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ARIOSTE L' (1474-1533)

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Les comédies

Des cinq comédies de l'Arioste, trois laissent voir l'influence précise des Latins : La Cassaria, ou « Comédie de la caisse », écrite en prose en 1508, refaite en vers blancs en 1531, procède de l'Aululariaet de la Mostellariade Plaute et, à un moindre degré, de L'Andriennede Térence ; I Suppositi(titre à peu près intraduisible avec la somme de ses équivoques), écrits en prose en 1509, refaits en vers entre 1528 et 1531, reposent sur des quiproquos de personnes inspirés de L'Eunuque de Térence et des Captifs de Plaute ; Il Negromante(« Le Nécromancien »), composé en vers en 1520, joué après des remaniements en 1528, combine des situations empruntées à L'Hécyreet au Phormion de Térence. Au lieu que La Lena (« La Proxénète ») tire plutôt son sujet du Décaméron de Boccace ; et la pièce GliStudenti(« Les Étudiants »), restée inachevée et complétée ensuite par un frère de l'Arioste, Gabriele, paraît libre de tout emprunt.

L'influence des auteurs latins ne saurait surprendre chez celui qui fut, avec Machiavel et le cardinal Bibbiena, un des pionniers de la comédie classique en Italie, si l'on considère que jusqu'aux premières années du xvie siècle les pièces représentées devant un public cultivé à Rome, Florence ou Ferrare étaient purement et simplement celles de Plaute et de Térence dans le texte latin, parfois « modernisé » pour être rendu moins difficile. On n'en avait pas joué moins de treize à Ferrare de 1487 à 1503. Loin de procéder par plagiat, l'Arioste apportait une innovation décisive : en écrivant toutes ses comédies en langue vulgaire, il tentait et surtout préparait l'ouverture à tous les publics du théâtre classique, la divulgation de la comédie littéraire jusque dans les milieux les moins cultivés. Comme il est naturel, ses comédies se ressentent des leçons plus littéraires que foncièrement théâtrales extraites jusqu'alors de l'exemple des Anciens : l'intrigue est compliquée à plaisir, surtout dans La Cassariaet I Suppositi, le dialogue tourne souvent au récit alterné ou à l'énonciation à deux voix de considérations axiomatiques, mais Il Negromanteet La Lena font voir un progrès dans l'organisation de l'action autour des caractères, la condensation des aspects distinctifs des personnages, la spécificité de leur expression verbale qui inclut jusqu'à l'argot. D'une comédie à l'autre, si l'on fait abstraction de celle, inachevée, des Studenti, la part réservée à la vie contemporaine va croissant : des allusions au présent, plus nombreuses dans I Suppositique dans La Cassaria, on passe, avec Il Negromante, à la satire de la crédulité dont tant de magiciens et d'astrologues tirent alors avantage – au point d'apparaître aux écrivains comme d'insupportables concurrents à la cour du prince – et, avec La Lena, à une représentation très actuelle des pratiques, à la fois cyniques et misérables, de la prostitution de subsistance. Par son itinéraire, qui va de la transposition savamment agencée de la comédie latine à la comédie de caractères et de mœurs tirée de la société contemporaine, l'Arioste est, à n'en pas douter, de ceux qui ont montré la voie par où le théâtre allait de nouveau s'insérer dans la civilisation moderne de l'Occident.

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Écrit par

  • : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Paris
  • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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