Melanie Klein

On peut schématiquement regrouper les critiques, fort divergentes, qu'a suscitées l'œuvre de Melanie Klein.

La tendance de la « psychologie du moi » (ego psychology) lui reproche de sous-estimer le poids de la réalité extérieure et les lois de la maturation biopsychique. Il est vrai que tout se passe pour Melanie Klein comme si chaque individu humain avait à constituer sa propre psyché et que l'issue du conflit « manichéen » dépendait uniquement d'une dialectique interne. Si le rôle de l'entourage et du développement génétique n'est pas nié, il reste qu'on voit mal comment il s'insère dans cette dialectique.

On a critiqué, d'un autre côté, la part excessive donnée à la reconstruction : comment Melanie Klein, même si elle a « analysé » de très jeunes enfants (parfois de trois, quatre ans), pourrait-elle prétendre décrire la vie émotionnelle du nourrisson ? Peut-on dire qu'elle n'agit là pas autrement que Freud affirmant l'existence de fantasmes œdipiens infantiles à partir des seules analyses d'adultes ? Il est difficile d'en être convaincu : on n'échappe pas, en lisant Melanie Klein, à l'impression qu'elle ne se borne pas à reconstruire un passé, mais qu'elle le construit, symbolisant, souvent au prix d'un certain forçage, un « vécu » qui est par principe hors de toute prise.

En troisième lieu, Melanie Klein valoriserait quasi exclusivement un monde fantasmatique défini comme imaginaire ; certes, aucun psychanalyste ne récusera l'efficacité, la consistance, l'influence de ce courant imaginaire capable d'imprégner nos activités les plus conscientes et les plus « adaptées », mais il peut craindre que la dissolution du fantasme – formation de l'inconscient souvent fort difficile à repérer dans son agencement singulier – au sein d'un univers interne ne conduise à simplement doubler tous nos comportements d'un corrélat, d'un envers fantasmatique.

Enfin, en se centrant sur les pouvoirs de l'imago maternelle, Melanie Klein ne se contente pas de compléter, comme l'ont fait la plupart des psychanalystes femmes, la psychanalyse freudienne axée sur le père. Elle est amenée à lui reconnaître une valeur structurante presque exclusive : le bon sein devient le prototype de tous les objets aimants, le mauvais celui de tous les objets persécuteurs. Finalement, de proche en proche, toute la topique du sujet paraît dépendre de la relation à la mère : le bon objet intériorisé forme le noyau du moi ; le surmoi s'édifie sur l'agression dirigée vers la mère et la crainte coupable d'encourir le traitement du talion ou retaliation, etc. Aussi, à la dernière étape de son œuvre, est-ce autour du couple de l'envie et de la gratitude que Melanie Klein fait graviter toute sa problématique. Une problématique de l'inconscient comme corps maternel fantasmatique.

— Jean-Bertrand PONTALIS

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Écrit par

  • : agrégé de philosophie, membre titulaire de l'Association psychanalytique de France, directeur de la Nouvelle Revue de psychanalyse et de la collection Connaissance de l'inconscient aux éditions Gallimard

Classification

Pour citer cet article

Jean-Bertrand PONTALIS. KLEIN MELANIE (1882-1960) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Melanie Klein par Feliks Topolski - crédits : Feliks Topolski/ Hulton Archive/ Getty Images

Melanie Klein par Feliks Topolski

Autres références

  • ABRAHAM KARL (1877-1925)

    • Écrit par Catherine CLÉMENT
    • 562 mots
    • 1 média

    Psychanalyste allemand, un des plus fidèles et des plus orthodoxes disciples de Freud. Né à Brême dans une famille juive hanséatique, Karl Abraham reçoit d'abord une formation médicale classique. C'est à Zurich, dans la clinique du Burghölzli, fondée par C. G. Jung, qu'il s'initie à la ...

  • AMBIVALENCE, psychanalyse

    • Écrit par Sylvie METAIS
    • 1 182 mots
    • 1 média

    C'est le psychiatre suisse Eugen Bleuler (1857-1939) qui a introduit ce terme et en a fait le symptôme dominant dans le tableau de la schizophrénie. Il distingue tout d'abord l'ambivalence dans trois secteurs de la vie psychique : dans les modalités de la volonté, deux volontés qui s'opposent...

  • BION WILFRED R. (1897-1979)

    • Écrit par Émile JALLEY
    • 4 827 mots

    La figure de Bion, principal disciple de Melanie Klein, est celle d'un grand penseur du mouvement psychanalytique. Revenant à la source des premiers grands travaux de Sigmund Freud (1895, 1900, 1911), son principal mérite est d'avoir développé, selon l'ensemble de leurs conséquences et dans...

  • CLIVAGE DU SUJET (psychanalyse)

    • Écrit par Alexandre ABENSOUR
    • 1 322 mots
    C'est précisément sur l'idée que le clivage est à la source de la vie psychique normale ou pathologique que Melanie Klein va échafauder une théorie des rapports précoces du moi et de ses objets (La Psychanalyse des enfants, 1932). Selon elle, l'enfant naît avec un moi rudimentaire dont il est...
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