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RAVEL MAURICE (1875-1937)

L'orchestre et l'instrument

Pour Ravel, le piano restera toujours l'instrument par excellence. Bien au-delà de tout ce qui s'était pratiqué avant lui, il innove, dans Jeux d'eau, une écriture pianistique qui rompt radicalement avec celle de Chopin ou de Liszt. C'est cette voie qu'il poursuit dans Miroirs (1906) et dans Gaspard de la nuit, dont la troisième pièce, Scarbo, est devenue l'un des morceaux de bravoure favoris des virtuoses. Mais s'il invente pour le piano, il rêve de sonorités à proprement parler inouïes, il rêve d'un orchestre neuf. « Il ne faut pas, disait-il à Maurice Delage, se contenter d'orchestrer des partitions de piano », et, toujours paradoxalement, il le fit fréquemment lui-même, soit avec ses propres œuvres (Alborada del Gracioso, Valses nobles et sentimentales, 1911 ; Le Tombeau de Couperin ; Ma Mère l'Oye), soit avec celles des musiciens qu'il admirait (Les Tableaux d'une exposition de Moussorgski, Sarabande et danse de Debussy, Le Menuet pompeux de Chabrier). Magnifiquement affirmé dès la Rhapsodie espagnole, son orchestre est à la fois un prolongement et une négation de celui de Berlioz. Un prolongement car il lui doit cette autonomie des timbres, ces dosages de sonorités, ces subtiles substitutions d'un instrument à un autre, qui donnent des couleurs si originales au fameux Boléro ; une négation parce que, contrairement à Berlioz, la couleur sonore, le timbre ne prévalent jamais, chez lui, sur la rectitude harmonique. Ce parfait technicien de l'écriture instrumentale était aussi un amoureux de l'écriture, de l'harmonie et du contrepoint.

Dans sa vie, Ravel fut aussi paradoxal que dans sa musique. Toujours élégant et même mondain, il aimait à vivre retiré. Ayant appartenu au groupe de ceux qui s'appelaient entre eux les « Apaches » (Léon-Paul Fargue, Tristan Klingsor, Michel Calvocoressi), il ne dédaignait pas de fréquenter le « grand monde », les endroits où l'on se montrait le plus volontiers conventionnel. Malgré la curiosité des critiques, nul ne parvint jamais à percer ce que fut sa vie privée. Maurice Ravel reste l'exemple le plus parfait du génie le plus sage et du révolutionnaire le plus conservateur.

— Michel PHILIPPOT

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Écrit par

  • : professeur de composition au Conservatoire national supérieur de musique de Paris

Classification

Pour citer cet article

Michel PHILIPPOT. RAVEL MAURICE (1875-1937) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Maurice Ravel - crédits : Topical Press Agency/ Getty Images

Maurice Ravel

Jorge Donn - crédits : Linda Vartoogian/ Getty Images

Jorge Donn

Autres références

  • DAPHNIS ET CHLOÉ (M. Ravel)

    • Écrit par Alain PÂRIS
    • 330 mots
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    Commande de Serge de Diaghilev pour les Ballets russes, composé entre 1909 et 1912, Daphnis et Chloé, ballet en un acte et trois parties sur un argument de Michel Fokine et Maurice Ravel d'après le roman pastoral de Longus, est créé le 8 juin 1912 au théâtre du Châtelet, à Paris, sous la direction...

  • ARRANGEMENT, musique

    • Écrit par Michel PHILIPPOT
    • 4 319 mots
    • 1 média
    ...lesquels aucune prise n'est laissée à la contestation : ce sont ceux dans lesquels nous voyons que l'arrangeur est le compositeur lui-même. Dans le cas de Ravel, qui a orchestré une grande partie de ses œuvres pour piano, il est parfois permis de se demander si la version primitivement pensée par le compositeur...
  • BOLÉRO

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  • CAISSE CLAIRE, en bref

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    • 11 médias
    Le plus célèbre emploi de la caisse claire dans la musique savante est sans conteste le Boléro, ballet pour orchestre de Maurice Ravel (1928), avec sa partie obstinée, présente pendant toute la pièce. Un ensemble fourni de percussions – parmi lesquelles la caisse claire – occupe une place centrale...
  • LONG MARGUERITE (1874-1966)

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Voir aussi